L’orientation sociale de la politique gouvernementale à laquelle aspirait le peuple a pris corps et nous en sommes redevables au chef de l’Etat. Il revient alors au peuple de s’associer à sa nouvelle stratégie en soumettant à son haut jugement divers domaines d’intervention ; il lui appartient, également, d’apprécier à leur juste impact sociétal les différentes actions qu’entreprend son équipe en ce sens, tout en veillant à ce que des quiproquos ne soient pas entretenus.
Ce faisant, nous aimons à nous convaincre du fait qu’en demandant dans son discours d’investiture que tous, nous nous donnions la main pour construire le pays en oubliant les querelles du passé maintenant que les élections sont derrière nous, le chef de l’Etat ne s’adressait pas seulement aux politiques de différentes obédiences, mais à son peuple tout entier, car sous l’effet des politiciens le citoyen ordinaire a fini par oublier que ce pays lui appartient et appartient à nous tous. Cela ayant été dit en toute litote, de quels quiproquos s’agit-il ? Les quiproquos, c’est lorsque l’on tente de ramener à la présente mandature les retombées des acquis sociaux de la précédente qui devront désormais faire partie de l’état des lieux. Nous devons nous tourner vers de nouvelles initiatives, et le chef de l’Etat nous a annoncé, entre autres, dans son discours d’investiture ‘’ le retour de l’Etat dans l’investissement industriel’’ Sans préjudice de la forme que prendra ce retour, nous saisissons l’occasion pour soumettre à sa haute appréciation, une stratégie alternative de développement que nous définissons comme ci-après. Mais il convient, avant toute autre considération, de rappeler les handicaps au développement industriel de notre pays.
Les facteurs qui plombent notre développement industriel
La première raison du sous industrialisation du pays nous parait être que l’homme d’affaires béninois type est fondamentalement commerçant et non industriel ; c’est dire qu’il achète à quelqu’un ou s’attribue un bien pour le revendre à quelqu’un d’autre, en l’état. L’activité ne requiert pas grand investissement, si ce n’est le capital initial pour faire les premiers achats et elle ne nécessite ni un fonds roulement important ni des compétences techniques particulières ; le flair y pallie bien souvent. Elle est généralement solitaire ; c’est dire qu’on peut l’entreprendre seul et sans plus s’embarrasser d’autres actionnaires. Et le risque est minime. Tout cela rime avec le profil de l’homme d’affaires béninois moyen. Mais, le seul commerce ne transforme pas ; il n’industrialise pas, il n’engendre pas de valeur ajoutée; il ne crée pas la croissance, réel moteur du développement et il n’est pas consommateur d’emploi. De toute évidence, la psychologie de l’homme d’affaires béninois moyen n’est pas à l’industrialisation alors que c’est l’industrialisation qui crée la croissance durable.
A cette raison, il convient d’ajouter une autre d’ordre financier. Le commerçant béninois estime que le coût de toute industrialisation, notamment les dépenses relatives aux immobilisations et aux moyens de production sont trop élevées ; et il n’est pas enclin à prendre le risque
Les dernières raisons que l’on évoque pour expliquer la sous industrialisation du pays, c’est l’étroitesse du marché et la faiblesse du pouvoir d’achat du consommateur béninois
L’implication de l’Etat dans l’industrialisation devrait donc tenir compte de ces paramètres dans toute la mesure du possible et s’attacher à y pallier. Comment pourrait-il s’y prendre concrètement pour ce faire ?
Une stratégie alternative ‘’d’incitation et de relais’’ participative et solidaire
Le principe de base
En termes généraux et exprimés simplement, nous dirons que le principe de base s’expose comme suit : l’Etat se mettrait dans le rôle d’incitateur et de promoteur effectif du développement. Il s’écarterait alors, à l’occasion, de son rôle traditionnel de collecteur d’impôts et de dispensateur passif de mesures administratives et financières, censées encourager l’investissement privé pour jouer lui-même, le rôle de catalyseur effectif du développement, celui d’une locomotive en quelque sorte. Il agirait ainsi, de temps à autre, comme acteur économique réel pour l’exemple et l’incitation.
La méthode et la finalité
L’Etat co-créerait, en partenariat avec des opérateurs économiques privés, des entreprises désignées comme potentiellement prometteuses, pour céder, relayer nécessairement et intégralement toutes ses parts à ses partenaires, à moyen terme.
Les organes du système proposé et leur fonctionnement
– Le ministère de l’Industrie et du Commerce. Il sera le maitre d’œuvre des opérations.
– Un Comité national d’Investissement.
Le ministère commencera par mettre sur pieds un Comité national d’Investissement en entreprise. Le directeur de ce comité sera recruté avec le plus grand discernement, sur appel à candidature et avec des critères de sélection bien déterminés et très élevés, ne se situant pas en dessous de ceux d’un Directeur de projet avec un certain nombre d’années d’expérience effective. La qualité de la composition de ce Comité sera d’une importance déterminante pour la réussite de l’opération ; en effet, c’est de son travail que dépendront les décisions de l’Etat à investir effectivement dans l’industrialisation de tel ou tel secteur de l’économie.
Le comité aura pour tâche fondamentale, de produire des études sectorielles, ou de rassembler et de rapprocher celles qui sont déjà disponibles ; les analyser, les rectifier, le cas échéant, et les utiliser pour en faire des études pratiques de factibilité économique, technique et financière, susceptibles de convaincre les autorités d’engager l’Etat dans les projets qui leur seront soumis. Il lui reviendra de monter le projet.
– Le président de la Chambre de Commerce et d’Industrie
Il présidera le Comité national d’Investissement sur mandat du ministre de l’Industrie et du Commerce.
– Un cabinet spécialisé en gestion administrative, comptable et financière de projets, sur appel d’offres national ou international au niveau de la Cedeao, qui intègrera le directeur du Comité National d’Investissement pour réaliser et gérer le projet au cas où l’Etat le retiendrait.
Je signale que pour des projets impliquant l’Etat, le Fagace pourrait être approché par le gouvernement ainsi je l’ai fait moi-même à l’occasion de la rédaction du présent article. Il ressort de mes entretiens avec la chargée des financements qu’entre 2014 et 2017 le Fagace avait pris des participations dans les PME à hauteur de 10% et qu’à compter de 2017 son Conseil d’Administration avait décidé de mettre fin à l’expérience. Mais l’institution continue de s’impliquer de cette manière dans les projets où l’Etat intervient et qui sont qualifiés de stratégiques. Je pense alors qu’une action auprès de l’institution serait indiquée
La première étape du projet sera celle de la constitution des études de factibilité ; elle sera donc pilotée par la Chambre de Commerce et d’Industrie jusqu’à la remise des études de factibilité au Ministre de tutelle, celui de l’Industrie et du Commerce. Il reviendra à ce dernier de susciter l’intérêt du gouvernement pour le projet qui lui aura été soumis et de solliciter son implication par un financement partiel du budget national.
La deuxième étape sera celle de la constitution d’une société mixte qui comprendra, d’une part, l’Etat et d’autre part, des investisseurs privés que le Comité national d’investissement aura déjà intéressés au projet.
Détermination des parts des actionnaires
Les différentes contributions des parties au projet pourront s’inscrire comme suit :
– l’Etat mettra à la disposition du projet, d’une part, la superficie et les locaux devant abriter l’unité de production, assurera les frais d’établissement et un fonds de roulement suffisant pour garantir les dépenses de fonctionnement et les salaires pendant les deux premières années d’exercice. Autant de choses que redoutent les hommes d’affaires béninois pour rester en marge de l’industrialisation. En les prenant en charge l’Etat répartira, en fait, les risques de façon solidaire sur l’ensemble des 11 millions que nous sommes. Et c’est la raison pour laquelle la stratégie que nous proposons devra être populaire, expliquée au peuple et obtenir son adhésion tacite, pour le moins.
La participation au capital social de l’Etat sera alors majoritaire au départ, pour se réduire au fil du temps et s’éteindre au bout de 4 ans. Dès la deuxième année, l’Etat commencera à réduire son capital graduellement au profit exclusif des autres associés. Sa participation devra disparaître complètement, au cours de la cinquième année d’exercice ; il aura alors cédé la totalité de ses parts nécessairement.
– Les autres associés auront la charge de l’acquisition des instruments de production. Leurs apports présumés seront déposés en banque dans un compte bloqué pour garantir leur participation effective au projet dès la création de la société mixte.
– Le Fagace pourrait prendra une participation à hauteur de 10% du capital de la société si le gouvernement faisait des démarches en ce sens. Il pourra ; bien entendu, garantir les emprunts que les associés pourraient être amenés à faire auprès des banques d’affaires, mais il pourra également intervenir dans le cadre de la bonification des intérêts qu’ils auront à payer auxdites banques.
Je propose que ladite société mixte soit exonérée d’impôt pendant les deux premières années d’exercice
Les avantages du système
La procédure envisagée est susceptible de donner confiance aux investisseurs privés, nationaux comme étrangers, qui se sentiront ainsi épaulés, dans un premier temps, par l’Etat lui-même, tout en étant assurés de prendre la relève dans un second temps, en rachetant les parts de l’Etat. La méthode du relais que nous proposons leur donnera l’occasion de se familiariser avec tous les problèmes de l’entreprise, avant d’en prendre l’entière gestion et la pleine propriété, tandis que l’Etat récupèrera entièrement tous les actifs qu’il aura engagés dans le projet, y compris les valeurs des immobilisations, quand il se retirera.
Ainsi, l’Etat aura incité à la création d’entreprise selon une stratégie bien précise. Il aura, en outre, contribué à former quatre années durant, ceux qui prendront la relève en garantissant ainsi la viabilité de l’affaire. Tout cela devrait convaincre le Fagace d’intervenir aux côtés du gouvernement en dehors de sa fonction traditionnelle de garantie des prêts bancaires.
Gageons qu’une telle stratégie attirera les investisseurs, mieux que toute autre incitation, en raison des assurances qu’elle donne et de la confiance qu’elle crée. Elle permettra, de surcroît, de mettre en pratique, la politique du partenariat public- privé que prône la loi 2016-24 du 24 octobre 2016 et de lui donner un contenu. Nous pensons, avec forte conviction, que cette méthode innovante mérite d’être expérimentée. C’est un coup de pouce de l’Etat à l’initiative privée; l’Etat ne prend pas la place de l’investissement privé.
Le capitalisme libéral intégral excluant toute intervention de l’Etat, ne nous sied guère en raison de l’état de notre société et nous avons déjà rejeté le schéma socialiste. Alors, que ne pourrons-nous arrêter de piler de l’eau dans le mortier et inventer notre voie !
Il me plait d’informer le lecteur que j’ai saisi le Ministre de l’Industrie et du Commerce de ma proposition ainsi que de mes investigations auprès du Fagace et que j’ai rendu compte de tout cela au chef de l’Etat. Je trouve décidemment que l’un des avantages de l’orientation sociale de l’action gouvernementale, c’est un meilleur accès au chef de l’Etat ; et cela est, on ne peut plus heureux.