Autrefois très actifs dans chaque quartier du Bénin pour assurer la farine aux ménages, les moulins à maïs deviennent rares. Aujourd’hui, à Bohicon et environs même si le besoin de faire moudre le maïs demeure, le meunier qui est le tenancier du moulin ne répond plus à l’appel. Bien qu’indispensable, la meunerie traverse une crise liée à la main-d’œuvre qui se raréfie.
La rareté de la main-d’œuvre menace le secteur de la meunerie. Dans les villes d’Abomey et Bohicon, les propriétaires de moulins à maïs font des pieds et des mains pour résister afin d’assurer la continuité du service rendu à la population. Les meuniers se font de plus en plus rares dans les villes du Zou.
Les jeunes, qui autrefois exerçaient ce métier avec entrain, sont aujourd’hui réticents pour plusieurs raisons. « Moi, j’avais exercé ce métier pendant des années. Mais, j’ai finalement abandonné suite à une maladie qui a failli m’emporter. À l’origine, la poussière de la farine que j’avais inhalée durant la période et qui s’est accumulée dans mes poumons. Les soins ont coûté une fortune pour ma mère», confesse Hervé Awouisso.
« J’ai très tôt quitté ce métier malgré ma passion, parce que j’ai constaté que le bruit de la machine agit sur mes oreilles au point où je n’entends plus bien», renchérit Albert G. Kingbè, ancien meunier à Cana, dans la commune de Zogbodomey.
A côté du bruit nuisible à la santé, il y a également la poussière de la farine qui intoxique les meuniers. Selon Léocardie R. Assogba, environnementaliste, la poussière de la farine est la première cause d’asthme professionnel. Avec la poussière des céréales, la farine est incriminée dans 25 % des cas d’asthme professionnel, et ce taux atteint 33 % chez les hommes. La rhinite ainsi que l’asthme à la farine sont des maladies professionnelles. Ces allergies peuvent survenir à tout moment de la vie professionnelle. Aucun meunier ne peut affirmer qu’un jour, il ne sera pas atteint.
« L’âge moyen de déclaration des rhinites est de 25 ans et de 45 ans pour les asthmes », ajoute-t-elle. Pour se mettre à l’abri de ces risques professionnels, Léocardie R. Assogba invite les meuniers et même les autres usagers à se protéger le nez et les yeux afin d’éviter à la longue des ennuis de santé. Encore que le contexte de la pandémie de coronavirus l’exige de tous.
Outre le facteur santé, d’autres entretiennent des préjugés sur le métier. Selon eux, le travail de meunier est avilissant.
« Lorsque j’étais plus jeune, je le faisais, mais aujourd’hui où je boucle mes 22 ans, je ne pourrai plus parce que cela me fait honte, surtout si je vois une fille », lâche Gbodja Dannoumè. Ainsi, « bon nombre préfèrent conduire le taxi-moto », fait observer Rodolphe Ayissountin, promoteur d’une meunerie au quartier Agbadjagon, un faubourg de Bohicon. Cependant, le métier n’est pas si mal. Nous sommes payés à 15 000 F pour ceux qui viennent de loin et 12 000 F pour ceux qui sont dans les environs», reconnait Innocent Agli venu de Sèhouè pour ce travail à Bohicon.
Pendant que certains propriétaires installaient les moulins à gas-oil, d’autres faisaient l’option d’installer les moulins à maïs électriques. C’est donc la concurrence déloyale sur le terrain. Chacun met en place sa politique de marketing pour attirer plus de clients. Au bout d’un certain temps de rivalité, beaucoup de meuneries commencent à disparaître. C’est le cas pour Jean Jacques Mongbèto. «Nous avons fermé pour le moment faute d’un meunier sérieux. En six mois, j’ai connu quatre différents meuniers et chacun vient avec ses caprices et sa stratégie de vol de maïs ou même de la recette collectée. Le premier que j’ai recruté est parti de lui-même sans m’avertir. Le deuxième a été renvoyé pour détournement. Le troisième, c’est l’impolitesse et le vol de farine qui l’ont fait partir », explique-t-il.
Un état de choses que confirme Rodolphe Ayissountin. A défaut de fermer comme son homologue, il expérimente le système de contrat. «Pour ne pas fermer comme plusieurs personnes le font déjà, j’ai dû faire recours au système de contrat, c’est-à-dire que le meunier qui travaille avec moi est un chauffeur en attente d’un permis. Dans le contrat qui nous lie, après quatre mois de travail, je lui prends le sésame dont il a besoin. Pendant les congés de détente, il aura donc son permis de conduire. C’est dire qu’il pourra me quitter bientôt », fait savoir Rodolphe Ayissountin. Au pire des cas, lui-même s’occupe du travail pour servir ses clients. En cas d’empêchement momentané, il sollicite le concours de sa femme, de ses enfants ou de son frère, le temps de chercher un nouveau meunier. «Notre difficulté majeure dans ce secteur, c’est le manque de meuniers. Sinon, on ne se plaint pas », explique Rodolphe Ayissountin.