Dans un communiqué, en date du 02 juin 2021 et signé du directeur général de la Société de gestion des déchets et de la salubrité du Grand Nokoué (Sgds-Gn) Valery Lawson, il est porté à la connaissance des ménages du Grand Nokoué (Cotonou, Ouidah, Abomey-Calavi, Sèmè-Kpodji et Porto-Novo) qu’ils doivent désormais conditionner leurs ordures ménagères dans des poubelles aux normes EN 840. Lesquelles poubelles sont cédées au prix subventionné de 25 000FCFA à la Sgds-Gn et auprès des Pme mandatées pour la pré-collecte des déchets dans le Grand Nokoué. Le communiqué venait ainsi confirmer l’information qui, un jour avant, c’est-à-dire le 1er juin 2021, avait été annoncée aux structures chargées de la pré-collecte, lors d’un atelier de formation. Il n’en fallait pas plus pour que la polémique enfle sur le coût des poubelles jugé exorbitant par nombre de béninois. Dans un pays où le Smig est de 40 000FCFA, et reste inchangé depuis 10 ans, ils ne comprennent pas qu’on les oblige à acquérir une poubelle à 25 000FCFA. Ceci, dans un contexte où, le chef de l’Etat, lors de la prestation de serment pour un second quinquennat, dimanche 23 mai 2021, a affirmé que ce 2e mandat sera ‘’hautement social’’. 23 mai 2021 : discours d’investiture du chef de l’Etat ; 02 juin 2021, soit une dizaine de jours seulement après, la Sgds-Gn sort les poubelles à 25 000FCFA. 1er coup dur porté au mandat dit ‘’hautement social’’.
Le gouvernement et la Sgds-Gn expliquent la décision et sensibilisent…
Dans son communiqué, le Directeur général de la Sgds Valery Lawson justifie l’imposition des poubelles homologuées par le fait qu’elles sont adaptées pour être soulevées par le lève-conteneur des tricycles et des camions benne à ordures ménagères. Leur acquisition, selon ses propos, permet d’améliorer les conditions de travail des opérateurs et d’augmenter l’efficacité du ramassage des déchets. De plus, l’adoption de ces poubelles, selon toujours le communiqué, permet de préserver la santé de sa famille, en évitant la prolifération des mouches et autres insectes et de limiter ainsi la propagation des maladies liées à l’insalubrité.
Pour le porte-parole du gouvernement, la réforme trouve son explication dans le souci de faciliter le travail aux agents de la Sgds et entre dans le cadre des efforts du gouvernement qui a fait des investissements massifs pour l’acquisition de matériels d’assainissement. Il prendra l’exemple du projet asphaltage et des moyens modernes dont s’est dotée la société Sgds. « Je suis sûr que vous seriez choqué si vous entrez dans un quartier et que vous voyez les équipements de la société, vous voyez les agents de la société entreprendre de débarrasser une devanture de maison quelconque et que soulevant le panier, que le fond cède, que toutes les ordures se dispersent. Vous serez également choqué de voir que devant certaines maisons, les ordures sont certes entreposées dans des récipients, mais généralement, parce que, il y a des animaux en divagation, les ordures se retrouvent au sol. Alors que les agents de la Sgds ne sont pas préposés au balayage des devantures, ni à l’assemblage des ordures avant de les débarrasser. Donc, il était utile pour la société, pour optimiser son travail et contribuer davantage à assainir notre cadre de vie, de faire en sorte que les poubelles dont nous allons nous doter soient conformes aux moyens modernes dont elle dispose et que cela facilite un peu plus la tâche à ses agents », a laissé entendre Wilfried Léandre Houngbédji, Sga et Porte-parole du gouvernement.
Mais ces explications, sur la raison de cette réforme de poubelle, n’ont pas, pour autant, calmé les citoyens. Ce qui est mis en cause, c’est le coût et non la réforme proprement dite. Voilà que le coût (25 000FCFA), est dit déjà subventionné et donc, plus aucun espoir qu’il soit réduit. Alors, face à la polémique qui perdure, le gouvernement s’est lancé dans une campagne de sensibilisation. On peut voir à certains carrefours de la ville de Cotonou, des affiches sur les panneaux publicitaires incitant à l’adoption des poubelles homologuées. On y lit : « Non aux sacs de jutes et aux paniers : Oui aux poubelles homologuées ». Du coup, des formules sont proposées. Ce qui, au départ, était compris comme une obligation, ne l’est plus forcément. Sur Frissons radio, le directeur de la société en charge de l’enlèvement des déchets ménagers dans les communes du Grand Nokoué annonce que les ménages ne sont pas tenus d’acquérir forcément les poubelles auprès de la Société de gestion des déchets et de la salubrité (Sgds). . « Nous n’exigeons pas nécessairement aux ménages d’aller acheter notre poubelle (…). Je veux nuancer un peu les choses, ce qui est nécessaire voire obligatoire, c’est la poubelle. Ce que nous disons dans l’homologation, ce n’est pas nécessairement les poubelles homologuées, c’est la poubelle (…). C’est des poubelles spécifiques en matière protégée et stabilisée contre les rayons solaires et à une contenance de 600 ml. Il faut un couvercle, il faut des roulettes pour pouvoir facilement manipuler. C’est tout cela que nous mettons dans les poubelles homologuées », a expliqué Valery Lawson.
Ce faisant plus précis, le porte-parole du gouvernement laisse entendre qu’il n’est pas décidé que les populations doivent acheter les poubelles à 25 000FCFA. « La société de gestion des déchets solides a un modèle de poubelle homologuée qui sera cédé à 25 000FCFA. Mais nous sommes dans un marché de libre concurrence où l’initiative commerciale et privée sont liées. Donc vous pouvez obtenir sur le marché vos poubelles homologuées à moins que ça. Si vous les trouvez à 5000, 10 000 même à 2000 FCFA et qu’elles correspondent aux standards, libre à vous d’aller les chercher. Mais je puis vous dire que la société a fait un large tour d’horizon, tenant compte des réalités mais tenant compte aussi des disponibilités. Et je vous mettrais presque au défi de trouver la même gamme de poubelle homologuée que la société cède à 25 000FCFA, de trouver cette même gamme de poubelle sur le marché, aussi bien sur nos marchés traditionnels qu’en grande surface, au même prix… », a laissé entendre Wilfried Léandre Houngbédji au cours d’un point de presse. Pour lui donc, il y a déjà un côté social dans ce que vient de faire cette société en mettant la poubelle à un coût de 25 000 FCFA. Toujours dans le but de montrer que le gouvernement n’impose rien, il va suggérer que, dans un quartier, les voisins peuvent cotiser pour acheter ensemble une poubelle qu’ils utiliseront ensemble. Reste à savoir si cette option est pratique avec une poubelle d’une contenance de 600ml.
Mais ça polémique et ça grogne dans le rang de la population
Tout comme beaucoup de Béninois qui estiment n’avoir pas les moyens de s’offrir cette poubelle, Constant Sinzogan a abordé, de façon ironique sur sa page Facebook, le problème sous l’angle d’une poubelle de luxe. Qui aurait pu imaginer, qu’en signant l’arrêté adoptant sur son territoire administratif des boîtes pour recueillir et transporter les ordures, le Préfet Eugène Poubelle de la Grande Seine, comprenant l’agglomération de Paris, que ce récipient deviendrait un objet glamour, un indice de bonheur du ménage et un évident signe extérieur de richesse, 140 ans après et à 6000 km sous les tropiques ? S’est-il interrogé dans un post. « Car dans un pays où l’on vit avec moins de 2 dollars par jour où le Smig est à 80 dollars par mois, mettre le prix d’acquisition de cette boîte à 50 dollars, la place automatiquement au rayon des objets de luxe et son acquéreur est tout aussi élevé à un rang tout en haut de la hiérarchie sociale », a-t-il poursuivi. Ce qui amène au problème de poubelle qui, désormais serait précieusement rangée au salon. Qui, en effet, va laisser une poubelle achetée à 25 000FCFA au dehors la nuit, à la portée de voleur, dans un contexte où ça devient presque une obligation pour chaque ménage ?
En réponse au poste de Constant Sizogan, Claude Djankaki voit le problème sous un angle différent. Pour lui, « étant donné que plus de 90% de béninois nécessiteux côtoient 9% de béninois moyens à l’intérieur de 1% de béninois super aisés. Les 90% vont se ruer sur les 9% que constitue notre société d’interconnaissance pour leur besoin de poubelle alors que difficilement nous les aidons déjà à régler les frais d’écolage, d’eau, d’électricité, etc. Faut-il rappeler que les 1% sont inaccessible ou quand ils le sont, ils ont plus de moyens ? Bref, la moralité de tout ce développement à titre d’exemple, c’est pour montrer que 9% de béninois seront sollicités par 90% de nécessiteux pour l’achat de poubelle homologuée ». Pour Charles Migan, toujours sur le même post, c’est une façon d’entrer dans le développement par la poubelle.
Le timing arrange-t-il les choses ?
L’annonce de poubelle qui sera désormais cédée à 25 000 FCFA est venue dans un contexte de cherté du prix des produits de première nécessité. Le maïs, le gari, l’huile végétale et autres sont hors de prix sur le marché local. Ajouté à d’autres contingences, les populations ne savaient déjà où mettre la tête quand subitement, elles ont reçu un autre coup de massue. Bien évidemment, la réforme n’est pas mise immédiatement en application. Mais ce ne sera que le temps pour les ménages d’acquérir la poubelle. Au souci de la cherté des denrées alimentaires, vient alors s’ajouter celui de la poubelle de 25 000FCFA. Pour certains béninois, ce n’est vraiment pas le moment. Le gouvernement pouvait, selon eux, trouver d’autres moyens afin d’amortir au contribuable le coût de la poubelle.
Ce qui se fait en Côte d’Ivoire
Des informations recoupées montrent qu’en Côte d’Ivoire, ce sont les mairies qui s’occupent de la gestion des ordures. Elles installent de grandes poubelles à presque tous les grands carrefours et à certains endroits stratégiques, où il y a une concentration d’immeubles et donc de locataires. Les populations n’ont qu’à sortir déposer leurs ordures dans les grandes poubelles et les camions passent à des heures précises pour vider les poubelles. Selon les informations reçues, aucune obligation n’est faite à un ménage de disposer d’une poubelle homologuée. Les mairies s’en sont chargées et ont installé de grandes poubelles aux coins stratégiques. Le prélèvement se fait par contre sur la facture de la Compagnie ivoirienne d’électricité (Cie) qui vient chaque deux mois ou quand l’individu recharge son compte, une somme forfaitaire lui est prélevée, a-t-on appris.