Un pas en avant, deux en arrière. A priori, la décision de réprimer certaines infractions de la route n’a pas été bien mûrie. Annoncée tambour battant, cette opération n’aura duré que 24h. Très vite, la police républicaine qui semblait déterminée à faire régner l’ordre sur la route s’est ravisée. Un moratoire de quelques jours est accordé aux populations pour se mettre en règle. Il faut croire que sous peu la répression reprendra de plus belle.
Plusieurs infractions dont sont friands les usagers de la route étaient concernées par cette opération qui a donné des sueurs froides à plus d’un. Il s’agit du contrôle du port de casque et de la ceinture de sécurité, du port de masque facial recommandé pour la lutte contre la Covid-19, du non-respect de la fixation des plaques d’immatriculation spécialement pour les engins à deux roues, de l’usage du téléphone au volant et au guidon, du défaut d’assurance et de visite technique et du non-paiement de la Taxe sur les véhicules à moteur. Les surcharges ainsi que le respect des couloirs de circulation n’étaient pas du reste dans ce lot d’impairs.
Comme d’habitude, des milliers d’indélicats dans la nasse
Démarrés quelques jours avant le 15 mai dernier, notamment en soirée, les prémices de cette opération de répression ont permis aux agents de la police républicaine déployés à des endroits stratégiques dans la ville de Cotonou d’arraisonner des centaines de motos. Ce « butin » donnait le ton de ce que sera la répression proprement dite une fois lancée. Ainsi, à partir du 15 mai, 24h/24h les usagers de la route qui se retrouveraient en infraction n’auront que leurs yeux pour pleurer. Effectivement, comme annoncé, des milliers de citoyens qui vaquaient paisiblement à leurs occupations ont été dépossédés de leurs moyens de déplacement pour diverses raisons. Toute la journée du samedi dernier, il y eut des pleurs et des grincements de dents sur les axes routiers notamment dans les principales villes du pays. Insensibles à ce concert de lamentations, les agents de la police républicaine ont sévi. Les engins arraisonnés ont été conduits manu militari à la fourrière. Pour les récupérer, en plus de présenter les titres de propriété, il faudra payer des amendes au trésor ainsi que les frais de fourrière.
Pourtant, beaucoup de propriétaires de motos et de voitures épinglées auraient pu éviter de se retrouver dans cette situation inconfortable. Pour ce qui est du port du casque, de la fixation des plaques d’immatriculation, des surcharges et du respect des couloirs de circulation, les intéressés sont condamnables à plus d’un titre. Ceux qui commettent ces infractions au quotidien sont tous conscients qu’ils sont dans l’erreur. La peur du gendarme étant le commencement de la sagesse, c’est maintenant que plein de conducteurs feront diligence pour récupérer les plaques de leurs motos prêtes depuis des lustres. Pourquoi attendre la répression avant de s’acquitter de cette obligation pourtant facile à respecter ? Rouler sans casque hors des pistes cyclables ou du trafic local selon le cas n’est pas un comportement excusable. C’est de l’irresponsabilité à la limite. Il est difficile de trouver des circonstances atténuantes à l’entêtement voire à la défiance des Béninois. Beaucoup ont payé un lourd tribut pour les opérations de répression antérieures. Cela devrait servir d’exemple pour les autres. Curieusement, rien n’y fit. Les mauvaises habitudes ayant la peau dure, les indélicats se comptent par milliers sur nos routes.
Une décision à mûrir ?
Le moratoire surprise accordé aux populations après seulement une journée de répression a été bien accueilli dans l’opinion. Mais au fond, est-ce la bonne solution ? La police n’avait-elle pas suffisamment mûri sa décision, considéré les tenants et aboutissants et pris les dispositions idoines avant d’informer le grand public ? Qu’est-ce qui peut justifier cette volte-face ? La moisson de motos et de voitures est-elle largement au-delà des prévisions ? Que réserve la police aux populations à la prochaine occasion ?
Une opération de cette envergure qui s’étend sur l’ensemble du territoire national exige en amont que la force publique ait procédé à tous les réglages avant de se jeter à l’eau. Le cas de figure actuel renvoie à une improvisation. Si tant est que le but est de faire régner l’ordre public sur la route, il n’y a pas de raison à ce que la police recule d’autant que cela fait partie de ses missions. Eu égard à la sociologie des Béninois, l’idéal serait de trouver enfin la bonne formule qui discipline tout le monde. Sur l’aspect précis de l’obligation de la fixation des plaques d’immatriculation pour les engins à deux roues, de nombreux pays dont le Togo sis juste à côté ont trouvé la solution. Pourquoi faire à chaque fois du rafistolage s’il existe une formule pour régler définitivement ce problème ? La police a raison de taper du poing sur la table. Mais elle devra aller plus loin que les répressions sporadiques ou passagères pour donner le bon pli aux citoyens. Sans quoi, à chaque fois, il y aura des disciplinés de l’instant et des rebelles éternels.