Chargé de superviser l’ensemble des opérations liées à l’organisation des élections au Bénin, le Conseil électoral permet désormais à la Commission électorale nationale autonome (Cena), de rendre publics, les résultats provisoires des élections législatives et présidentielle. Une innovation pour le Bénin qui fait ainsi l’option de rompre définitivement avec des organes ad hoc qui ne facilitaient pas l’organisation sereine des élections. Près de trois décennies après sa création, la Cena aborde à coup sûr le délicat virage de sa stabilité, de sa pérennité et de son indépendance accrue.
La Commission électorale nationale autonome (Cena) a entamé, depuis quelques années, sa restructuration en ce qui concerne ses attributions. Désormais, elle détient plus de pouvoir grâce à son renforcement par le législateur à travers la mise en place du Conseil électoral et de la Direction générale des élections. En termes d’effectif, elle n’a pas connu de changement hormis la répartition, et on pourrait, à la limite, s’en féliciter dans la mesure où, dans l’ancien dispositif, il y avait sur les cinq membres, un qui était issu du corps des magistrats et représentait un courant neutre politiquement et surtout un apport technique certain en matière d’application de la loi.
Selon Joël Atayi Guèdègbé, expert en gouvernance, les quatre autres places étaient réparties dans une approche paritaire qui a été obtenue de hautes luttes dans le contexte post-électoral de 2011 à travers la répartition des quatre places entre la majorité et l’opposition à parts égales. Mais il peut arriver, note le politologue, que la mouvance présidentielle ne soit pas majoritaire à l’Assemblée. «Quand on tient compte des aberrations possibles de l’ancienne répartition, la nouvelle paraît plus adaptée en ce qu’elle réserve deux places au Parlement à savoir une pour la majorité et une pour la minorité, qu’elle soit de la mouvance présidentielle ou de l’opposition. Elles peuvent appartenir au même camp comme c’est le cas actuellement ou elle pourrait être toutes de l’opposition. Il n’y a pas de fatalité à ce que la mouvance présidentielle soit forcément une majorité », souligne-t-il.
L’autre innovation, selon l’expert, est que les magistrats ne passeront plus désormais par la ratification de l’Assemblée nationale avant d’élire leur représentant. Sortant donc de l’Assemblée, il reste deux places qui sont désormais réparties à raison d’une pour le chef de l’Etat et une pour le chef de file de l’opposition. «On est à la limite sûr de trouver la mouvance présidentielle en dehors de l’Assemblée avec le chef de l’Etat d’un côté et le chef de file de l’Opposition d’ailleurs qui, cette fois-ci, ne siège pas à l’Assemblée nationale. De ce point de vue, on pourrait dire que cette nouvelle répartition donne la garantie nécessaire qu’il y aura fondamentalement une place pour l’opposition à chaque fois», précise-t-il.
Composition du Conseil électoral
Joël Atayi Guèdègbé explique que le Conseil électoral est chargé de superviser l’ensemble des opérations liées à l’organisation des élections au Bénin. Elle reprend les attributions qui ont toujours été celles de la Cena tout en ménageant une place plus nette pour les agents recrutés et responsabilisés en tant que tels par rapport à des fonctions. Dans le nouveau dispositif, ajoute-t-il, la Cena est subdivisée en deux branches. D’une part, le Conseil électoral assimilé à un conseil d’administration avec la supervision des représentants des forces politiques et l’effort d’avoir à l’intérieur, une tendance un peu neutre. Le Conseil électoral est l’organe dirigeant de la Cena. D‘autre part, l’essentiel, à l’en croire, étant de faire un effort pour dépolitiser l’organisation des élections, il y a le second organe qu’est la Direction générale des élections qui représente la branche technique ou opérationnelle de la Cena. Ladite direction a, à sa tête, un directeur général des élections qui est recruté par appel à candidatures ainsi que les quatre directeurs techniques qui dirigent la direction chargée des Affaires administratives et financières, la direction chargée du matériel des opérations, la direction chargée des systèmes d’information et la direction chargée de la communication et de l’information en plus d’une personne responsable des marchés publics.
Joël Atayi Guèdègbé fait observer qu’il s’agit là d’une innovation de la loi. Il poursuit que le président de la Cena est issu du Conseil électoral. Son adjoint qui, selon la loi, est désigné sous le terme de rapporteur est également élu parmi les cinq personnalités. A eux, s’adjoint le délégué général des élections qui fait office de secrétaire. Fondamentalement, c’est ce qui a changé avec un libellé très précis pour les directions.
Les attributions du Conseil électoral sont à peu près celles de l’ancienne Cena vue comme organe dirigeant. L’expert en bonne gouvernance souligne que le Conseil électoral reprend les anciennes attributions dévolues aux personnalités qui la dirigeaient à savoir fondamentalement, la proclamation des résultats définitifs des élections communales et locales. Il ajoute que, désormais, il y a une innovation de la loi qui fait que la Cena, à travers le Conseil électoral, publie les résultats provisoires des élections législatives et présidentielle. « Avant, c’était une attribution de la Cour constitutionnelle qui proclamait autant les résultats provisoires que définitifs des législatives et de la présidentielle. La révision de la Constitution a permis, cette fois-ci, de corriger cette anomalie et de donner plus de marge à la Cena pour au moins publier non pas seulement les grandes tendances mais désormais les résultats provisoires des élections législatives et du président de la République avant de les transmettre à la Cour constitutionnelle qui reçoit d’abord les recours et proclame les résultats définitifs. La Cena n’est plus limitée comme avant par rapport aux résultats des législatives et de la présidentielle qui étaient entièrement sous le contrôle de la Cour », détaille-t-il.
Défis d’une administration électorale indépendante
Joël Atayi Guèdègbé précise qu’un code électoral n’est pas fait pour être modifié en permanence bien qu’aucune loi n’échappe à la possibilité d’être revue par le législateur. Il souligne qu’il est bon que la législation soit suffisamment longtemps stabilisée avant le début de la compétition pour ne pas donner l’impression qu’on change les règles du jeu au cours du jeu. « Quand un code électoral est bien élaboré, il résiste globalement à la volonté d’être modifié pour se ménager des avantages. Le code électoral permet au corps électoral dans son ensemble de savoir à quoi se référer en matière électorale », appuie-t-il. Il indique que si le législateur peut faire l’effort de stabiliser le cadre légal des élections et d’avoir les lois les plus consensuelles qui soient, il va sans dire que les disputes électorales et tous les conflits qui sont liés à l’adoption, à l’application de la loi sur le processus électoral seront résorbés de façon significative. Il s’avère important d’avoir, selon lui, un organe de gestion des élections qui disposerait d’un format stable, d’une composition stable et d’un mandat stable.
L’organisation des élections, note-t-il, est un acte souverain d’un Etat et généralement relève du pouvoir exécutif. Le contexte des années 1990 au Bénin et dans le reste de l’Afrique a amené les gouvernements à se dessaisir de l’organisation des élections puisqu’ils faisaient l’objet de suspicions. « Il ne s’agit pas de mettre en place une Cena pour penser que tout est gagné. C’est par la manière dont la Cena travaille qu’elle va relever ce défi de la confiance. Un organe stable avec des moyens dédiés et des règles claires donne peu ou prou une administration électorale indépendante », lance-t-il. Et il poursuit : « Au Bénin, nous avons mis une trentaine d’années pour arriver à mettre en place un code électoral qui est un modèle dans la sous-région. Dans les récentes lois votées, c’est la Cena qui était chargée de la répartition de l’aide de l’Etat aux partis politiques, ce qui n’a pas été toujours le cas dans les années passées. Cette aide était prévue mais c’était le ministère de l’Intérieur qui la gérait. Cela ne pouvait pas être le cas aujourd’hui, si la Cena elle-même n’est pas une administration permanente et indépendante », fait-il savoir. Une Cena permanente devrait aider à avoir des élections qui coûtent moins cher. C’est un idéal pour lequel, il faut travailler sérieusement pour que ça devienne réalité. Il y a un vrai travail de maitrise des ressources financières à faire.