Il est connu pour ses prises de position en faveur du gouvernement de la Rupture. Le professeur Roger Gbégnonvi s’est prêté à l’exercice, cette fois-ci sur la réforme en cours dans les universités publiques. La réaction de certains de ses pairs ne s’est pas fait attendre.
« (…) ça fait des décennies que l’université n’a pas été réformée. Qu’un chef d’Etat, aucun ministre de l’enseignement supérieur n’a osé toucher à ce mastodonte. J’ai étudié quand même à l’Université nationale du Bénin avant qu’elle ne devienne Université d’Abomey-Calavi. C’est la première fois que le Bénin prend l’initiative de réformer son université. Mais il était temps ». Ce sont les débuts de propos de Roger Gbégnonvi sur un média de la place. Comme à son habitude, depuis 2016, le professeur de lettres ne manque aucune occasion pour magnifier les réformes entreprises par le gouvernement de la Rupture. Mais cette fois-ci les mots utilisés pour dénoncer la qualité de l’enseignement dispensé dans l’université où il a été ‘’enseignant vacataire’’, selon le professeur Guy Ossito Midiohouan, ne sont pas du goût de certains de ses anciens collègues. Outre le harcèlement sexuel dénoncé par la ministre de l’enseignement supérieur Eléonore Yayi Ladékan, dénonciation que salue dont Roger Gbégnonvi, il y a aussi la qualité de l’enseignement, à entendre ses propos. « Je suis parti parce qu’il y avait le déluge. Je suis parti délibérément de l’université au grand dam de mes collègues parce que je croyais travailler dans une université alors que je travaillais dans un lycée de banlieue, un lycée qui ne vaut pas un lycée de ville. Je vous jure tous les dieux que vous voulez, l’Université d’Abomey-Calavi ne vaut pas le Lycée Descartes de Paris, ne vaut pas un autre lycée à Paris », a laissé entendre Roger Gbégnonvi. Plus lois, il s’en prend à la qualité des diplômes qui ouvrent la porte à l’enseignement dans les universités publics. « . (…) peut-être qu’il y a des agrégés d’histoire à Abomey-Calavi mais le seul agrégé d’histoire que moi j’ai connu n’a jamais été admis à enseigner dans notre université alors qu’il a enseigné à l’Université Reims en France où il a fait son agrégation mais justement parce qu’il était agrégé d’histoire et que personne dans cette université n’a jamais eu l’agrégation. Un doctorat, c’est vite fait », a soutenu l’ancien professeur de lettres de l’Uac. « J’ai vécu sous un régime où les recteurs n’étaient pas élus par leurs pairs. Ils étaient désignés par l’Etat parce que nous sommes, de toute façon dans une université de l’Etat. (…) moi je trouvais normal que l’Etat qui a créé son université nomme les recteurs. Entre-temps, nous avons obtenu le droit que le recteur soit élu par ses pairs, ce qui est une très très bonne chose, c’est très démocratique mais vous savez très comment tout se passe dans notre pays. Le recteur ne sera pas le meilleur mais on élira un recteur meilleur magouilleur. Diriger une université ce n’est pas de la magouille », a soutenu Roger Gbégnonvi.
Une réaction qui provoque l’ire de certains professeurs
Les réactions à l’encontre des propos tenus par le professeur Roger Gbégnonvi ont alimenté les réseaux sociaux hier. Trois professeurs s’en sont ouvertement pris à Roger Gbégnonvi. « Celui-là il a enseigné à l’université avec quel diplôme? Il y a évolué en plus de vingt ans pour atteindre quel rang académique? Qui lui a conféré le titre de Professeur dont il use et abuse quotidiennement? Lui, il s’est fait évaluer par qui? par quelle instance? », s’est demandé le professeur Guy Ossito Midiohouan. Il poursuit : « Qu’un ENSEIGNANT VACATAIRE de l’université s’arroge le droit de faire la leçon à tout le monde sans distinction, de cracher méchamment sur tout, est l’expression des frustrations accumulées de ce légionnaire de l’idéologie dominante. (…)Que le pouvoir n’ait trouvé que lui pour faire la promotion de ses réformes dans l’enseignement supérieur est une démarche qui me laisse pantois. Il n’y a pas que le harcèlement sexuel dans notre université. Tous les enseignants ne sont pas des pervers ni des cancres. Malgré ses carences l’université a joué et continue de jouer un rôle capital dans le développement de notre pays », a écrit Guy Ossito Midiohouan, en réponse au professeur Roger Gbégnonvi. « Au cours de ma carrière, j’ai été évalué constamment par l’administration et par mes pairs et je soumettais volontiers mes enseignements à l’évaluation de mes étudiants. (…)Arrêtez la démagogie et le populisme de caniveau (…) Bientôt on nous annoncera qu’aucun Béninois n’est capable d’être recteur d’une université publique. Tous disqualifiés! Comme au Port de Cotonou. Comme à la SBEE…Le dénigrement systématique de l’intelligentsia béninoise n’est qu’un prélude à notre abaissement intégral », a réagi Guy Ossito Midiohouan, professeur de littérature africaine à l’Université d’Abomey-Calavi.
Dans le sens, le professeur Noukpo Agossou (Ph D) soutient qu’ un ‘’vacataire’’ ne peut se targuer d’être un professeur d’université. La titularisation ne s’obtient pas à l’aune ou à la dextérité à tourner les mots, mais au terme d’un très long processus ponctué de travaux de recherche, d’enseignement, de formation, d’encadrement, etc., a-t-il laissé entendre. S’agissant de la référence à la France faite par Roger Gbégnonvi, le professeur Noukpo Agossou trouve que aa compétence des recteurs d’académie en France ne se limite pas à l’enseignement supérieur seul, mais couvre tout le système éducatif, i.e. les enseignements primaire et secondaire, technique, etc. « Si l’agrégation dans les disciplines ci-dessus n’ouvre pas la voie d’office à l’enseignement supérieur, toutefois elle peut y donner accès comme PRAG et permet à son titulaire d’y préparer sa thèse dans de meilleures conditions que celui qui est recruté pour le secondaire », a-t-il conclu.
Le professeur Michel Boko a décelé quelques erreurs dans les propos tenus par le professeur Roger Gbégnonvi.
« Monsieur Gbegnonvi est un homme dont beaucoup de gens apprécient l’honnêteté intellectuelle. Mais comme tous les humains, il lui arrive aussi de se tromper. Dans son audio, il y a au moins deux erreurs :
1/ Dans les universités françaises, les présidents sont élus. Nous sommes nombreux à faire les universités françaises et je le mets au défi de prouver ce qu’il affirme avec autant d’aplomb. Le président d’université est l’équivalent du recteur chez nous. En France, il y a des recteurs à la tête des académies, chaque académie administre les universités de sa tutelle territoriale. On parle de recteur d’académie. Il est faux de dire que dans tous les pays, les recteurs d’université sont nommés par le gouvernement.
2/ L’agrégation d’histoire n’ouvre pas la porte à l’enseignement dans les universités. Il confond peut-être avec l’agrégation en médecine, en droit ou en sciences économiques. Dans ces trois disciplines, on passe l’agrégation après avoir obtenu le doctorat d’état (ou de spécialité) qui est l’équivalent du doctorat de 3eme cycle d’avant 1984 pour les autres disciplines. Dans toutes les universités françaises, un agrégé de lettres et sciences humaines ou un agrégé de sciences (maths, physique, chimie, géologie, botanique, etc…) peut être dispensé du DEA, il est tenu d’obtenir son doctorat pour être recruté dans les corps de l’enseignement supérieur. Ensuite, il passera le Doctorat d’état. L’agrégation est un concours pour enseigner dans les lycées. Depuis la réforme de 1984, le doctorat du 3eme cycle a disparu. Il y a un doctorat unique comme dans le système anglophone.
Apparemment, Monsieur Gbégnonvi qui n’était pas dans les corps de l’enseignement supérieur, mais un vacataire au département de lettres modernes, n’aurait pas eu l’occasion d’étudier le système dans tous ses détails. Mais quand on est grand et qu’on ne sait pas, on se tait. Dans son audio, tout n’est pas faux, mais il aurait mieux fait de s’informer avant de parler ».