Marie-Margarète Molnar sur la stigmatisation des personnes vivant avec le Vih sida: « L’Onusida accorde une place importante à l’objectif zéro discrimination »
La promotion et la protection des droits des personnes vivant avec le Vih sida et des personnes clés pour zéro discrimination d’ici à 2030 au Bénin exigent un effort continu. Dans cette interview, Marie-Margarète Molnar,Directrice pays de l’Onusida, invite tous les Etats-membres ayant adopté en juin 2021 à New York, la dernière déclaration politique sur le Vih sida à œuvrer réellement pour mettre fin aux inégalités observées.
La Nation : Quelle est la situation épidémiologique du Vih sida au Bénin ?
Marie-Margarète Molnar : La situation est très claire parce que le Bénin fait partie des pays qui mesurent le problème de manière régulière et qui participent au logiciel d’estimation et projection du Vih appelé ‘’Logiciel Spectrum’’. Ce logiciel existe à tous les niveaux centraux et décentralisés. La prévalence au sein de la population générale (Adultes âgés de 15-49 ans) est restée stable entre 2006 et 2017 à 1,2 % avec des disparités au niveau départemental et des taux de progression significative dans certains départements et groupes d’âge. En milieu urbain, la séroprévalence est plus élevée qu’en milieu rural. Dans les départements, le niveau de séroprévalence varie d’un maximum de 2,2 % dans le Couffo à moins d’un pour cent dans l’Alibori, l’Atacora, le Borgou, le Plateau et le Zou. Cette séroprévalence estimée chez les femmes à
1,4 % est plus élevée au niveau du groupe d’âge 30-34 ans (2,1 %) et celle la moins élevée pour le groupe d’âge 15-19 ans (0,3 %). Ce n’est donc pas une grosse épidémie mais il y a des disparités géographiques parce que certains départements sont plus touchés que d’autres, mais aussi dans les populations c’est-à-dire que les populations dites clés ont un niveau de prévalence plus élevé que dans la population générale. Les travailleuses du sexe sont à plus de 8 % de prévalence. Les enquêtes spécifiques notamment les enquêtes de surveillance de deuxième génération réalisées en 2017 font état de taux de prévalence élevés chez les groupes clés et vulnérables, les serveuses de bars et restaurants qui ont un taux de prévalence de 5,2 %, les consommateurs de drogue qui sont à plus de 2 %, les transgenres qui sont à plus de
21,9 %. En plus des populations clés, il existe aussi des populations en contexte de vulnérabilité telles que les personnes privées de liberté dont la prévalence est de
0,58 %, les camionneurs qui sont à 1,2 % ainsi que les populations vulnérables comme les jeunes de 15 à 24 ans avec un taux de prévalence de 0,3 %. Tout ceci mérite une attention particulière pour leur accès aux services et la prévention de nouvelles infections.
Pourquoi accorde-t-on une attention à la stigmatisation et la discrimination des personnes vivant avec le Vih sida ?
La discrimination et la stigmatisation sont deux facteurs qui freinent les progrès et sont l’une des raisons qui ont fait que nous n’avons pas atteint les objectifs de 2020 qui sont des objectifs mondiaux auxquels les Etats-membres se sont engagés y compris le Bénin. Pratiquement, personne n’a réussi à atteindre ces objectifs. Dans la vision de l’Onusida, nous accordons une place très importante à zéro discrimination et à l’éradication d’environnement juridique au niveau défavorable parce que la stigmatisation et la discrimination empêchent l’accès au traitement, aux services Vih qui existent. Mettre le monde sur la bonne voie pour éradiquer le Sida en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030 exige un effort continu afin d’éliminer la stigmatisation et la discrimination liées au Vih, parallèlement aux efforts déployés pour lutter contre la marginalisation et l’exclusion en matière de santé.
LIRE AUSSI: Automédication:Comment prévenir les dangers ?
Quelles sont les actions menées par l’Onusida pour freiner le phénomène de discrimination et de stigmatisation ?
Les actions qui sont menées concernent plusieurs axes. C’est tout ce qui concerne la promotion des droits humains et la question de la loi sur le Vih qui est très importante parce que c’est la loi qui dispose d’articles pour lutter contre la stigmatisation et la discrimination et protéger les droits des personnes vulnérables. Nous travaillons très étroitement avec le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud) qui dans la division du travail sur le Vih a la question de promotion des droits humains dans son mandat. Nous avons fait cette enquête qui a permis de lister toutes les problématiques qui se rencontrent au Bénin et nous avons été partie prenante et très active dans le plan quinquennal sur les droits humains liés au Vih qui a été développé par le pays avec un financement du fonds mondial. Nous menons aussi des actions de plaidoyer pour ne laisser personne de côté et faire attention à ces populations. Mais il reste encore beaucoup à faire parce que les résultats qui ont été divulgués ont montré des améliorations mais aussi une détérioration de certains indicateurs par rapport à 2016. Le fait de partager son statut avec son partenaire reste un tabou qui a régressé depuis 2016. Le fait aussi que les professionnels de santé parfois divulguent les statuts sérologiques des personnes vivant avec le Vih sans leur consentement reste aussi un problème à régler. Il urge que les actions soient entreprises pour mettre en œuvre les plans relatifs aux droits humains qui ont été adoptés par le Bénin.
Avez-vous un appel à l’endroit de vos partenaires et du gouvernement ?
Le plus important est de mettre en œuvre les plans qui existent puisque le document et les financements sont là. Mon appel sera lié à la dernière déclaration politique que tous les Etats-membres ont adoptée récemment en juin 2021 à New York sur le Vih pour une nouvelle période de cinq ans afin de mettre fin aux inégalités et d’agir pour éliminer le Vih. Il faut aussi que les gouvernements et les partenaires s’alignent sur les recommandations de cette déclaration politique, laquelle s’aligne aussi sur la nouvelle stratégie mondiale de l’Onusida.