La Police républicaine est en guerre contre l’occupation des espaces publics. A cette fin, elle a déclenché il y a quelques jours, une opération musclée sur l’ensemble du territoire national. Dans le département du Littoral où l’opération se déroule aussi, le préfet Alain Orounla revient sur les tenants et les aboutissants.
La Nation : La police républicaine a enclenché une opération de déguerpissement des occupants illégaux des espaces publics. Pourquoi cette nouvelle opération ?
Alain Orounla : II ne s’agit pas d’une opération de déguerpissement mais d’une opération de lutte contre la recolonisation de l’espace public. Des mesures sont prises pour la libération de ce qui doit rester libre pour que les populations puissent aller et venir. Cette lutte est devenue d’autant plus impérieuse, parce que des centaines de milliards de francs Cfa ont été consacrés à l’asphaltage de nos rues, qui ne peuvent continuer de subir les habitudes, l’incivisme que nous avons par négligence toléré par le passé. Il n’y a pas de raison de rappeler à l’ordre des gens qui ont été suffisamment informés de ce qu’il fallait. Qu’ils prennent le soin de libérer cet espace avant que les forces de police, de sécurité ne soient appelées à intervenir pour rappeler à cette obligation.
Il faut dire que les ambitions des commerçants sont en contradiction avec la nécessité de laisser les trottoirs libres pour que les usagers, les citoyens puissent circuler sans entrer en compétition avec les véhicules sur la chaussée. Les commerces se font soit dans les boutiques, soit au marché et le gouvernement en construit suffisamment pour que tous les usagers puissent en bénéficier. Les gens qui étalent les marchandises se mettent eux-mêmes en danger. Même si nous avons les meilleurs conducteurs dans notre département, ce qui est loin d’être le cas, les dérapages ne sont pas inévitables et c’est la puissance publique qui endosserait la responsabilité. On est dans une politique d’aménagement du territoire, qui exige que nous soyons disciplinés et les Béninois savent être disciplinés. Je vous ai parlé à l’entame de lutte contre la recolonisation, ça veut dire que nous avons déjà connu une phase de libération pour construire les édifices que vous connaissez, et aujourd’hui les Béninois ont appris à respecter l’espace public. C’est le temps et le relâchement qui les a incités à recoloniser et nous reprenons une lutte que les uns et les autres connaissent.
Est-ce la solution adéquate quand on sait qu’il y a eu déjà plusieurs tentatives ?
Les marchés ne sont pas construits pour des moutons. Ils sont construits pour ceux qui veulent vendre. Donc, on ne peut pas investir autant d’argent dans les marchés pour les laisser déserts et encombrer la rue. Et cette opération de libération de l’espace public s’accompagne également d’une lutte contre tout ce qui rend la ville impropre. Nous avons des terre-pleins centraux illégalement occupés. Nous ne mettons pas des milliards à planter des arbres pour que des quidams viennent pisser là-dessus, ou que chacun vienne y faire ses besoins. Nos rues ne sont pas pour que des enfants viennent y mendier à la demande de parents irresponsables ou de réseaux mafieux, nous luttons également contre ça. Et cela nous permet de lutter contre tout risque d’insécurité. C’est dire que c’est un ensemble de mesures pour assainir l’univers urbain.
Les usagers profitent également de la vente à la sauvette. Y a-t-il un mal à cela ?
Ce n’est pas dans la rue qu’on vend ou qu’on achète, encore moins dans la circulation. Certains de nos compatriotes, par facilité, encouragent ce phénomène, puisque quand ils s’arrêtent au feu rouge, on leur vend un peu de tout, des produits qui d’ailleurs ne sont pas de bonne qualité.
Le jour où on aura fait disparaitre le phénomène, qui n’est pas un bon comportement, ils iront au marché et ils ne vont pas se plaindre à juste titre de ce qu’il n’y a pas de vendeurs ambulants ou de vendeurs à la sauvette, qui sont de menaces autant pour l’environnement que pour leur propre sécurité. Je pense que la majorité des Béninois sont ordonnés et savent faire les choses comme cela se doit, et nous n’allons pas encourager une minorité de gens qui tournent dos au civisme, en étant sensibles aux récriminations et aux arguments qu’on trouve toujours pour râler et pour empêcher le progrès. Beaucoup de pays envient le courage avec lequel nous prenons nos responsabilités sous l’instruction du président de la République qui a une politique de remise en ordre de tout ce qui n’allait pas bien.
Dans le cas spécifique du marché Dantokpa, est-ce que cette libération de l’espace public est justifiée?
Je vous mets au défi de relever la moindre intrusion de nos forces de police dans le marché Dantokpa. Ce que nous souhaitons, c’est que les gens aillent dans ces marchés où il y a encore beaucoup de places contrairement à ce qui est prétendu. Nous parlons actuellement de ceux qui se mettent en marge du marché et encombrent la circulation. Faites le tour de la descente du Nouveau Pont en passant par la pharmacie les 4 thérapies, ce qui s’y passe est inimaginable. On déserte le marché pour venir s’installer sur la voie, sur la chaussée entravant la circulation, avec tout ce que cela comporte comme pollution, production de déchets de tous genres. C’est un spectacle insoutenable, d’autant plus insoutenable qu’il se produit aux abords du marché Dantokpa qui a la vocation d’accueillir des gens de la sous-région, des gens qui viennent d’un peu partout. Si nous reflétons cette image de notre pays à travers ce marché international, nous ne pouvons pas inciter les gens à venir faire du tourisme dans notre pays. Or, le tourisme fait partie des priorités du gouvernement, source de devises que nous recherchons et pour lequel il y a des centaines de milliards d’investissement en cours. Il faut être logique. Il faut être cohérent. Les gens ne peuvent venir que quand ils savent qu’ils viennent dans un pays assaini, agréable, attractif. Donc, ce ménage doit être fait pour que toutes les actions résultant du programme d’action du gouvernement aient leur sens, leurs effets pour qu’ils puissent atteindre leur cible. Tout se tient.