Samedi 8 mai 2021, 8 heures. A Lokossa, dans l’arrondissement de Ouêdêmê-Adja, les paysans sont déjà dans leur palmeraie, coupe-coupe à la main. Accompagnés de leurs femmes qui portent chacune sur la tête des bassines, ils vont tous à la quête des noix de palme.
Kaї Goussi, une commerçante, est assise sur un tabouret dans sa cuisine entrain de surveillé les noix de palmes qu’elle a mis sur le feu pour préparer la sauce et la pâte de maïs avant d’aller au marché. Dans son salon, il y a une bassine qui contient une dizaine de bidons de demi-litre. Ces bidons comportent des liquides rouges. Il s’agit de l’huile rouge.
« Moi, affirme-t-elle, j’adore les noix de palme car c’est souvent bon pour faire la sauce. » Elle renchérit tout en surveillant de très près ce qu’elle a mit sur le feu : « C’est la sauce graine que je prépare chaque jour et c’est ça que mes enfants, mon époux et moi nous mangeons ici. Je vends également des bidons d’huile rouge. » A 50 mètres du village s’étendent à perte de vu des champs de palmeraie. Au milieu des habitats il y a une clôture confectionnée à base des branches de palmier à huile.
Témoignage vivant
A l’intérieur de ladite concession Léontine Amèdjihoundé est debout, habillée dans une chemise rouge. Elle a au tout d’elle des tonneaux métalliques noircirent par la fumé, des fagots de bois, des bidons de 25 litres couleurs jaunes attirent l’attention : c’est son usine de préparation de l’huile de palme. Tout près elle dispose des bassines dans lequel elle récupère les graines de palmier à huile déjà préparé dans un tonneau métallique. Léontine guette l’arrivé du meunier pour écraser les fruits préparés. Elle déclare : « Moi j’aime beaucoup les noix de palme. C’est de cela que je me nourris. Car avec les noix de palme, je produis de l’huile rouge que les gens viennent acheter pour la cuisine ou la préparation de savon. » A l’extérieure de l’usine une fumée attire l’attention. Il s’agit de sa fille Déborah qui incinère l’intérieure des stipes. « C’est ma mère qui me l’a commandé, avoue-t-elle. Elle utilise la cendre pour façonner du savon. » Aussi, d’autres ingrédients comme les inflorescences mâles, les rachis des régimes et l’intérieure des stipes servent à produire une autre catégorie de savon ordinaire le plus souvent appelé ‘’Koto’’.
Des paniers disposés de part et d’autres devant la case de Léontine retiennent l’attention. Ils contiennent chacune des graines de palmier déjà libérées des pulpes. Amèdjihoundé explique : « ces dernières que nous avons dans les paniers, après qu’ils soient bien séchées, certaines dames du village viennent s’en approprier chez moi. Après elles prennent le soin de les concassées pour libérer leurs amandes. Ces amandes, broyées, donnent de l’huile palmiste. »
« Je prépare souvent l’huile palmiste informe Akpédjé Adégbê rencontré au portail du domicile de Léontine une bassine à la tête dans laquelle il y a un grand sac de maïs. Je vais acheter les graines de palme qui ont été libéré des pulpes pour faire mon travail. C’est dans ce commerce que je gagne de l’argent pour subvenir aux besoins de ma famille. » Elle passe chez ses clients pour s’approvisionner les noix de palme sans pulpes.
Les résidus des coques et les fibres servent de combustibles.
« Pour bien faire le feu j’utilise les résidus des coques et les fibres », témoigne Kaї Adégbê qui est presque à la fin de la préparation de sa sauce graine. Par ailleurs, le cœur du palmier ou chou palmier est un légume très utilisé en cuisine.
Le vin de palme une boisson très appréciée
Pour ceux qui ne l’aiment pas en sauce, le cœur de palmier peut se transformer en boisson. Au soir de la vie de l’arbre qui le porte, le cœur de palmier chauffé, fond et libère un jus que l’on appelle ‘’vin de palme’’. « J’aime le vin de palme et je le commercialise », affirme Léon Adégbé qui revient du champ avec son vélo. Il poursuit : « Pour l’obtenir j’achète le palmier que j’abats. Après quelques semaines j’extrais le vin au cœur du palmier. »
Léon Adégbé transporte sur le siège arrière de son vélo un bidon de 25 litres qui contient du vin de palme. Ce jus est trop sucré pour des gens qui préfèrent le voir passer dans un alambic afin de siroter aisément l’alcool qui en ressort. « Comme il y a des gens dans le quartier qui n’aiment pas le vin de palme, je transforme cela en alcool appelé ‘’sodabi’’. Je vends mon produit ici et aussi à des gens des villages voisins. J’aime trop cet arbre raison pour laquelle la majorité de mes champs sont remplir de palmier », se réjouit Léon Adégbé.
Le palmier ami des artisans
Des palmes longues d’environ 5 à 7 mètres, vertes ou sèches, servent à Ouêdêmê-Adja et un peu partout dans le sud-Bénin à confectionner la toiture des concessions. Outre ces usages traditionnels, le palmier à huile offre d’autres vertus. Dans le marché de ce village on aperçoit à l’entré, des dames assises sur de petits tabourets. Elles ont chacune dans la main de petites feuilles et branches du palmier. Chacune d’elles se sert de cela pour fabriquer un produit. « Nous utilisons les feuilles pennées et leurs nervures pour confectionner des nattes dénommées ‘’Zan’’, ‘’Bazan’’, ‘’Akpakidja’’ et ‘’Kplakpla’’ en langue fon. Aussi, tous ces produits que nous fabriquons servent à construire des jalousies (cossinlé en fon) », raconte Honorine Assogba, préoccupée par son travail. Par ailleurs, une autre dame dans le même groupe se sert du palmier pour confectionner des paniers, des nasses utiles dans plusieurs domaines comme la pêche. « Toujours avec les fibres des nervures moi je fabrique des cordes, des ficelles, des corbeilles, des paniers ainsi que des nasses qui servent à capturer des poissons », laisse entendre Agogninon Dogbé. Elle a devant elle des paniers tout verts qui donnent envie à tout passant de s’en approprier. A 10 mètre de Agogninon Dogbé on aperçoit Mahunan Sémanou spécialiste de la fabrication des balais avec les feuilles du palmier. « Moi j’utilise les feuilles et les nervures de l’arbre pour fabriquer diverses sortes de balais utilisés dans les travaux domestiques », insiste-t-elle. Devant son étalage il y a un grand panier dans lequel elle conserve les balais.
La religion aussi…
Les catholiques et autres confections religieuses chrétiennes utilisent les jeunes palmiers à huile chaque année. « Nous recourons à ces jeunes feuilles pour la fête des Rameaux qui symbolise dans l’église catholique l’arrivée de Jésus à Jérusalem », affirme le Père Wilfried Hounsavi, vicaire de la paroisse St Albert le Grand de Aïtchédji à Abomey-Calavi. Les croyances locales également. « Chez nous les rameaux sont usités au cours de plusieurs cérémonies traditionnelles. Très souvent dans certaines familles on utilise les rameaux dans les cérémonies de sortie d’enfant », dévoile Amoussou Adanglo un prêtre du Fâ.