Il est de notoriété que les prix des denrées alimentaires flambent alors qu’apparemment ils ne sont contenus par un quelconque système. Le pouvoir d’achat du citoyen s’amenuise et son niveau de vie a tendance à baisser à rebours de ce que vise le programme d’action du gouvernement. Il est bien paradoxal que le bien-être social s’effiloche ainsi alors que le développement matériel du pays est en progression continue. C’est un dilemme qui requiert, de notre point de vue, une solution durable.
Depuis que le Chef de l’Etat a annoncé qu’il donnera à son programme d’action une orientation plus sociale, nous n’avons de cesse de faire valoir l’idée qu’une telle décision salutaire ne pourra se réaliser pleinement qu’avec la contribution et l’adhésion de tout le peuple. Le social est populaire de nature ou il n’est point ; aussi avons-nous commencé par suggérer la réactivation de la notion de solidarité nationale. Nous avons alors proposé l’instauration d’une journée qui sera dédiée à cette valeur éminemment dynamique et rassembleuse que nous suggérons d’inscrire au calendrier et, de manière discursive, célébrer chaque année afin d’en imprégner les esprits. Nous l’avons fait par voie de presse, et avons pris soin d’en saisir le Ministère des Affaires Sociales et de la Microfinance concerné au premier chef, et aussi d’en rendre promptement compte au Chef de l’Etat. C’est certainement, pensons-nous à présent, la meilleure manière de s’assurer la bonne écoute. La solidarité devrait être le ressort de tout développement harmonieux d’un peuple ; c’est elle qui construit véritablement un pays. Alors, que peut donc faire cette solidarité dans le contrôle de l’inflation qui nous frappe ?
Les possibles causes de l’inflation en cours
En économie de marché que nous sommes, la fluctuation des prix fait partie de sa dynamique sans préjudice des raisons qui peuvent l’entrainer. L’inflation qui sévit actuellement provient d’un déséquilibre entre l’offre et la demande, traduisant une pénurie des denrées alimentaires. Ce peut-être pour raisons de conditions climatiques, la pluviométrie habituelle n’ayant pas été au rendez-vous ; ce peut être que les agriculteurs trouvent plus rentable de vendre leurs produits aux pays frontaliers et qu’ils y procèdent ; ce peut être aussi par pure spéculation à savoir créer une pénurie artificielle pour pouvoir augmenter les prix par la suite, au moment qui conviendra aux grossistes qui fournissent les détaillants. Qu’importe, nous sommes dans une économie libérale, et il est bien difficile de lutter contre les deux dernières éventualités ; nous en convenons aisément. Mais, puisqu’il en est ainsi, il sied de mettre sur pied un mécanisme qui prévienne, à tout le moins, les contrecoups des aléas climatiques si tant est que « gouverner c’est prévoir ; et que ne rien prévoir, c’est courir à sa perte. » Ce mécanisme passe, à notre jugement, par l’institution d’un Fonds de prévision, mais aussi par une politique de constitution d’une réserve stratégique.
De l’opportunité de la création de ce Fonds
Dans le présent cas de figure où les producteurs subissent les répercussions des aléas climatiques et que par ricochet les produits alimentaires se raréfient sur le marché, entrainant l’augmentation de leur prix, la solution radicale et structurelle me parait être l’irrigation des terres. Hormis cette solution, nous resterons toujours, producteurs agricoles et consommateurs, à la merci des aléas du climat et dépendront servilement de son rythme. Probablement que les efforts que fait déjà le gouvernement en ce sens ne suffisent pas puisque le problème demeure.
Avec l’ouverture sociale du programme d’action, j’estime que l’irrigation des terres, que ce soit par voie de retenues des eaux qui descendent des hauteurs et vont se déverser en pure perte dans l’atlantique ou par voie de forages, ne devrait plus être perçue comme une affaire devant intéresser seulement les seuls producteurs agricoles ou attendre qu’un projet financé par un organisme extérieur vienne la réaliser. C’est une affaire qui devrait désormais nous impliquer tous, et nous devons tous mettre la main à la pâte dans un geste noble de SOLIDARITE AGISSANTE pour aider à résoudre le problème d’autant qu’il nous est vital. Dans l’optique dans laquelle nous nous mettons, le Fonds permettra l’irrigation des terres, mais servira également à stabiliser le pouvoir d’achat, le cas échéant.
De la nécessité de la constitution d’une réserve stratégique
J’estime, par ailleurs, que la solution pour parer à une pénurie conjoncturelle de denrées alimentaires passe également par la constitution d’un stock de précaution de produits vivriers non périssables, renouvelables à dates fixes dans des entrepôts d’Etat et susceptibles de faire face à toute situation de rupture momentanée de la production ainsi qu’à la montée subséquente des prix. Le stockage devient nécessaire tant en cas de surabondance de la production suite, notamment, à l’irrigation des terres, qu’en cas d’une pluviométrie exceptionnellement favorable. La constitution d’une réserve permettra, alors, de réguler le marché. Mais comment financer tout cela ? Nous suggérons la création d’un Fonds solidaire.
Comment sera alimenté ce fonds ?
- Par prélèvement sur la TVA.
Tout consommateur, sans égard à son rang social, paie cette taxe à la valeur ajoutée sur tout ce qu’il achète et consomme ; elle est collectée par le vendeur pour le compte de l’Etat. Elle émane donc directement du peuple et est censée être utilisée par l’Etat pour améliorer son bien-être. L’on devrait alors pouvoir y recourir de manière spécifique lorsque la survie de ce peuple est mise en jeu par des phénomènes, somme toute fortuits, telle l’augmentation des prix des produits alimentaires de première nécessité et nécessaires, effectivement, à sa survie. Nous suggérons alors que sur cette TVA payée par tout consommateur sans exclusive, et qui est utilisée, généralement, pour tout investissement de quelque nature par l’Etat, soit prélevé un pourcentage spécifique pour constituer et alimenter un fonds de garantie de son bien-être. Cela parait équitable et évident, à mon sens.
- Par les remboursements à l’Etat des deniers publics détournés.
Outre un prélèvement sur la TVA, nous pensons que ce Fonds pourrait également être alimenté par le remboursement des détournements de deniers publics. A première vue, l’idée pourrait paraitre saugrenue, mais je m’en explique comme suit. Nos financiers appliquent strictement dans la gestion des affaires publiques, le principe sacro-saint de non affectation des ressources. Tout ce qui rentre dans les caisses de l’Etat doit être confondu ; le principe interdit, alors, l’utilisation d’une recette déterminée pour le financement d’une dépense déterminée. J’estime que les particularités de notre économie ainsi que les conditions sociopolitiques de notre développement requièrent que nous nous affranchissions, de temps à autre, et à titre dérogatoire certes, de ce principe budgétaire du droit français, et que soit autorisée, à l’occasion, l’affectation d’une recette déterminée à une dépense déterminée. En effet, les citoyens ont besoin de savoir ce que l’on fait concrètement des remboursements des deniers qui leur ont été volés, et cela est légitime. Ils ont l’impression qu’en fait les crimes de détournement de deniers publics restent impunis. La meilleure façon de les convaincre du contraire, c’est de leur dire ce que l’on fait concrètement de l’argent récupéré ; ils ont droit à cette information. Et si on leur disait que cet argent servait aussi à minimiser l’augmentation des prix des denrées alimentaires en cas de crise, ils en seraient redevables à l’Etat au plus haut point et à n’en point douter.
Je voudrais saisir l’occasion pour rappeler qu’à la suite de la vague de corruption dont a fait état le Conseil des Ministres du 29 mai 2020 où nous apprenions qu’au moins deux milliards de nos francs étaient tombés dans les escarcelles des fossoyeurs de l’économie nationale, nous avions fait des propositions pour renforcer la lutte contre la corruption parmi lesquelles, l’ouverture d’un compte intitulé ‘’mise en débet Corruption’’. Ce devait être un compte spécifique dans les livres du Trésor pour recueillir tous les remboursements d’appropriation de deniers publics par la mise en débet systématique, non seulement à hauteur de la somme détournée, mais augmentée des intérêts courant depuis la date du forfait jusqu’à son remboursement intégral. Je proposais déjà qu’il soit soustrait du principe de non affectation des ressources.
Effets induits de l’inflation
L’on ne saurait traiter du phénomène économique qu’est l’inflation en faisant abstraction de l’effet social qu’il entraine à savoir l’érosion du pouvoir d’achat et la manière de stabiliser celui-ci. L’ajustement des salaires devrait intervenir pour compenser cette érosion et préserver le bien-être du citoyen en garantissant la consommation des ménages. Les économies qu’a faites le gouvernement de la Rupture par le truchement de la lutte contre la corruption et de la réduction des dépenses électorales devraient le permettre. A cette fin, il importe que le gouvernement détermine, en accord avec les associations des consommateurs et les syndicats, le seuil d’inflation au-dessus duquel cette augmentation devra être envisagée systématiquement, sans plus de pourparlers ni de disputes étant entendu que la moindre augmentation des prix ne peut requérir une augmentation automatique des salaires.
L’on peut comprendre qu’en système libéral strict l’on rechigne, par principe, à intervenir directement dans l’économie. Mais nous sommes un petit pays à gros écarts sociaux et l’Etat devrait pouvoir jouer sa partition, dans les conditions que nous venons d’indiquer, pour garantir le bien-être social. Faire de l’irrigation un problème de souveraineté et réguler le marché par la constitution et la gestion d’un stock de vivres.
Au total, nous engageons la solidarité nationale dans la lutte contre les aléas climatiques par l’irrigation des terres et dans la constitution d‘un stock alimentaire afin de préserver le bien-être social. Nous devrions nous faire à l’idée qu’avec la promotion de la notion de solidarité dans les esprits, nous pouvons en arriver à mieux construire notre pays. La finalité de toute politique publique est le bien-être social, mais force est de constater que nous n’avons, jusqu’alors, aucune institution qui matérialise cet objectif premier ; le Fonds que je propose devrait remédier à cette insuffisance. Nous avons la fâcheuse tendance à ne voir dans l’économie, que le développement matériel. Il est temps que nous recadrions nos esprits, et cette seconde mandature nous en donne l’occasion.