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Paludisme en milieu lacustre au Bénin : Sur l’eau, les moustiques ne perdent pas des ailes

Publié le mardi 11 mai 2021  |  Fraternité
Eaux
© aCotonou.com par DR
Eaux usées dans la ville de Cotonou
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Fulbert ADJIMEHOSSOU

Pendant que la Covid-19 attire toutes les attentions avec des statistiques effrayantes, le paludisme fait toujours des victimes en silence. Au Bénin, du fait notamment des problèmes d’assainissement, à Sô-Ava, cette pathologie reste préoccupante surtout en saison pluvieuse et vers la décrue.

Sô-Tchanhoué, dans la commune de Sô-Ava, au Sud du Bénin. C’est bientôt la nuit dans la cité lacustre, encore appelée la Venise d’Afrique. Les moustiques s’invitent dans la barque. Quelques passagers en direction de Calavi se grattent le corps. Epiphane, notre conducteur est habitué. Il ne s’en préoccupe pas trop. « Nous sommes sur l’eau. Les moustiques ont la possibilité de se développer plus facilement à certains endroits ; On fait avec », explique-t-il. Ici, dans l’arrondissement de Vekky, le plus grand de la commune avec 30.000 âmes, le paludisme est une maladie très crainte, voire bien plus crainte que la Covid-19. Selon un mémoire de master soutenu au Cifred/Uac en décembre 2020 sur les problèmes d’assainissement à Vekky, on note plus de 21 000 cas de paludisme entre 2010 et 2019, dont 87,78 % de paludisme simple. Selon les spécialistes, il y a une forte corrélation avec la pluviométrie.

« Nous sommes en zone fortement endémique »
Et ce début de la grande saison pluvieuse est suivi de près au Centre médical Saint Joseph de Sô-Tchanhoué, où l’on note d’habitude une augmentation significative de la masse de travail dans cette période du fait de la recrudescence des cas de paludisme. La vigilance est aussi de mise au moment de la décrue du Lac Nokoué, où des mares résiduelles qu’il laisse constituent des gîtes très productifs pour les anophèles. « Nous sommes en zone fortement endémique pour le paludisme. C’est vrai que tout au long de l’année, on enregistre des cas mais, il y beaucoup plus une forte augmentation en saison pluvieuse et en période de décrue. En période de pic, on a autour de 3000 à 4000 cas de paludisme grave trimestriellement, et beaucoup plus chez les enfants de moins de cinq ans », explique Aurèle Aitchédji, Directeur de ce centre créé il y a 35 ans par l’Eglise Catholique sous l’égide de Mgr Isidore de Souza.
Au Bénin, selon le Ministère de la Santé, en 2019, 46,1% des consultations et 40,8% des hospitalisations sont dues au paludisme. Il a été enregistré dans les formations sanitaires 2.303.503 cas de paludisme simple confirmé dans la population en générale dont plus de la moitié chez les enfants de moins de cinq ans. 196.034 cas graves ont été notifiés avec 3234 décès dont plus de la moitié chez les enfants de moins de cinq ans.

Le danger sous les pilotis
En pirogue, la visite de quelques ménages visités fait constater que le port de masque n’est pas un réflexe partagé, pas de dispositif de lavage de mains non plus pour faire barrière à la covid-19. Cependant, à l’intérieur de ces constructions sur pilotis, la moustiquaire est bien présente, parfois en double. Florence Agboessi, 25 ans, réside dans le quartier Dogodo. Elle prend des précautions, surtout en ce début de saison pluvieuse. « C’est une maladie dangereuse. C’est beaucoup plus craintif en période pluvieuse. Les moustiques augmentent en nombre. Quand les enfants sont atteints, ils sont anémiés. Mon enfant a été déjà transfusé une fois pour ça. Le problème, quand la maladie commence, certains restent à la maison pendant longtemps et essayent de traiter avec des comprimés et tisanes. Parfois, la mort s’en suit », laisse-t-elle entendre. Cependant, sur l’eau, dans la cité lacustre, ce qui donne du plomb dans l’aile de la lutte contre le paludisme, ce sont les problèmes d’assainissement, de stagnation d’eau, très favorable à l’éclosion des gîtes.
Sous les pilotis, ou à côté des maisons, les moustiques sont plus qu’à l’aise pour se reproduire. « On a un sérieux problème d’assainissement qui favorise ça. On peut balayer et rejeter les déchets directement à côté de la chambre. Les plastiques et de boîtes de conserves qui sont sous nos constructions favorisent la prolifération des moustiques. La nuit, ils s’invitent dans la chambre et piquent les enfants », reconnaît Pascaline Aiyadji, la trentaine.

Favoriser une prise de conscience
Ainsi, dans la cité lacustre comme ailleurs, la bataille devrait beaucoup plus être menée à la source pour l’élimination du paludisme au Bénin, d’ici 2030. Aux Journées scientifiques sur le paludisme organisées à Cotonou les 6 et 7 mai 2021, Martin Akogbéto, Professeur titulaire d’entomologie médicale a beaucoup insisté sur la place importante qui doit être réservée à l’assainissement du milieu, avec l’implication des autorités locales. « Lorsqu’on veut lutter contre un mal, il faut l’attaquer à sa racine. La racine du paludisme, ce sont les moustiques, le lieu où ils se développent, les sources d’eau », insiste-t-il.
Les acteurs l’ont compris. La Fondation Vissin mène des activités de sensibilisation dans ce sens. Ce 29 avril 2021, ce fut deux heures d’échanges en langue locale entre populations et experts mobilisés par cet organisme à travers l’initiative Xogbassa (sous l’arbre à palabres, ndlr). « Nous avons identifié ici le besoin d’hygiène et d’assainissement pour réduire les maladies hydriques. Les femmes nous ont fait connaître leurs réalités. Elles se sont retrouvées dans les problèmes évoqués et les solutions proposées. Si l’activité a été faite en français, elles ne pourront pas interagir avec nous », confie Teslanik Houndégnon, Directrice Exécutive de la Fondation Vissin.
Au Centre médical Saint Joseph de Sô-Tchanhoué, aucune occasion n’est de trop pour faire prendre conscience aux populations du mal. Les séances de vaccination et les consultations prénatales sont privilégiées. Des relais communautaires sont aussi mis à contribution. Néanmoins, le Directeur, Aurel Aitchédji, est encore fréquent sur les antennes de To-Sô, la radio de la cité lacustre. Il garde espoir : « nous disposons dans le centre d’une banque de sang. Le constat est que les urgences transfusionnelles sont en train de baisser. C’est la preuve que la population comprend. Mais nous ne sommes pas au bout du tunnel. Il ne faut pas baisser les bras pour la sensibilisation, il faut toujours continuer ».
A coup sûr, au-delà du paludisme, l’assainissement du milieu va soulager les populations de beaucoup de maux. Dans la commune de Sô-Ava, tout le monde en est conscient. Chacun y va avec ses moyens pour le moment, en attendant la croisade.
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