Les parents et futurs parents doivent désormais s’accommoder à cette nouvelle procédure d’état civil, l’acte de paternité. Mise en vigueur depuis le 1er avril 2021, la loi n°2015-08 du 08 décembre 2015 portant code de l’enfant en République du Bénin n’est pas connue de tous et suscite des inquiétudes.
L’annonce faite par le gouvernement de la rupture de la mise en vigueur depuis le 1er Avril de la loi n°2015-08 du 08 décembre 2015 portant code de l’enfant en République du Bénin agite les esprits. Il est 15H05. Nous sommes dans les locaux du 10ème arrondissement de Cotonou. Pendant plus d’une demi-heure, les usagers défilent au bureau de la Division Etat Civil. Certains font la demande de la déclaration de naissance et d’autres l’autorisation de sortie d’enfant, d’autres encore le certificat de coutume et de célibat. Dans une atmosphère détendue, Hugues, Chef division Etat civil reçoit les usagers à tour de rôle. « Nous venons d’apprendre aussi la nouvelle et nous ne maîtrisons pas vraiment les contours de l’acte de paternité. D’ailleurs, nous n’avons encore jamais délivré un tel acte par ici... », dit-il, tout en reconnaissant que l’ancienne procédure consistait seulement à déclarer les naissances, quel que soit le statut conjugal. Même les demandes de renseignements des usagers sont restées sans réponse. C’est dans cette ambiance que bon nombre de Béninois s’interrogent sur l’application de la loi n°2015-08 du 08 décembre 2015 portant code de l’enfant en République du Bénin.
Réduire les naissances des enfants illégitimes !
Pour obtenir l’acte de paternité, pour les couples qui ne sont pas liés par le sacrement du mariage, désormais, le présumé père devra faire une déclaration sur l’honneur à la mairie au cours des trois premiers mois de grossesse. Sans quoi, le nouveau-né ne peut être déclaré. Cette déclaration peut se faire dans un intervalle de 21 jours, à compter du jour de sa naissance sur présentation de la fiche de déclaration sur l’honneur, la fiche de naissance et la carte d’identité. Sans cette déclaration sur l’honneur, l’enfant portera le nom de sa mère en attendant une décision de justice après les preuves que le père de l’enfant apportera. En clair, cette loi en son article 148 dispose que « Aucune mère ne peut attribuer à l’enfant nouveau-né, le nom d’un présumé géniteur que sur présentation d’un certificat de mariage ou d’une déclaration de reconnaissance de la grossesse établie par l’officier de l’état civil. Aucune sage-femme, aucun médecin accoucheur ne peut inscrire sur la fiche de naissance, le nom d’un quelconque présumé père si la femme n’apporte pas au moment de l’accouchement, la preuve du mariage ou de la reconnaissance de la grossesse ».
En effet, la natalité en Afrique en général et au Bénin en particulier constitue un sujet tabou avec ses corollaires. Selon le gouvernement, dans la plupart des sociétés, 95% des naissances se font hors mariage. Ces nouveaux nés sont considérés comme des enfants illégitimes. Une grossesse non reconnue malheureusement avant le décès du présumé père, peut être rejetée par la famille de ce dernier surtout s’il est question de succession ou d’héritage. Afin de résoudre ces situations auxquelles sont confrontées nos sociétés, une loi a été votée par le parlement béninois en décembre 2015 sur la reconnaissance de paternité avant l’accouchement. Cette reconnaissance de paternité établit directement le lien de filiation entre le père et l’enfant et confirme donc l’autorité parentale que le père peut entièrement exercer sur l’enfant. « L’enfant peut porter le nom de son père juste après sa naissance. En cas de succession, l’enfant peut juridiquement bénéficier de l’héritage de son feu père même s’il n’est pas encore né. En somme, cette loi va davantage moderniser la natalité au Bénin et confirmer le statut juridique de l’enfant », a indiqué Vladimir, un internaute.
Une loi et la polémique s’accentue
Selon Don Sancho Gounougbe, « la protection des personnes et de la famille est l’un des rôles régaliens de l’État. Rôle plutôt complexe, son effectivité requiert une synergie d’actions entre le législateur et le pouvoir exécutif. C’est cet effort commun qui a donné naissance à une loi en 2015, qui dispose qu’un père reconnaisse son enfant juridiquement ». Selon lui, qu’on soit dans le cas où une grossesse intervient après un mariage légal ou non, l’auteur d’une grossesse se doit de la reconnaître. Loin d’être une question de loi positive, il pense que cela relève de la responsabilité morale. Mais, la société n’est malheureusement pas faite que d’hommes responsables.
Il fallait donc recadrer les candidats à l’irresponsabilité, s’agissant d’une grossesse. « Si la polémique autour de la loi est légitime, parce qu’elle entend intégrer une nouveauté dans notre quotidien, le bon sens nous oblige cependant à nous poser les vraies questions qui s’y lient. Tombe-t-on miraculeusement grosse, comme dans le cas de Marie, mère de Jésus, sans s’être liée sexuellement à un homme ? Lorsqu’on ne désire pas une grossesse, n’existe-t-il pas des moyens sains pour y échapper ? Lorsqu’on engrosse une personne, le devoir ne nous exige-t-il pas de reconnaître la grossesse et d’assurer communément les charges qui vont avec ? Reconnaître une grossesse un peu plus tôt et suivre les démarches administratives qui s’imposent à nous, n’est-ce pas s’éviter plus tard des problèmes liés à l’état civil des nôtres ? À travers cet échantillon de questions, il est clair que la mise en vigueur de cette loi sortie du tiroir résoudra un nombre de problèmes relatifs aux droits de l’Homme », a-t-il souligné tout en demandant de reconnaître que l’État entend résoudre un problème social dont l’impact n’est apparemment pas perçu par ceux qui s’en prennent à elle et à ceux qui travaillent à la mettre en application.
Par contre Prof Aimé Avolonto, enseignant chercheur, estime que cette loi est non avenue. « Pour ce qui est de cette histoire de certificat de (non) paternité- c’est plutôt ce à quoi cela renverra- l’on ne tue pas une fourmi avec un canon. Ce régime est constamment en mode "créons quelque chose qui ressemblerait à un problème, puis, faisons semblant d’y apporter ce que nous avons envie de faire passer pour la solution au problème qui n’existe pas". Cela s’appelle, au mieux, de l’amateurisme, au pire, de la kakistocratie », relève-t-il. Après une analyse objective, Jonas Charly Zannou pense que « l’établissement de l’acte de reconnaissance de paternité vous protège, donne le droit de paternité sur votre enfant et protège votre enfant devant toutes juridictions ». Au finish, les opinions divergent et seul le temps aidera à trancher sur l’utilité de la loi n°2015-08 du 08 décembre 2015 portant code de l’enfant en République du Bénin.