L’incendie, c’est devenu presque le quotidien des usagers de Dantokpa, le plus grand marché du Bénin. Dans cette interview, le Chef quartier Amzat Aguémon dénonce le manque d’anticipation au niveau de la Société de gestion des marchés autonomes (Sogema) et appelle surtout à une concertation entre l’institution et le conseil local ainsi que tous les acteurs directs impliqués dans la sécurité du quartier Dantokpa.
Un nouvel incendie au marché Dantokpa. Que s’est-il réellement passé ?
Je ne saurai le dire. Selon les pompiers, il s’agit d’un court-circuit. Mais d’une manière ou d’une autre il y aura des incidents ici ou ailleurs. Ceci étant, ceux qui sont en charge de la gestion de ce marché, devraient procéder autrement afin de prévenir ces genres de situation. L’incendie s’est déclenché au environ de 23h45 dans la nuit du vendredi 7 mai. Aujourd’hui, c’est la désolation et malheureusement c’est un phénomène qui devient récurrent.
Quel bilan peut-on faire des dégâts ?
Jusque-là, après ces différents incidents nous n’avons pas encore déploré des pertes en vie humaine. On ne le souhaite point. Mais gérer une structure, c’est anticiper sur les évènements. Je ne vois rien d’anticipatif dans les décisions de ceux qui ont en charge la gestion de ce marché en vue de prévenir ces genres de situations.
Voulez-vous indexer la Sogema ?
Bien sûr ! J’indexe nommément le Directeur général de la Sogema, Armand Gansè. C’est à la limite très révoltant. La Sogema ne prend en charge quelque indemnisation quand ces incidents arrivent. Ils ne sont pas forcément tenus de venir en aide aux sinistrés. Alors que les pertes au lendemain de ces incendies sont colossales. Ça se chiffre en des dizaines de millions. Et ce sont des pertes sèches pour les usagers qui ont emprunté par ci et par là. On devrait se préoccuper de leur situation économique parce qu’il y en a qui n’arrivent pas à survivre à ces désastres.
Il faudrait que la Sogema commence à s’en préoccuper, quand bien même elle n’est pas redevable vis-à-vis de ces gens-là, alors qu’elle perçoit des taxes, des redevances. Je pense que la préoccupation majeure d’un chef d’entreprise c’est le bien-être de ses administrés. Je n’ai rien contre ce Directeur parce que j’ai vu plusieurs directeurs passer mais ce qui se passe sous son règne est quand même assez criant.
Quelle est la responsabilité de la mairie de Cotonou quand on sait que le marché est situé sur son territoire ?
La responsabilité incombe exclusivement à la Sogema parce que c’est sur son territoire de compétence. La mairie de Cotonou est complètement mise à l’écart. La preuve, le DG actuel de la Sogema n’a jamais voulu collaborer avec nous sur ce terrain-là, parce qu’apparemment, il prend en grief toute personne qui veut s’aventurer sur son territoire de compétence. Bien au contraire, c’est lui qui s’amuse à provoquer et à vouloir aller chercher des redevances sur le territoire de compétence de la mairie. Jusqu’aujourd’hui, il a toujours ignoré qu’il est sur un territoire qui incombe à la mairie. Ceci dit, les textes de loi le lui reconnaissent, c’est lui qui gère le marché et il devrait s’en occuper davantage. La mairie n’a rien à y voir. Elle n’a pas de droit de regard sur cette gestion.
Il faut reconnaître que ce n’est pas seulement sous le règne du DG Armand Gansè que des incendies sont survenus au marché Dantokpa. Quelles sont donc les véritables causes de cette situation ?
Je ne dis pas que ces incendies sont du fait de l’actuel DG Sogema. Ce que je déplore, c’est ce qu’on fait après. Qu’est-ce qu’on devrait faire pour prévenir la chose. Nous avons eu des incendies par le passé mais pas autant. Mine de rien, nous avons déjà eu 4 incendies sous le règne de Gansè. Pour la petite anecdote, sur un site où ça a brûlé, on laisse la latitude à des usagers de reconstruire leur habitacle. Ceci faisant est ce que la Sogéma se donne la prérogative de contrôler tout au moins ce qui se passe lors de la reconstruction de ces habitats ? Comment pose-t-on les fils électriques ? Est-ce que cela respecte les normes réglementaires ? C’est un désordre monstre.
C’est ce que je reproche. Par exemple, nous savons qu’il y a dans le marché des gardiens qui sont en couple. Les soirs, ils préparent dans le marché pour veiller au bien matériel des usagers. Ce faisant, il y a beaucoup de risque. Quel est le dispositif de contrôle qu’on peut mettre dans la nuit pour veiller à ce que les gens ne se donnent plus l’habitude d’allumer des feux de bois pour préparer ? Et il ne peut pas le faire. Lui, il vient gérer et il s’en va. Et c’est là qu’il a besoin d’une certaine complémentarité du conseil local de Dantokpa pour veiller dans la nuit sur ce qui se passe. Est-ce que les gardiens font leur travail comme cela se doit, et ce sont des choses qui ne lui coûtent pas. Mais on ne veut pas coopérer avec le conseil local.
Alors, que proposez-vous pour éviter aux usagers ces genres de situations.
Je propose déjà qu’il y ait une complémentarité entre la Sogema et le conseil local et tous les acteurs qui sont impliqués en l’occurrence, les gardiens de nuit, les veilleurs de la berge lagunaire. On serait tous ensemble et dans une parfaite symbiose, qu’on pourrait juguler pas mal de choses en attendant que le déplacement du marché se fasse. L’autre chose, il y a le surpeuplement.
Je pense que c’est le moment déjà de clairsemer un peu le paysage. Venez voir dans les hangars et environs, comment les gens s’entassent les uns sur les autres. Si cela arrivait en pleine journée, ce serait la vraie catastrophe. Déjà, nous pouvons prendre certaines décisions afin d’atténuer, tout au moins de minimiser les risques d’incendie. Le DG Sogema n’est pas forcément celui qui aura la décision, la solution exacte, mais il faut déjà accepter que seul on ne pourra rien faire.
Quelle est l’efficacité du commissariat de Dantokpa ?
Le commissariat de Dantokpa, tous les commissaires qui sont passés par là, tous ont toujours joué leur rôle à plein temps. Le marché est assez grand. Pensez-vous qu’ils ont assez d’effectifs pour veiller 24h /24 ? Il y a des véhicules qui font la patrouille, qui sillonnent tout le temps, non seulement le marché mais aussi le quartier périphérique. Aussi, quand il a une intervention urgente sur la voie publique, les policiers républicains sont obligés d’être là-bas. Est-ce que l’effectif est suffisant pour remplir toutes ces missions. Je ne crois pas. Ils ne sont pas des magiciens, et n’ont pas tous les moyens non plus. Mais ils font ce qu’ils peuvent et j’en suis témoin. Je dirai au président de la République de les doter encore plus de moyens sans oublier les sapeurs-pompiers.
Un appel à lancer ?
Je demande au Chef de l’Etat de voir la personne qui serait capable de s’impliquer humblement afin de mener à bien la mission qui incombe à la Sogema. Car, on ne devrait pas au nom de l’accroissement des recettes mépriser les règles élémentaires sécuritaires. Je demande simplement à tout le monde qu’on se rejoigne et voir comment nous allons distribuer les tâches. Nous avons notre partition à jouer.
La Sogema appartient à tout le monde, c’est une institution étatique. Nous souhaiterions donc jouer notre partition en toute clarté. Nous souhaitons que tous les acteurs de Dantokpa se retrouvent autour de la table aux fins de voir comment mener à bien cette mission. Ne serait-ce que pour prévenir ces genres d’incident avant peut-être que le marché ne soit dégagé d’ici là.
Propos recueillis : Arnaud DOUMANHOUN