Au début du mois de février, la communauté internationale a célébré la Journée internationale des zones humides dont l’importance se passe de commentaire. Dans l’entretien qui suit, Comlan René Yaovi, ingénieur en environnement parle de la répartition des zones humides au Bénin, évoque leur utilité du point de vue touristique, de la biodiversité et aborde les menaces qui pèsent sur elles.
C’est à la Convention de Ramsar (ville iranienne où elle a été signée), que nous devons la définition des zones humides qui constituent “des étendues de marais, de fagnes, de tourbières ou d’eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l’eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d’eau marine dont la profondeur à marée basse n’excède pas six mètres “. Il n’existe pas de façon formelle, selon Comlan René Yaovi, une répartition temporelle ou spatiale desdites zones. Cependant, on peut admettre, reconnaît-il, que les zones humides du Bénin sont réparties en des fleuves, notamment le Mono (120 km) , le Couffo (170 km), Ouémé (510 km) et ses affluents Térou, le Zou et l’Okpara ; et au Nord, le fleuve Pendjari (80 km) et le fleuve Niger (150 km) avec ses affluents au Bénin que sont l’Alibori, le Mékrou et la Sota.
A côté, relève-t-il, on compte des plaines d’inondation qui comprennent les zones deltaïques (delta de l’Ouémé et du Mono) et des étendues marécageuses ;
Il y a également, des lacs d’eau douce dont le plus important est le lac Toho et le lac Togbadja et d’autres petits lacs très poissonneux comme les lacs Azili , Hlan , Dati, Sélé, Doukon, Togbadji.
Selon Comlan René Yaovi, il y a également deux complexes lagunaires que sont le complexe du Delta de l’Ouémé – la Lagune de Porto-Novo – le Lac Nokoué et celui du Couffo – le Lac Ahémé – le Chenal Aho-lagune côtière.
Parmi les zones humides, certaines ont été classées ou reconnues zones humides d’importance internationale par la convention de Ramsar . Il s’agit, précise-t-il, du Complexe Est du Sud Bénin, classé site Ramsar 1017 le 24 janvier 2000. C’est un site constitué par la Basse Vallée de l’Ouémé, le lac Nokoué, la lagune de Porto-Novo, 30 juillet 2001 avec comme coordonnées géographiques : 2°25’ E et 6°40’ N (Centre du site) et une superficie de 501 620 ha.
Il y a également le Complexe Ouest du Sud Bénin, classé site Ramsar 1018 le 24 janvier 2000 ; c’est un site constitué par la Basse Vallée du Couffo, Lagune côtière, le Chenal Aho et le Lac Ahémé dont les coordonnées géographiques sont 1°52’ E et 6°40’ N (Centre du site) et une superficie de 432 131 ha.
Pour Comlan René Yaovi, on compte également la zone humide de la rivière Pendjari reconnue site Ramsar depuis le 2 février 2007 qui couvre une superficie de 144,774 ha avec pour coordonnées géographiques 11°37’N 001°40’E.
Des terres très fertiles
Par ailleurs dans l’Atacora, on peut relever, selon l’ingénieur en environnement des zones humis des du Complexe W, reconnues site Ramsar depuis le 2 février 2007, dont la superficie est 895 480 ha et avec coordonnées géographiques : 11 ° 50’N et 002 ° 30’E (Centre du site).
Du point de vue de la valorisation qu’on peut faire des zones humides, il faut retenir, selon Comlan René Yaovi, qu’elles couvrent des terres très fertiles et propices pour l’agriculture grâce à l’humidité ou la présence de l’eau pendant la saison sèche et l’apport des limons qui constituent un atout pour la l’exploitation agricole. Le cas le plus connu est la vallée de l’Ouémé (deuxième vallée au plan mondial après le Nil). Elle reste sous-exploitée, apprécie-t-il, vu son potentiel. Il y a aussi la vallée du Niger qui est souvent oubliée et toutes les autres plaines inondables. Ainsi, parlant d’agriculture, cela englobe, indique Comlan René Yaovi, la production végétale (maraichage, riziculture, céréales, plantain….), de l’élevage, des activités de pêche et surtout la pisciculture où on note un grand potentiel totalement négligé.
Du point de vue de l’éco-tourisme, l’utilité des zones humides est également remarquable, fait-il observer. Ainsi, les mares de la Pendjari, les chutes d’eau de Tanougou, la bouche du Roy, Bopa, Possotomé, la route des pêches et Ganvié surnommé «Venise de l’Afrique » constituent autant de sites touristique avec les multiples potentialités de leurs zones humides qui, si elles sont bien mises en valeur pourraient certainement contribuer à la réduction de la pauvreté. Elles demeurent également indispensables à la conservation et à la valorisation des zones humides et surtout au développement des communautés locales.
Outres ces deux grands secteurs, les zones humides offrent également des produits tels que les bois d’œuvre et les produits des arbres (forêt galerie) et une nouvelle activité, l’exploitation du sable lagunaire.
Ainsi, saisissant l’opportunité créée par l’interdiction du prélèvement du sable marin, l’extraction du sable lagunaire s’est rapidement développée, expose Comlan René Yaovi. Pour lui, cette activité croît proportionnellement à la vitesse d’urbanisation à Cotonou, Abomey-Calavi, Porto-Novo et environ. «C’est une activité qu’il faut contrôler sinon elle aura des conséquences écologiques dans l’avenir. Jusque-là, les études n’ont montré que le coté positif tel que la réduction de l’inondation. Mais c’est sûr qu’on va perdre en biodiversité les espèces des plaines inondables au profit de lacs artificiels qui doivent être aménagés dans le futur (un aménagement écologique ou économique selon le besoin)», prévient-il.
La pollution par les produits phytosanitaires
Il faut également prendre en considération les menaces qui pèsent sur les zones humides. Ainsi, retient Comlan René Yaovi, à cause de la pression démographique, ces zones sont souvent comblées et occupées anarchiquement. Surtout dans les villes, elles servent de dépotoir des ordures, fait-il remarquer. L’exemple le plus déplorable, porte sur le lac Nokoué (longeant la berge du coté de Dantokpa.) Conséquence écologique, les plans d’eau sont pollués et la biodiversité dont elle regorge chute drastiquement. De ce point de vue, il déplore également la grande perte économique bien connue que constitue le rejet des crevettes du Bénin par le marché européen.
De même, dans les milieux ruraux, il y a, relève-t-il, la pollution par les produits phytosanitaires. C’est le cas du bassin cotonnier au Nord.
Il y a également le comblement des plans d’eau par des pratiques de pêches prohibées telles les Acadjas et par l’érosion pluviale due aux mauvaises occupations du territoire et aux mauvaises pratiques agricoles. C’est l’exemple du Lac Ahémé.
A titre de solution, l’ingénieur en environnement informe qu’actuellement, le lac Ahémé jouit d’un programme interministériel pour son réaménagement. Il s’agit du programme intercommunal de réhabilitation du lac Ahémé (PIRA). «L’Etat et les autorités communales doivent penser aux autres zones humides pour définir un bon plan d’aménagement intégré afin d’en tirer des profits économiques et préserver ou conserver leurs ressources naturelles et les nombreuses services écologiques (recharge des nappes, atténuation des changements climatiques, rétention des sédiments et polluants, etc.) pour les générations à venir : donc une gestion durable planifiée», préconise-t-il.