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Échographie de l’État de droit sous Talon: Des juristes croisent leurs idées

Publié le mardi 8 juin 2021  |  Matin libre
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© aCotonou.com par CODIS
Les étudiants de la Faculté de Droit et des Sciences politiques FDESP boycottent les examens.
Mercredi 24 juin 2015. Cotonou
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Miguèle Houéto juriste, spécialiste des droits humains, Médard Kponsenon juriste acteur politique, directeur du centre d’assistance juridique et d’encadrement en recherche scientifique et Fatiou Ousmane observateur de la vie politique avocat au barreau de Dijon en France étaient les invités de 100% Bénin des 1er et 2 juin 2021 sur la chaine privée de télévision SIKKA TV les trois praticiens de droit nt prêt leurs regards sur le respect de l’Etat sous le régime Talon.



Pour Médard Kponsenon juriste acteur politique, directeur du centre d’assistance juridique et d’encadrement en recherche scientifique, le premier pilier du gouvernement est la consolidation de la bonne gouvernance, et de l’Etat de droit et sur cette base des réformes ont été engagées et ont conduit à l’adoption de plusieurs lois dont notamment le code électoral, la révision de la constitution, le nouveau code pénal, autant de lois disponibles que le gouvernement applique dans l’exercice du pouvoir, et on peut en conclure que le Bénin demeure un Etat de droit. Une application qui a amené par exemple à la désacralisation de la Cour constitutionnelle, par l’organisation des audiences publiques, permettant au citoyen lambda d’aller s’exprimer devant la haute juridiction, en témoigne aussi l’organisation régulière des élections depuis 2019, en dépit des difficultés d’ordre politique. Il en conclut que « notre pays reste un Etat de droit même si beaucoup de choses restent à faire ». Miguèle Houéto ne partage pas cet avis, à l’en croire, quand on se fie à la constitution de 90, le Bénin a fait l’option, de l’Etat de droit, de la démocratie, et des droits fondamentaux, « mais dans la réalité, il y a beaucoup de frictions, il y a eu à la limite parfois de égarements, peut-être à tort ou à raison », certaines personnes pouvant agir par ignorance. Pour, la spécialiste des droits humains, l’Etat de droit requiert l’indépendance de la justice, avec l’indépendance des hommes et des femmes qui animent les juridictions. L’Etat de droit sous-entend également la démocratie et les droits humains. Mais dans la pratique, « on ne peut pas dire à la date d’aujourd’hui, que cette indépendance, elle est saine, il y a quand-même des bémols qu’on peut apporter à cette indépendance », fait-elle remarquer. Elle n’en veut pour exemple que la réforme du Conseil supérieur de la magistrature intervenue en 2018, mais qui n’a pas satisfait aux attentes de façon générale, car affirme-t-elle, au regard de cette réforme, en plus du chef de l’Etat qui est membre du Conseil supérieur de la magistrature, des ministres y ont fait leurs entrées, « ce qui ne garantit pas l’indépendance et ne nous ôte pas les inquiétudes que nous avons eues ». La réforme de la constitution n’agrée pas tout le monde, poursuit-elle car les audiences publiques, au-delà du charme que cela produit ne sont pas de nature à donner de la sérénité au citoyen, quand on sait la proximité fragile ou fébrile que les citoyens ont avec cette institution. Pour Fatiou Ousmane observateur de la vie politique et avocat au barreau de Dijon en France, « Nous sommes dans un Etat de loi au Bénin », car selon ses propos, la loi est partisane le droit est protecteur des citoyens. « On n’est plus dans un Etat de droit, quand on fait disparaitre le droit de grève, quand on fait disparaitre le droit de manifester, quand la liberté d’expression vous vaut d’être embastillé, pour avoir osé prendre la parole, quand une justice n’est plus indépendante, et la Criet n’est là en réalité qu’en tant que bras armé du pouvoir pour que les institutions judicaires puissent se prononcer et se porter essentiellement sur les opposants, on n’est plus dans un Etat de droit lorsque les principes essentiels d’une démocratie que sont la liberté, la séparation des pouvoirs, les libertés publiques, l’indépendance de la justice ne sont plus respectés. On n’est plus dans un Etat de droit lorsque des citoyens qui n’ont pas encore été jugés sont coupables parce que il leur aurait été reproché tel ou tel fait, en violation, du secret de l’enquête, du secret de l’instruction, et de la présomption essentielle d’innocence, on n’est plus dans un Etat de droit lorsque la hiérarchie, les normes ne sont pas respectées, lorsque les jugements et décisions de la cour constitutionnelle ne sont pas respectés, lorsque le Bénin lui-même ne respecte pas les décisions de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, on n’est plus dans un Etat de droit, on est dans un Etat de loi, ce qui a permis au régime en place d’organiser trois élections, toutes aussi excluant et exclusives les unes que les autres, et bien souvent meurtrières », réplique-t-il.

L’Etat de droit et le respect des normes et hiérarchie

L’ « Etat de droit est dans un état fébrile », s’est inquiétée Miguèle Houéto. Il souffre énormément, dit-elle, parce qu’il y a des piliers qui sont bancals, la fondation de l’Etat de droit au Bénin est en train de s’effriter au regard du respect des normes et des textes, de l’indépendance de la justice, et il y a matière à davantage s’inquiéter, dit-elle. Et en cause, en plus de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, le non-respect de certaines décisions de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples dont l’Etat béninois est parti aux textes fondateurs, ce qui ne mettrait pas les citoyens en sécurité. Mais Médard Kponsenon ne l’entend pas de cette oreille, à l’en croire, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples dispose d’une compétence limitée et n’a pas compétence pour agir dans l’organisation interne, encore moins électorale des États. « La cour africaine des droits de l’homme et des peuples est là pour la protection des droits humains. En rendant une décision relative à l’organisation interne des élections dans un pays, la cour a outrepassé ses compétences », a-t-il souligné. Mais pour Miguèle Houéto, l’État du Bénin était parti au procès, avait un représentant, a échangé les mémoires à chaque fois, donc répliquait et envoyait des arguments. Si tant est que l’État du Bénin sait-il que c’est un non-événement, pourquoi alors s’y est-il associé ? Pourquoi alors a-t-il été jusqu’au bout du procès et qu’il a fallu que les décisions soient rendues, pour qu’il estime que la cour n’aurait pas dû aller vers cela, s’interroge-t-elle. Elle s’offusque par exemple de l’interpellation des artistes pour non-respect des gestes barrières de Covid-19, alors que pendant les campagnes électorales des hommes politiques ont organisé des manifestations en violation de ces gestes barrières, mais en toute impunité. En réponse, Médard Kponsenon a fait savoir que pour les législatives et communales, la campagne électorale a été essentiellement médiatique et les auteurs des quelques débordements observés ont été rappelés à l’ordre par le ministre de la santé. Mais l’élection présidentielle a connu plus d’activité compte tenu de son importance. « Quelle légèreté et quelle banalisation de la santé des gens ? C’est un manque de respect total pour le citoyen », rétorque Miguèle Houéto. Elle dénonce par la même occasion, la réforme du code électoral dont certaines dispositions ne font pas l’unanimité, faisant partir du régime déclaratif au régime d’autorisation, avec l’interdiction des manifestations. Mieux dans un Etat de droit on ne peut pas donner l’ordre de tirer sur les citoyens, a-t-elle déclaré. Des faits qui selon elle, ont entaché l’Etat de droit au Bénin. « Quand on parle d’Etat de droit, cela ne veut pas dire que tout est permis et qu’on peut faire ce qu’on veut. L’Etat de droit ne voudra pas dire l’Etat de désordre », a répondu Médard Kponsenon. Pour lui, « les gens ont reçu des balles par erreur, lorsque l’armé a voulu protéger la quiétude des populations, nul n’a donné l’ordre de tirer sur les citoyens, l’armée est dans son rôle, celui du maintien de la paix et celui de défendre le territoire national contre les agresseurs de l’extérieur », fera-t-il remarquer.



Thomas AZANMASSO
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