Le chef de l’Etat vient de succéder à lui-même et cela est, on ne peut plus heureux pour tout citoyen de bon jugement. Avant même sa réélection, il se susurrait déjà que sa seconde mandature sera placée sous le sceau du social. Effectivement, le Président de la République a annoncé qu’il en sera ainsi sans donner plus de détails, il est vrai. En tout état de cause, le gros du peuple a, quant à lui, décrypté suffisamment son message pour y voir ce qu’il voulait entendre, à savoir l’amélioration de ses conditions matérielles d’existence et la possibilité de desserrer sa ceinture.
L’applaudimètre ne se trompe jamais à moins qu’on le manipule ; son intensité, à l’annonce des intentions du Chef de l’Etat afférentes au social dans son discours d’investiture, a résonné à hauteur de ce qu’elle avait diffusé cinq ans plus tôt, lorsque le Président de la République avait déclaré qu’il mènera une lutte sans merci à la corruption qui gangrenait, alors, la gestion des affaires publiques. Il convient de reconnaitre qu’il n’avait pas donné de détails non plus, mais qu’il avait su relever le défi amplement. La réflexion que nous proposons au lecteur prend en compte le fait que le développement social ne nous parait pas n’être qu’affaire de décision gouvernementale, mais impliquant pour se réaliser, également et à n’en guère douter, l’adhésion et l’accompagnement de tout le peuple. Au reste, il est de notre opinion que des conditions particulières devraient être réunies pour assurer la réalisation et l’efficacité de l’orientation sociale que le Chef de l’Etat a décidé d’imprimer à sa politique.
Je pense d’abord aux acteurs de cette nouvelle politique désormais à dominante sociale et à leur nécessaire adaptation
Les médias nous disent, à toute force, que l’on ne change pas une équipe qui gagne. Que diantre la changerait-on si tous les paramètres ayant permis son efficacité demeuraient les mêmes ! Mais que faire lorsque l’on réajuste ces paramètres. Remanier de fond en comble son équipe aurait certainement été la porte ouverte à une crise dont on ne saurait prévoir la dimension au détriment des actions à mener. Et, le Chef de l’Etat nous a donné l’impression de s’être opportunément fait bien entendre par ses collaborateurs directs ; il a averti qu’il sanctionnera en cas de déviances de sa politique et d’actes de mauvaise gouvernance. Nous en déduisons que les ministres devraient comprendre que l’élément social prédominera et prévaudra, désormais, dans toute action qu’ils lui proposeront ; ils devront alors s’adapter à la nouvelle vision du chef de l’Etat.
Je pense à la nécessité de la restauration de la notion de solidarité citoyenne
L’on ne saurait donner une nouvelle direction à la gestion des affaires publiques sans une nouvelle philosophie pour la sous-tendre. Peut-être n’est-ce pas le terme qui conviendrait pour un simple réajustement de politique vu sous l’angle d’une nouvelle stratégie, sans pour autant toucher au système lui-même qui demeure capitaliste ? Convenons alors tout simplement de la réintroduction dans la politique gouvernementale et aussi dans notre pensée politique, de la notion de Solidarité ; et je dois confesser que je nourrissais le secret espoir que ce terme soit accolé à un ministère, mais ce ne fut pas le cas. Remémorons-nous, cependant, l’histoire de cette valeur citoyenne profondément rassembleuse par sa nature et nécessaire à l’environnement sociopolitique de toute politique à orientation sociale, mais également de justice sociale.
Le président Boni Yayi avait créé, en l’année 2012, un Haut-commissariat à la Solidarité, puis il a, lui-même, amorcé son déclin dès 2013 en lui enlevant toute autonomie. Il l’avait alors placé sous la tutelle du Ministère de la Famille, des handicapés et des personnes du troisième âge. Puis, à l’avènement du Président Talon en Avril 2016, l’organe disparut purement et simplement de l’ossature gouvernementale et, de manière discursive, de la scène politique. La chose parait d’autant plus étrange qu’elle semble, à première vue, traduire une identité de vue entre les deux chefs d’Etat à l’encontre de la solidarité. Mais s’il est permis de préjuger que l’attitude du Président Boni Yayi envers le Haut-commissariat a été certainement motivée par des situations conjoncturelles, alors qu’il l’avait lui-même crée, l’on peut dire, sans grand risque de se tromper, que celle du Président Talon relève de la doctrine néo libérale intégrale qui, en principe, ne milite pas particulièrement en faveur de la justice sociale ; elle y voit du socialisant. C’est ainsi que la solidarité avait déserté le forum emportant avec elle, l’esprit même de la solidarité avant sa résurgence circonstancielle, opportune et imparfaite, à l’occasion de l’apparition du Coronavirus et des besoins matériels qui en ont suivi.
Mais la solidarité, citoyenne et bien comprise, n’est pas une valeur dispensatrice d’aumône en situation de crise ; elle est une valeur permanente d’entraide et de soutien à toute politique qui vise à mettre l’accent sur le social. Nous estimons alors, que la notion de solidarité citoyenne devrait être ramenée au plus tôt pour servir de base à la nouvelle politique de la deuxième mandature du chef de l’Etat. Cela ne devrait pas être bien difficile ; il suffira de mettre les médias à contribution. La disponibilité du peuple à accepter la valeur est bien présente. Il sait ce qu’est la solidarité, il sait ce qu’est la tontine depuis la nuit des temps, il a fait l’expérience de la solidarité moderne avec les 120 jours pour équiper nos hôpitaux, l’expérience des 90 jours pour équiper nos centres de formation professionnelle et celle de la quinzaine de solidarité avec les plus démunis. C’est le pouvoir politique qui n’a pas su intégrer la valeur dans ses méthodes de gestion.
Peut-être devrions-nous également instaurer une journée nationale de solidarité ?
La valeur solidarité joue un grand rôle dans la gestion des affaires publiques, et il est important d’en imprégner, à jamais, l’esprit du citoyen. C’est pourquoi nous pensons qu’il serait opportun de décréter une grande journée nationale de solidarité pour qu’elle soit célébrée régulièrement chaque année. Ce ne sera assurément pas un jour férié de plus. La journée pourra être célébrée le lundi de Pentecôte déjà fériée ou couplée avec la fête du Vodoun, déjà fériée, également. Mais si d’aventure, d’aucuns trouvaient à redire, au demeurant en toute légitimité, à ces deux dates sous prétexte qu’elles ont une résonnance l’une chrétienne et l’autre animiste, peut-être pourrait-on, alors la coupler avec le jour de l’an ? Et il est sans dire que dans l’une comme dans l’autre alternative, la disposition ne sera d’aucune incidence financière pour l’Etat.
Je pense à l’opportunité de définir un indice du bien-être social en marge de celui de la croissance économique
C’est vrai que ni le développement, ni la croissance économique ne peut être inclusif ainsi que l’a martelé, à bon escient, le chef de l’Etat récemment sur les antennes de France 24, mais il est tout aussi vrai que la répartition judicieuse et équitable de leurs fruits induit le bien- être social inclusif. Il est de notoriété que le PIB, son taux de croissance, ou le PNB, autant d’indicateurs économiques anonymes et matériels, sont le seul langage que comprennent les investisseurs et les institutions internationales de financement ; il convient donc de les préserver et de les entretenir. Il demeure, néanmoins, que le peuple aimerait bien que l’on lui dise de temps à autre comment évolue son bien-être ; et apparemment, sauf déficit d’information de ma part, notre système économique ne disposait pas d’un indice de bien-être social. S’il s’avérait qu’il en était toujours ainsi, cette seconde mandature devrait pouvoir y remédier en sélectionnant les paramètres qui reflètent effectivement notre niveau de vie pour établir cet indice. Nous stigmatisions déjà ce fait et avions fait la même recommandation lorsque le World Welfare Report avait classé, avec ses propres critères, notre pays avant dernier sur sa liste, il y a de cela huit ans. Le classement avait provoqué un tollé et un branle-bas de nos autorités concernées. Ma réflexion à cette occasion qui datait d’Octobre 2013 et qui portait ‘’Nécessité de l’établissement d’un indice du bien-être et suggérait les paramètres à prendre en considération, s’indignait alors, du fait que nous n’avions pas nos propres critères d’appréciation de notre bien-être à leur opposer. Nous faisions valoir alors que cet indice du bien-être social devrait être comme un tableau de bord pour les actions du gouvernement.
Il serait, par ailleurs, indiqué d’aider le peuple à éviter les malentendus et les quiproquos au sujet de cette orientation de la politique du Chef de l’Etat vers plus de social.
Le chef de l’Etat a dit qu’il mettra l’accent sur le social. Il n’a pas dit qu’il suspendra les projets de développement, ni qu’il fera du social sans le développement. Dans notre système, le développement social provient du développement économique. C’est pour ainsi dire l’épiphénomène du phénomène qu’est le développement. L’essentiel sera certainement de veiller à ce que les projets de développement comprennent des composantes pouvant générer le plus de social possible. Le social ne se réalise pas de manière autonome ; il est arrimé au développement. Et, il n’est pas certain que le gros du peuple fasse la démarcation et comprenne les choses ainsi ; il conviendrait, alors, de le lui expliquer, autrement ses espoirs de desserrer la ceinture seront vite déçus et les mécontentements se feront entendre.
Peut-être devrions-nous saisir l’occasion pour solliciter une meilleure accessibilité du peuple au Chef de l’Etat
Lorsque nous parlons social, nous nous mettons en situation relationnelle. Il serait heureux que cette mandature apporte une touche particulière en termes de renforcement de la communication du chef de l’Etat avec son peuple en marge des campagnes politiques. De manière générale, le social implique un rapprochement plus solidaire entre le père de la nation et son peuple. Et, si des fois, le citoyen avait fini d’épuiser tous les recours possibles et imaginables pour faire droit à sa requête et avoir gain de cause, il devrait pouvoir aller solliciter sa clémence.
La gestion efficiente des affaires publiques devrait pouvoir mener de front le développement et le social quand bien même l’un dériverait de l’autre. Le social a la particularité de concerner l’humain et la finalité de toute politique publique est le bien-être de l’humain ; celui-ci devra donc figurer au cœur de la nouvelle orientation de la politique du chef de l’Etat. De plus, il ne serait pas conséquent de faire du social sur fond d’injustice sociale préexistante. C’est pourquoi la nouvelle orientation devrait faire de son mieux pour régler les contentieux salariaux entre l’Etat et des citoyens en activité comme à la retraite. Et, charité bien ordonnée commençant par soi-même, nous nous permettrons d’attirer, particulièrement et humblement, l’attention de sa Haute Autorité sur les arriérés salariaux de ses agents ayant servi dans les postes diplomatiques à une période donnée et actuellement à la retraite. Leur situation est des plus préoccupantes ; aussi sa Haute Autorité nous permettra-t-elle d’implorer, incessamment, sa clémence dans une réflexion appropriée.
Au total, nous sommes convaincus que le chef de l’Etat, homme de dialogue, acceptera que chacun de nous apporte sa contribution à la nouvelle orientation de sa politique dont il n’a pas jugé opportun de révéler les détails, en la meublant à sa manière. Dans sa chronique du 26 mai, l’éminent journaliste et écrivain, Jérôme Carlos, y est allé de manière enjouée en proposant les centres d’intervention que sont : la promotion et la généralisation du sport de masse, l’informatique par tous et pour tous, la promotion de nos langues nationales et l’incitation aux langues étrangères, le permis de conduire pour tout conducteur d’engin à deux ou trois roues et rendre la vie tant facile qu’agréable aux compatriotes frappés d’un handicap. Des choses simples, dites en toute transparence et pouvant paraitre anodines à première vue, mais qui impactent si fortement la bonne gestion des affaires publiques.
Je me suis alors permis de lui emboiter le pas en proposant ainsi que ci-dessus, que les acteurs de la nouvelle orientation du Chef de l’Etat s’attellent à insuffler beaucoup plus de social dans les projets qu’ils lui soumettront ; que revienne sur la scène politique la notion de solidarité ; que soit décrétée une journée nationale de solidarité ; que soit établi un indice du bien-être social à côté de l’indice de croissance économique ; que soit expliqué au peuple qu’en définitive, le social découle du développement, mais que le Chef de l’Etat donnera probablement les instructions nécessaires pour que tout projet comprenne une bonne composante sociale. J’ai poursuivi mes suggestions en sollicitant une meilleure accessibilité au Chef de l’Etat et ai conclu en demandant que la nouvelle orientation sociale veille bien jeter un regard en arrière pour trouver une solution aux problèmes sociaux pendants, principalement les arriérés salariaux dus par l’Etat.
Puissent ces propositions et celles à venir d’autres citoyens, connaitre la faveur des autorités concernées ! Dans un système démocratique, émettre des idées fait la quintessence de la vie sociopolitique. Ne pas les prendre en considération, tout au moins pour les examiner, c’est là qu’est le désagrément. Et pourquoi donc, cette nouvelle mandature ne devrait-elle pas légitimement aspirer à entrer dans l’histoire comme ayant été spécifiquement la phase sociale de la rupture faisant suite à celle du développement fondamental ?