Tanguiéta est une ville du nord-ouest du Bénin de 74 675 habitants, selon le recensement général de la population et de l’habitat de 2013. Cette commune du département de l’Atacora de 5 465 m2 sort progressivement de son état de pollution due à la prolifération des déchets solides ménagers qui accueillent tout visiteur.
« Quand vous venez à Tanguiéta, ce sont les dépotoirs sauvages qui vous accueillent. Vous allez constater partout des dépotoirs sauvages, des tas d’ordures… Mais aujourd’hui, il y a une main qui travaille pour assainir la ville », affirme Midana Parfait N’Sera, membre de l’Association communale d’hygiène et d’assainissement (Acha) créée depuis 2017 et basée à Tanguiéta, grâce à l’appui d’Enabel à travers le projet Appui multisectoriel pour la sécurité nutritionnelle et alimentaire dans l’Atacora (Amsana).
« D’abord, les dépotoirs sauvages n’existent plus et si vous prenez les artères principales, il n’y a plus de prolifération de sachets. La ville de Tanguiéta est véritablement assainie », poursuit-il. La commune de Tanguiéta doit son état actuel de ville propre aux membres de l’Acha qui, selon divers témoignages, se sont pliés en quatre pour libérer la ville de ses polluants qui ne manquent pas d’impact sur la santé de ses citoyens. C’est l’autre conséquence immédiate de ces cas de pollution avec à la clé l’insalubrité et ses corollaires de prolifération des maladies diarrhéiques que l’association combat à travers la collecte des déchets solides ménagers et leur transformation.
Dans ce cadre, précise Parfait N’Sera, il y a plusieurs sous-produits qui se dégagent de ce processus de transformation. Entre autres, les matières organiques tirées des déchets solides ménagers, de l’impluvium et autres cendriers issus des sachets plastiques transformés. Ces déchets dégagés de la ville comportent aussi des produits solides qui ne peuvent pas être utilisés tels que les tessons de bouteille, les boîtes, les piles… Ces objets sont déchargés au niveau du site terminal et enfouis parce qu’ils nuisent à l’environnement. « Pour ce qui est des sachets plastiques, ils sont fondus et transformés en impluvium qui sert à conserver dans l’agriculture beaucoup d’eau. Ils permettent d’éviter le gaspillage d’eau et la prolifération des herbes. Déposés dans le jardin, ils permettent d’utiliser moins d’eau et vous avez moins d’herbes», explique Parfait N’Sera. La matière organique vient enrichir les sols. Des champs expérimentaux à l’initiative de l’Acha prouvent qu’à travers les déchets solides ménagers, on peut trouver de la matière organique pouvant servir dans l’agriculture sans aucun impact négatif, selon les témoignages.
Une contribution substantielle qui a révolutionné les actions de l’Acha qui progressivement réussit à satisfaire les demandes des populations de Tanguiéta. Selon Bouraïma Naguim, conducteur de taxi sur l’axe Natitingou-Tanguiéta, un effort a été fait dans l’assainissement de la ville qui abrite des touristes. « Avant l’avènement de l’association, le nombre de personnes dépistées positives de la fièvre typhoïde était énorme. Cette maladie y sévissait sérieusement. Avec l’avènement de la gestion déléguée du parc Pendjari, les touristes devant passer forcément par Tanguiéta pour rallier le parc sont en contact direct avec ces déchets. Ce qui ne permet pas d’attirer beaucoup de touristes qui pourraient être allergiques aux saletés et cela ne donne pas non plus une bonne impression pour la première ville qui les accueille», estime Parfait N’Sera.
Tri des déchets, destruction des dépotoirs sauvages
Au moyen de trois tricycles qui collectent systématiquement les ordures au niveau des ménages, l’association s’est donné en plus pour tâche la destruction des dépotoirs sauvages. Et suivant un message radio du préfet du département de l’Atacora, les points noirs de la ville ont été détruits. «Le préfet a instruit le maire aux fins de détruire le dépotoir situé derrière l’école maternelle où il y avait assez d’ordures et vu que c’est un centre social abritant les enfants, la contamination serait beaucoup plus facile. L’autorité préfectorale a interdit d’y jeter les ordures et ordonné d’assainir le site», indique Parfait N’Sera. «Après toutes ces activités, nous avons constaté que pour le tri de ces ordures, il faut de la main-d’œuvre. Nous avons trois sites intermédiaires dans trois quartiers. Ces trois sites ont été remplis simplement parce que nous n’arrivons pas à transformer automatiquement. Ce qui nous a amenés à recruter vingt femmes communément appelées femmes balayeuses rémunérées à 1000 F par jour, appuyées par d’autres femmes volontaires intéressées par le tri des déchets solides ménagers. Ces femmes viennent au niveau des sites et procèdent au tri pour dégager les différentes composantes à savoir matières organiques, sachets plastiques et autres objets durs…», explique le membre de l’Acha qui expose ainsi le mécanisme ayant permis d’assainir la ville de Tanguiéta. Un processus auquel la population s’était opposée au départ. Elle était hostile, dit-il, au ramassage des ordures parce que n’ayant pas compris les enjeux liés à l’assainissement de cette ville vitrine du tourisme. Ces activités sont si bénéfiques qu’aujourd’hui elle-même se réfère à l’association pour demander ses prestations.
La ville de Tanguiéta ayant pris la mesure de l’assainissement, appuie le groupement qui investit ses propres ressources pour pouvoir maintenir le cap, depuis l’arrivée à terme du projet Appui multisectoriel pour la sécurité nutritionnelle et alimentaire dans l’Atacora (Amsana). Ce groupement travaille à rendre pérennes les activités. Mais sans financement, il travaille sur son plan d’affaires dans le but de couvrir les charges à la longue. L’appui des partenaires en matériel, surtout les tricycles de grande capacité pour pouvoir tenir face à la sollicitation des services, est souhaité. L’autre casse-tête est lié aux différents sites de transfert des déchets qui sont soit le domaine de la mairie à valoriser, soit des rues qui doivent être aménagées. L’Acha a, à ce titre, un contrat de délégation avec la mairie et sur cette base elle doit évaluer ses prestations. « La mairie nous appuie à travers une subvention annuelle qui n’est pas à la hauteur de ce que nous attendons, mais qui, je pense, pourrait être améliorée dans le temps », espère Parfait N’Sera. « La communauté a compris elle-même que l’assainissement s’impose à elle. Elle veut vivre dans un cadre décent pour réduire les risques de maladies. C’est pourquoi nous demandons à la mairie d’apporter une subvention assez conséquente. Au niveau central, je pense que l’État a compris et si on prend le cas de Cotonou, l’État est en train de mettre de grands moyens pour véritablement lutter contre l’insalubrité et la pollution environnementale. C’est dans ce même schéma que nous nous inscrivons et demandons à l’État de nous appuyer pour que la ville vitrine du tourisme au Bénin soit bien assainie », plaide Parfait N’Sera. « C’est vraiment important que la ville touristique présente une propreté exceptionnelle, pour que les touristes puissent être attirés par notre potentiel et aussi par la propreté dans laquelle ils doivent vivre. Ils ne seront pas contents de vivre dans un cadre insalubre de peur de contracter des maladies… », lance-t-il. Il y a lieu de multiplier le nombre de poubelles installées au niveau des artères et carrefours de la commune pour plus d’efficacité dans la lutte anti-pollution à Tanguiéta.