« En me tenant, avec humilité et respect, à vos côtés, je viens reconnaître nos responsabilités », a déclaré ce jeudi à Kigali le président français Emmanuel Macron, tout en affirmant que la France n’avait « pas été complice » du génocide au Rwanda. La réaction de Paul Kagame à ces mots n’a pas tardé.
La réaction de Paul Kagame était très attendue. Elle a finalement été très positive. « Ces mots ont eu plus de valeur que des excuses, c’était la vérité », a déclaré le président rwandais, en évoquant le discours d’Emmanuel Macron au mémorial de Gisozi ce jeudi matin. Paul Kagame est ensuite revenu longuement sur l’importance de la reconnaissance de la vérité dans la relation compliquée entre le Rwanda et la France, relation qui s’est néanmoins améliorée petit à petit ces dernières années.
Il a également présenté son homologue français comme un chef d’État cherchant à renouveler et à changer sa relation avec l’Afrique. Un changement dans le bon sens, selon Paul Kagame, qui a conclu : « Les relations entre nos deux pays ne seront jamais conventionnelles, pour le meilleur et pour le pire, et nous avons choisi d’en tirer le meilleur. »
Après toutes ces années de divergences entre ces deux pays, on retiendra aussi la volonté des deux chefs d’État français et rwandais de se tourner maintenant vers l’avenir. La relance de la coopération entre les deux pays a été au centre de leurs discours : l’investissement d’industries françaises au Rwanda, le retour de l’Agence française de développement dans le pays et la réouverture d’un centre culturel francophone.
Nomination d’un ambassadeur français
Emmanuel Macron a aussi annoncé être venu avec 100 000 doses de vaccin contre le Covid-19 qu’il a données au Rwanda dans le cadre de l’initiative Covax. Sans oublier la coopération judiciaire entre les deux pays pour poursuivre les génocidaires encore en fuite. « Je veux croire que ce rapprochement est irréversible », a conclu Emmanuel Macron, qui a annoncé également la nomination prochaine d’un ambassadeur de France au Rwanda dont le poste est vacant depuis six ans, nomination qui sera remise à l’agrément des autorités rwandaises, a-t-il dit.
« Déshonorant pour les victimes »
Le discours d’Emmanuel Macron, lui, ne suscite évidemment pas des réactions que chez les autorités.
Le président par intérim de l’association des rescapés du génocide Ibuka, Egide Nkuranga, se dit plutôt satisfait : « C’est un très beau discours pour nous parce que, tout d’abord, [le président français] a reconnu officiellement le rôle de la France pendant le génocide, et après le génocide aussi, il l’a bien mentionné. Donc, c’est très positif. Il a répondu à notre requête concernant la justice, parce qu’il s’est engagé à traduire devant la justice les présumés génocidaires qui sont en liberté en France. C’est très positif pour nous. C’est une étape après la publication du rapport de Vincent Duclert.
Autre chose : en ce qui concerne la demande de pardon, c’est vrai qu’il ne l’a pas dit directement comme nous l’attendions. On attendait qu’il le dise directement, officiellement, qu’il présente ses excuses au nom de la France, au nom du peuple français. Il ne l’a pas fait comme ça, peut-être pour des raisons politiques, mais quand même il l’a mentionné. Donc, c’est quelque chose que nous avons bien accueilli. »
Colère et déception en revanche du côté du Collectif des parties civiles pour le Rwanda. Emmanuel Macron n’a pas fait de véritables excuses, ni même demandé pardon, estime Alain Gauthier, son président. « Je suis en colère parce que nous avons entendu un discours plein de compassion, plein de bons sentiments à l’égard des victimes et des rescapés. Mais nous attendions des excuses de la France comme d’autres pays ont pu le faire. Personnellement, je suis terriblement déçu. Et concernant le pardon, il n’a pas dit clairement “je demande pardon au nom de la France aux victimes”. Le président Macron n’est pas allé au-delà de ce que le rapport Duclert disait. Il a bien reconnu les responsabilités, mais est-ce qu’il fallait venir au mémorial de Gisozi devant 250 000 corps de victimes pour tenir ces propos ? Pour moi, cela me paraît un peu déshonorant pour les victimes », estime Alain Gauthier.