La journée mondiale sans tabac, célébrée le 31 mai dernier, appelle à renoncer à la consommation de ce produit qui n’est pas sans risque sur la santé. Le rang des consommateurs de tabac ne cesse de s’agrandir au Bénin, toutes choses qui nécessitent une prise de conscience collective.
« S’engager à arrêter ». Tel est le thème de la journée mondiale sans tabac, édition 2021 célébrée, ce lundi 31 mai. Décrétée par l’Organisation mondiale de la Santé depuis 1987, cette campagne de sensibilisation vise à mettre en lumière les méfaits du tabac sur la santé et à accompagner les fumeurs dans leur sevrage.
On note que cette année, l’initiative vise à soutenir plus de 100 millions de personnes dans le monde entier qui tentent de renoncer au tabac. Elle contribue aussi à l’instauration d’environnements plus sains, propices à un arrêt du tabagisme. Des actions de plaidoyer pour des politiques strictes visant l’arrêt du tabac, la promotion et l’élargissement de l’accès à des services de sevrage, la connaissance des tactiques de l’industrie du tabac… sont recommandées par l’Oms.
Il faut dire que la situation au Bénin inquiète certains acteurs.
«Au Bénin, ça fume, contrairement à ce qu’on pense », s’indigne Augustin Faton, directeur exécutif de l’Initiative pour l’éducation et le contrôle du tabagisme. « La situation du tabagisme au Bénin déjà fortement préoccupante a tendance à s’aggraver chez les jeunes en dépit des actions salutaires des pouvoirs publics et partenaires au développement. Une autre stratégie de recrutement des jeunes, ces dernières années, par l’industrie du tabac est la consommation des produits du tabac à travers le nouveau dispositif appelé chicha», dénonce Augustin Faton. La chicha aussi appelée «narguilé», «narghilé» ou «hooka» est une pipe à eau de taille variée, destinée principalement à fumer du tabac ou d’autres produits parmi lesquels les drogues illicites.
Selon une étude réalisée par un groupe de chercheurs béninois et parue en janvier 2020 dans la Revue des maladies respiratoires, la prévalence de la consommation de la chicha en milieu estudiantin à Cotonou en 2018 est de 13,86 %. « Malgré la pandémie de la Covid-19, on note une forte présence de la chicha dans les espaces publics principalement les lieux de loisirs, milieux fortement fréquentés par les jeunes sans le moindre respect des mesures barrières », fait constater Augustin Faton.
Il précise que l’enquête mondiale sur le tabagisme chez les jeunes en 2003 relève que 18 % des élèves fument dans l’Atlantique/ Littoral, 26 % des élèves dans le Borgou/Alibori et 28,2 % ont fumé avant l’âge de 10 ans. En 2008, 16 % des adultes sont des fumeurs. 5,3 % des enfants de 13 à 15 ans sont des fumeurs, selon l’enquête de 2009 et en 2015, 5 % des adultes sont des fumeurs …
Selon Augustin Faton, le 3 novembre 2005, le Bénin a ratifié la Convention-cadre de l’Oms entrée en vigueur le 1er février 2006. Cette action a été suivie par la ratification du protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac le 6 juillet 2018. Le 18 décembre 2017, précise-t-il, une nouvelle loi anti-tabac a été votée et promulguée. Il s’agit de la loi 2017-27 relative à la production, au conditionnement, à l’étiquetage, à la vente et à l’usage du tabac, de ses dérivés et assimilés en République du Bénin. « Seulement, l’un des défis majeurs reste son application effective. Car les décrets d’application de certaines dispositions séjournent encore dans les tiroirs de certains ministères sectoriels comme ceux de la Santé et du Commerce. De plus, les corps de contrôle disent ne pas être assez informés et demandent ainsi la vulgarisation de la loi pour pouvoir mieux l’appliquer », détaille le directeur exécutif de l’Initiative pour l’éducation et le contrôle du tabagisme.
Synergie d’actions entre les Osc
Augustin Faton a été impressionné par les résultats d’une synergie d’actions entre les Organisations de la société civile regroupées au sein de la Plateforme Halte-Tabagisme-Bénin en soutien à une volonté politique clairement affichée par les décideurs au niveau du pays.
Il rappelle qu’en décembre 2017, le président de la République a promulgué la loi N°2017-27 relative à la production, au conditionnement, à l’étiquetage, à la vente et à l’usage du tabac, de ses dérivés et assimilés en République du Bénin. Cette loi intègre les recommandations de la Convention-Cadre pour la lutte anti-tabac (Cclat) et a opéré des mutations profondes dans les politiques publiques en matière de prévention des risques liés à la consommation du tabac et l’exposition à la fumée du tabac, souligne l’acteur de la société civile.
Il fait constater que l’ensemble des préfets, sous le leadership du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, ont pris des arrêtés pour interdire la consommation de la chicha dans les lieux à usage public, en l’occurrence les hôtels, bars-restaurants, boîtes de nuit… sur toute l’étendue du territoire national. Il faut envisager la fin de la consommation du tabac et déjà, les préfets ont donné le signal fort à travers des arrêtés pour interdire la consommation de la chicha dans les lieux à usage collectif sur toute l’étendue du territoire. « La plateforme des organisations de la Société civile engagées dans la lutte anti-tabac au Bénin, grâce au soutien technique et financier de l’African capacity building foundation (Acbf) ambitionne d’appuyer les douze préfectures dans l’application efficace des arrêtés », annonce-t-il.
En matière de sensibilisation, au cours de ces trois dernières années, le Bénin a réussi véritablement à traduire les recommandations de la Cclat dans ses normes législatives grâce à trois actions d’envergure de la Société civile à savoir le plaidoyer à l’endroit des autorités étatiques, la sensibilisation de la population et la dénonciation de l’ingérence des industries du tabac. Car cette dernière est le seul vecteur de transmission du tabagisme d’une génération à une autre. Ces trois actes soulignés par Augustin Faton constituent des actions phares qui doivent être pérennisées pour dénormaliser le tabac dans les mœurs publiques.