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Dr Kossi Badziklou à propos de la trypanosomiase humaine africaine: « Le trypanosome peut franchir la barrière placentaire et infecter le fœtus… »

Publié le lundi 19 juillet 2021  |  La Nation
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© Autre presse par DR
Dr Kossi Badziklou, coordonnateur du Programme national de lutte contre la trypanosomiase humaine africaine
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Par Maryse ASSOGBADJO,

Maladie à transmission vectorielle basée essentiellement en Afrique, la trypanosomiase humaine africaine (Tha) encore appelée maladie du sommeil représente à la fois un problème sanitaire et économique pour le continent. Dr Kossi Badziklou, coordonnateur du Programme national de lutte contre la trypanosomiase humaine africaine « Pnltha » au Togo à la retraite, expert Tha décrit le mal, son évolution et les défis des pays touchés.

La Nation : La trypanosomiase humaine africaine, qu’est-ce que c’est ?

Dr Kossi Badziklou : La trypanosomiase humaine africaine (THA), couramment appelée maladie du sommeil, est une maladie parasitaire provoquée par un trypanosome (protozoaire flagellé), qui est transmis par la piqûre de la mouche tsé-tsé ou glossine et qui affecte les humains. Deux sous-espèces d’un trypanosome (Trypanosoma brucei) génèrent chez l’humain des pathologies différentes : la forme « gambiense » qui sévit dans vingt-quatre pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale représentant 98 % des cas est une maladie chronique (peut prendre des années) et la forme « rhodesiense » qui sévit dans treize pays d’Afrique de l’Est représentant 2 % des cas est une maladie aiguë (quelques jours à quelques semaines)
sans traitement la THA est fatale. Il existe aussi la trypanosomiase animale africaine (Taa) qui sévit chez les animaux, premier handicap de l’élevage bovin en Afrique au sud du Sahara.

Comment reconnaît-on la Tha? Peut-on en être affecté sans le savoir ?

Les signes cliniques et les symptômes de la maladie sont non spécifiques. Le premier stade est asymptomatique. On peut donc être malade sans le savoir. Durant la première phase de la maladie, les parasites présents dans le sang provoquent de multiples symptômes qui rendent difficile l’établissement du diagnostic : fièvre, maux de tête, fatigue, inflammation des ganglions lymphatiques, … Si la maladie n’est pas traitée, les parasites en viennent à envahir le système nerveux central. Durant cette seconde phase, des caractéristiques du cycle veille/sommeil apparaissent. Cette détérioration du système nerveux est toujours fatale en absence de traitement.
La confirmation de la maladie est biologique : le dépistage pour rechercher l’infection potentielle. Il s’effectue par des tests sérologiques (disponibles uniquement pour Trypanosoma brucei gambiense) et par la recherche de signes cliniques, généralement la présence de ganglions lymphatiques cervicaux enflés. Le diagnostic en établissant la présence ou non du parasite dans les liquides biologiques.
L’établissement du stade de la maladie pour déterminer son degré de progression. Cette étape comporte un examen clinique et, dans certains cas, un examen du liquide céphalorachidien après ponction lombaire. Le diagnostic doit être établi le plus précocement possible et avant le stade neurologique afin d’éviter de recourir à des méthodes thérapeutiques complexes et présentant des risques. Le premier stade prolongé, relativement asymptomatique, de la maladie du sommeil due à Trypanosoma brucei gambiense est l’une des raisons pour lesquelles un dépistage actif et complet de la population à risque est recommandé, afin d’identifier les patients à un stade précoce et de réduire la transmission en éliminant le réservoir qu’ils constituent. Les dépistages exhaustifs nécessitent un investissement majeur dans les ressources humaines et matérielles.

Quelles en sont les conséquences sur la santé?

La maladie du sommeil est causée par des parasites transmis par les mouches tsé-tsé infectées et est endémique dans trente-six pays d’Afrique subsaharienne. Sans traitement, elle est considérée comme mortelle. Les populations les plus exposées à la mouche tsé-tsé, et par conséquent à la maladie, sont les populations rurales qui dépendent de l’agriculture, de la pêche, de l’élevage ou de la chasse. La THA est à la fois un problème sanitaire et un problème socio-économique.

La Tha est-elle contagieuse ?

La THA n’est pas une maladie contagieuse mais une maladie à transmission vectorielle. La maladie se transmet essentiellement par la piqûre d’une mouche tsé-tsé infectée, mais il existe aussi d’autres façons pour les populations de la contracter. L’infection de la mère à l’enfant: le trypanosome peut franchir la barrière placentaire et infecter le fœtus. La transmission mécanique par d’autres insectes hématophages est possible. Toutefois, il est difficile d’évaluer l’impact épidémiologique de cette transmission. Des infections accidentelles se sont produites en laboratoire par piqûre accidentelle avec des aiguilles contaminées. Des cas de transmission du parasite par contact sexuel ont également été notifiés.

Pourquoi cette maladie est-elle strictement africaine ?

Les espèces de mouches tsé-tsé, vecteurs de la maladie, se trouvent en Afrique. Il existe plusieurs espèces de mouches tsé-tsé mais toutes ne sont pas vectrices de la maladie. Même en Afrique, les vecteurs de la forme gambiense sont différents de ceux de la forme rhodesiense. Il existe des mouches anthropophiles qui vont transmettre le parasite aux humains et des mouches zoophiles qui vont le transmettre aux animaux. La forme rhodesiense de la THA est une zoonose.

Selon certaines sources, les origines de la THA remontent aux années 1900. Qu’est ce qui explique sa résistance plusieurs siècles après ?

La THA est une maladie tropicale négligée (Mtn) avec des ressources très limitées. Elle remonte à des siècles en arrière. La lutte effective a commencé avec l’arrivée des équipes médicales coloniales au début des années 1900. La lutte avait presque abouti vers les années 1960 avant qu’on ne note un relâchement juste après les indépendances, entrainant une résurgence vers les années 1980. Actuellement, la situation est en voie d’être maitrisée globalement avec moins de 1000 cas notifiés en 2020.

Quelle est la situation aujourd’hui sur le continent ?

Selon la feuille de route de l’Organisation mondiale de la santé, l’élimination de la Tha comme problème de santé publique était prévue pour commencer en 2020. Le Togo est le seul pays à atteindre cet objectif en 2020 suivi de la Côte d’Ivoire en 2021. D’autres pays de la sous-région sont en bonne voie avec leur dossier. L’arrêt de la transmission de la THA est prévu pour 2030. Il y a de forte chance que cet objectif soit atteint avec le soutien réitéré de l’Oms et des autres partenaires.
Dans tous les cas, tout pays concerné devra préparer un dossier conformément aux critères de l’Oms et le soumettre par voie officielle à l’organisation qui va procéder à une évaluation et appréciation.
Par voie graduelle, le dossier sera soumis pour validation de l’élimination de la THA comme problème de santé publique (à faire par pays), vérification de l’arrêt de la transmission (à faire par pays), certification (par l’OMS quand tous les pays auront passé avec succès la vérification de l’arrêt de la transmission).
Le Togo est le premier pays africain à avoir éliminé la Tha comme problème de santé publique. Comment les autres pays tels que le Bénin et ses voisins peuvent-ils s’inspirer de l’exemple togolais?


Tous les pays endémiques sont en réseau sous l’égide de l’Oms. Les informations et les expériences sont partagées. Avant Covid-19, tous les coordonnateurs des programmes THA avaient une opportunité de réunion annuelle de façon alternée à Genève en Suisse et dans un pays africain. Avec le Covid-19, les réunions se tiennent par visioconférence.
Le Togo et le Bénin sont deux pays pilotes pour expérimenter le processus de documentation de l’élimination. Les deux pays ont installé des sites sentinelles dont 3 pour le Bénin à Bassila, Tanguiéta et Banikoara et deux pour le Togo à Tchamba et à Mango avec l’appui de l’Oms. Un site sentinelle de surveillance sentinelle passive de la THA peut être défini comme une structure hospitalière installée dans un écosystème réunissant les meilleurs atouts historique, environnemental, socio-économique et culturel, dotée de moyens organisationnel et matériel susceptibles d’aider à détecter les cas éventuels, c’est un site de veille. Des réunions conjointes annuelles des acteurs de la coordination et des acteurs des sites sentinelles sont conduites de façon alternée au Bénin et au Togo depuis 2012. La dernière réunion s’était tenue à Grand-Popo au Bénin en février 2020 avec l’appui de l’Oms pays, Oms/Afro et Oms/Hq. Le dossier du Bénin est en bonne voie. D’autres pays sont aussi en train d’élaborer leur dossier pour soumission à l’Oms.

2030 est l’échéance des grands rendez-vous de développement. L’élimination de cette maladie fait-elle partie des priorités de l’agenda de développement durable ?

2030 est l’échéance de toutes les maladies tropicales négligées selon la feuille de route de l’Oms. La THA fait partie des Mtn, une priorité de l’agenda sécurité sanitaire et de développement durable.

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