La loi relative à la déclaration de reconnaissance de paternité suscite des interrogations nécessitant des éclaircissements.
La nouvelle loi est une loi d’application et d’adaptation à la donne de la digitalisation et du changement des documents d’enregistrement des actes de l’état civil.
Avec le Code des personnes et de la famille (Cpf), on avait les registres d’état civil, maintenant dans le cadre de la digitalisation des actes de l’état civil, on a le registre national des personnes physiques, dans lequel est inscrit le numéro d’Identification Personnelle figurant sur un Certificat d’Identification Personnelle (Cip) dont le coût est de 2800 F Cfa et qui a valeur de pièce d’identité pendant deux ans.
Et c’est cette pièce qui est exigée désormais pour faire les déclarations de naissance qui étaient déjà prévues dans le code de l’enfant.
Une période de transition pour garantir l’accessibilité du numéro d’identification personnelle aurait été l’idéal
L’idéal aurait été d’avoir une période de transition permettant que toutes les dispositions soient prises pour assurer la délivrance diligente et facile des Certificats d’Identification Personnelle ; que la déconcentration territoriale de l’Anip qui délivre cette pièce soit une réalité, que les agents qui vont délivrer les actes soient formés et rodés, etc.
Légiférer pour l’avenir est une chose excellente ; cependant étant donné que cette loi est venue pour fixer des modalités actualisées qui vont permettre de faire appliquer des dispositions d’une loi qui est en vigueur depuis six ans, il faut que la conformité à ces modalités soit accessible à tous les papas potentiels.
On va compter sur l’Etat pour qu’il prenne des dispositions rendant l’application de la loi possible et effective.
La reconnaissance de la grossesse avant l’accouchement était déja prévue dans le code de l’enfant
La formalité exigée n’est donc pas nouvelle.
Dans l’intérêt supérieur de l’enfant, la reconnaissance de la grossesse avant l’accouchement était déjà prévue dans le code de l’enfant :
Article 141 : Reconnaissance de l’enfant conçu
Tout enfant conçu doit être reconnu par son géniteur dans les trois (03) premiers mois de la conception par les moyens d’une déclaration sur l’honneur faite devant l’autorité administrative la plus proche du lieu de sa résidence, faute de quoi l’enfant, à sa naissance, porte le nom de sa mère.
Et le code de l’enfant ajoute :
Article 148 : Nom de l’enfant
Aucune mère ne peut attribuer à l’enfant nouveau-né, le nom d’un présumé géniteur que sur présentation d’un certificat de mariage ou d’une déclaration de reconnaissance de la grossesse établie par l’officier de l’état civil.
Aucune sage-femme, aucun médecin accoucheur ne peut inscrire sur la fiche de naissance, le nom d’un quelconque présumé père si la femme n’apporte pas au moment de l’accouchement, la preuve du mariage ou de la reconnaissance de la grossesse.
Cela ne veut pas dire qu’en l’absence de cette déclaration de reconnaissance de la grossesse, l’enfant n’aura ni nom ni acte de naissance
L’enfant a besoin que son existence juridique prenne effet le plus tôt possible.
Il y a plein d’enfants qui n’ont pas d’acte de naissance et dont l’existence est donc inconnue de l’État. Ce qui veut dire qu’ils ne peuvent bénéficier d’aucune protection, d’aucun soin de façon formelle, d’aucune mesure sociale formelle sauf par charité.
La déclaration de naissance fait connaitre l’existence de l’enfant à l’état civil du pays de sa naissance. Et plus on a de précision sur ses auteurs, mieux ça vaut.
Il vaut donc mieux que dès sa naissance un enfant porte le nom de son vrai père, pas celui d’un père hypothétique. Il faut que l’on soit sûr que le père reconnaisse sa qualité de père.
Dans le cas contraire, l’article 141 indique bien ceci : « faute de quoi l’enfant, à sa naissance, porte le nom de sa mère ».
Les contestations de paternité sont légion.
On ne peut pas toujours attendre qu’un papa veuille bien reconnaitre une grossesse ou un enfant né avant de pouvoir donner une existence juridique à cet enfant ;
La vie juridique d’un enfant doit pouvoir être constatée aussi tôt que possible après sa naissance et à cet effet le code de l’enfant dispose :
LIRE AUSSI: Reconnaissance des actes de l’Agence nationale d’identification des personnes : Romuald Wadagni recadre les institutions financières
Article 19 CE (Code de l’enfant) : L’enfant, à sa naissance, doit être déclaré à l’officier d’état civil par son père ou sa mère.
Article 25 CE : Chaque enfant a droit à une identité dès sa naissance. L’identité est constituée du prénom, du nom de famille, du sexe, du lieu et de la date de naissance ainsi que de la nationalité.
Article 34 CE: Tout parent, père ou mère, a l’obligation de déclarer, dans un délai maximum de vingt et un (21) jours, au centre d’état civil le plus proche du lieu d’accouchement, la naissance de son enfant.
Article 40 : Toute naissance doit être déclarée à l’officier d’état civil du lieu de naissance dans un délai de vingt et un (21) jours. Si le délai arrive à expiration un jour férié, la déclaration sera reçue valablement le premier jour ouvrable suivant.
Les déclarations peuvent émaner du père ou de la mère, d’un ascendant ou d’un proche parent, du médecin, de la sage-femme, de la matrone, du chef de village ou de quartier de ville ou de toute autre personne ayant assisté à la naissance.
D’ailleurs dans la nouvelle loi le délai de déclaration passe de 21 à 30 jours
Il est normal que pour une déclaration aussi importante que celle de la grossesse ou de la paternité la loi exige la présentation d’une pièce d’identité
On doit pouvoir avoir la preuve de la véritable identité de celui qui fait une telle déclaration, comme cela se faisait déjà ; si vous déclarez être le père d’un enfant comment pourrait-on attester de ce que c’est bien vous s’il n’y a pas de pièce d’identité?
Le Certificat d’Identification Personnelle est en train de devenir selon l’Etat la pièce d’identité la plus basique; c’est dans cette optique que cette loi exige la mention du numéro d’identification personnelle du père reconnaissant la paternité comme on pouvait exiger la mention de la pièce d’identité de celui-ci ;
Cependant il serait souhaitable de permettre qu’en attendant l’accessibilité du numéro d’identité personnelle on puisse autoriser l’usage des autres pièces courantes d’identité en état de validité.
En conclusion la nouvelle loi reprend les deux situations juridiques possibles dans lesquelles un enfant est conçu et nait, et les actes requis pour chaque situation
Soit l’enfant est né dans les liens d’un mariage, et la loi demande de produire un acte de mariage soit il est né hors les liens du mariage et la loi demande qu’avant sa naissance il puisse être déjà reconnu par son futur papa. Le fait pour la mère de ne pouvoir produire aucun de ces actes ne signifie pas que l’enfant ne sera pas déclaré ou n’aura pas un acte de naissance.
Il en aura un et portera le nom de sa mère en attendant que se règlent les problèmes liés à la paternité ou la filiation. En cela la loi n’ignore pas nos réalités ou notre culture.
Supposons que quelque chose arrive à l’un des parents, notamment au père d’un enfant dont la naissance n’est pas déclarée.
Il ne pourra pas être compté au nombre de ses héritiers. Car sa filiation ne peut être prouvée que par l’acte de l’état civil de sa naissance. Ou si quelque chose arrive à cet enfant. Ses parents ne pourront même pas se faire délivrer un acte de décès.
On ne peut donc fustiger l’exigence d’une reconnaissance de paternité a priori.
Ce qu’il y a de nouveau c’est que la loi exige le numéro d’identification personnelle comme la pièce sur la base de laquelle l’enregistrement de la déclaration de reconnaissance d’une grossesse sera effectué.
Et pour cela l’application de la loi suppose l’accessibilité pour tous du numéro d’identification personnelle nécessaire à l’enregistrement de la naissance de l’enfant dans le registre national des personnes physiques.
Huguette BOKPE GNACADJA, Avocate et Consultante en droits de l’homme et en genre