Quelque 54 projets ont pu aboutir au financement pour un montant de 4,5 milliards F Cfa, un an après les mesures incitatives du gouvernement au profit du secteur agricole pour atténuer les effets de la pandémie de Covid-19. Valère Houssou, directeur général du Fonds national de développement agricole (Fnda), a fait, ce jeudi 29 juillet à Cotonou, le point de la mise en œuvre du mécanisme, à la faveur d’une rencontre avec la presse. Il a insisté sur les motifs du rejet de nombreux dossiers des promoteurs.
La Nation : Lors de sa séance du mercredi 29 juillet 2020, le Conseil des ministres a décidé d’un certain nombre de mesures spécifiques et incitatives au profit du secteur agricole pour atténuer les effets de la pandémie de Covid-19. Quel point peut-on en faire à ce jour ?
Valère Houssou : Les mesures prises par le gouvernement consistent en un abondement de 100 milliards F Cfa consacrant ainsi l’opérationnalisation du Guichet 3 du Fonds national de développement agricole (Fnda) relatif à l’accès aux services financiers. Il a été noté un engouement auprès des producteurs lors des séances de sensibilisation que nous avons organisées dans les douze départements. Nous avons enregistré plus de
60 000 producteurs et promoteurs agricoles, toutes filières et catégories confondues, qui ont été sensibilisés au fonctionnement du mécanisme. Cela a permis d’enregistrer à ce jour 647 dossiers de demandes de financement pour un montant de près de 20 milliards F Cfa déposés au niveau des banques et Systèmes financiers décentralisés (Sfd).
Après analyse des dossiers par les banques et Sfd partenaires (Nous en comptons à ce jour 27 au total), nous sommes à un nombre très réduit de dossiers qui ont pu franchir les étapes pour aboutir au financement. Au 30 juin 2021, 54 projets ont pu être déjà financés pour un montant de 4,5 milliards F Cfa après un an. Et, 47 sont actuellement en instruction pour un montant global de 6 milliards F Cfa dans les banques.
Les projets proviennent des sept pôles de développement agricole, mais principalement du Pôle 7 (Ouémé-Atlantique-Littoral-Mono) et du pôle 4 (Borgou Sud-Donga-Collines et Djidja).
Au titre des filières les plus financées, il y a l’ananas à hauteur de 65 %, le riz (10 %) et les œufs de table (9 %).
Quelles sont les insuffisances relevées dans les dossiers recalés ?
Beaucoup de demandeurs sont habitués à des pratiques qui ne sont plus d’actualité. La première grosse faiblesse notée, c’est le manque de sincérité et de transparence dans les dossiers des promoteurs. Cela se traduit par des écarts entre les informations décrites dans le plan d’affaires et ce qui a été constaté sur le terrain, ou les écarts entre le contenu du plan d’affaires et ce que le promoteur lui-même déclare lors de l’entretien avec le financier.
Le deuxième reproche, c’est le faible niveau d’éducation financière des potentiels bénéficiaires de crédits, doublé d’une ignorance des pratiques bancaires. La plupart ne sont pas habitués au langage bancaire, au langage financier. Ce monde a ses réalités qu’il faut que les promoteurs comprennent.
Autre insuffisance, c’est le manque de complétude des dossiers. Le plan d’affaires seul ne suffit pas pour bénéficier du financement. Il y a d’autres pièces nécessaires comme les états financiers qui doivent être certifiés surtout lorsqu’on s’adresse aux banques. Le promoteur doit se rendre disponible pour fournir toutes ces informations pour les pièces complémentaires.
Comme faiblesse notée dans les dossiers, il y a aussi l’absence de garantie complémentaire d’au moins 50 %. L’Etat, à travers le Fnda, garantit les prêts jusqu’à 50 %. Il n’a jamais été question de garantir les prêts à 100 %. Mais, il s’est fait que les potentiels bénéficiaires n’ont pas fait l’effort nécessaire de monter leurs dossiers avec la garantie complémentaire. Cette garantie peut s’exprimer sous diverses formes ((hypothécaire ou une promesse d’hypothèque sur titre foncier, nantissement des équipements), pourvu qu’elle rassure l’établissement financier.
Que répondez-vous à ceux qui disent que l’octroi du financement est politisé?
Il faut tout d’abord souligner que ce n’est pas le Fnda qui octroie le crédit. Le Fnda est un facilitateur et ce sont les banques et les Sfd qui donnent le financement parce qu’étant des vendeurs d’argent. Ils sont bien au contraire à la recherche de clients. Le dispositif, tel qu’il est monté, vous n’avez pas besoin de connaître quelqu’un pour accéder aux ressources qui sont là. Il est accessible à tous les Béninois, quels qu’ils soient.
Je voudrais rassurer les potentiels bénéficiaires et leur dire qu’on ne se fâche pas contre son banquier. Je leur demande de cultiver plutôt la patience et un peu plus d’efforts, d’autant plus que le Fnda n’est pas un projet ou un programme qui a une durée de vie dans le temps. C’est un établissement public qui a une durée de vie illimitée. Sa gestion est totalement apolitique et autonome. Pour y accéder, il suffit d’avoir un projet qui intéresse l’une des Agences territoriales de développement agricole (Atda) dont le rôle est la promotion et le développement des filières.
Il importe pour tout demandeur de facilité du Fnda d’avoir le comportement d’un entrepreneur. Un entrepreneur, c’est celui qui prend des initiatives et qui est prêt à faire des efforts et non à verser dans la facilité. Cela suppose qu’il est détenteur d’un business plan. Ensuite, il doit se rapprocher de son Atda de provenance et par le biais des cellules communales, il reçoit l’attestation d’alignement qui est gratuite. Ce papier permet de s’assurer que le projet du promoteur est réel et non fictif et qu’il est en lien avec les ambitions de développement du pôle. L’attestation permet également de s’assurer que les ressources ne seront pas détournées à d’autres fins. Parce que les 100 milliards F Cfa sont intégralement dédiés aux exploitants agricoles. Il ne faudrait pas que des acteurs d’autres secteurs s’y infiltrent pour bénéficier des mesures.
Par la suite, c’est le promoteur qui dépose son dossier dans une banque ou un Sfd qu’il choisit lui-même ou avec lequel il a des liens historiques d’affaires. Plus il avait construit une relation avec cette institution, plus cela va vite. Il doit se rendre disponible pour faire le suivi et fournir les informations dont la banque ou le Sfd a besoin.
L’un des moyens pour les exploitants qui ont des difficultés à se conformer aux modalités d’accès au crédit, c’est de se constituer en association ou en coopérative immatriculée. Pour cela, ils peuvent se rapprocher des directions départementales de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (Ddaep) pour avoir les conseils nécessaires à ce sujet.
Rappelez-nous les différents volets des mesures d’abondement au guichet 3 du Fnda ?
Ces mesures sont constituées globalement de trois enveloppes qui devraient permettre aux producteurs d’accéder au crédit agricole. La première mesure, c’est le refinancement des banques et des Systèmes financiers décentralisés (Sfd) à un taux de 2 % l’an. Ces institutions s’obligent à opérer une sortie au profit des bénéficiaires au taux plafond de 12 % l’an lorsque les dossiers sont présentés aux Sfd, et à 8 % l’an lorsqu’il s’agit des dossiers adressés aux banques.
Une autre enveloppe de 35 milliards F Cfa est réservée pour garantir à hauteur de 50 % les prêts que les banques et les Sfd seraient amenés à faire au profit des producteurs agricoles.
Enfin, il y a une enveloppe dédiée à la bonification du taux d’intérêt par laquelle les producteurs peuvent accéder à un taux plafond de 2 % l’an des crédits mis en place. Ce guichet est doté d’un approvisionnement de 15 milliards F Cfa. Les bénéficiaires éligibles sont ceux qui vont présenter des besoins d’investissement ou des opérations d’achat d’équipements ou d’intrants agricoles pour la revente.
Quelles sont les perspectives ?
Le Fnda travaille présentement à accompagner et soigner les dossiers de 300 petites et moyennes entreprises ou industries (Pme/Pmi) agricoles et 2500 petits exploitants agricoles pour qu’ils soient bancables au niveau des banques et Sfd.
Au total, le Fnda entend apporter l’accompagnement nécessaire à 2 millions de petits producteurs et exploitants agricoles organisés en coopératives immatriculées auprès des Sfd. Le Fonds est un instrument qui sert aussi bien le plus petit agriculteur qui a besoin de 100 000 F Cfa par exemple, que les plus grands exploitants agricoles.
Ensuite, nous prévoyons l’accompagnement de 2000 Pme/Pmi ou start-up à l’élaboration de leur plan d’affaires et états financiers certifiés, l’appui à 3000 Pme/Pmi agricoles en phase de croissance dans l’élaboration de leur plan d’affaires et leur mise en relation avec les banques et Sfd. Nous envisageons également le soutien à 40 projets d’envergure nationale pour mobiliser des financements de volume important auprès des institutions comme la Banque mondiale et la Société financière internationale (Ifc).
A tout cela s’ajouteront la facilitation au crédit au taux de 6 % l’an à près de 3000 acquéreurs d’équipements agricoles auprès de la Société nationale de mécanisation agricole (Sonama) et la bonification du taux d’intérêt pour permettre aux porteurs de projets d’investissement ou d’équipements d’avoir le crédit à 2 % l’an.