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Art et Culture

Le groupement yoruba au sud-est et centre du Bénin: Cas d’Igbo Idasha dit Dassa-Zoumé

Publié le jeudi 19 aout 2021  |  La Nation
Roger
© Autre presse par DR
Roger Sèdo ADJIBA Prince d’Igbo Idasha.
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Par Collaboration extérieure,

L’Afrique, dite berceau de l’humanité, est un continent vaste composé de variété des milieux, des cultures, des destins historiques et des religions.


Les limites entre les empires, les royaumes, les cités d’Etats ou des chefferies sont connues des populations, même si elles ne sont pas toujours matérialisées par des bornes ou des pierres, voire des arbres.
Toutefois, l’arrivée des Européens et autres va tout bouleverser.
Ainsi, en 1884, lors de la conférence de Berlin, les puissances européennes décident entre elles des règles du partage : tout territoire revendiqué par un Etat doit être effectivement occupé. Cette décision accélère la conquête au bout d’une vingtaine d’années, l’essentiel des frontières africaines sont alors fixées.
L’occupation est officialisée par des traités entre Européens.
Ces traités fixent grossièrement le tracé des frontières, que des commissions délimitent ensuite précisément sur le terrain, en fonction de critères variés.
Des frontières sont parfois définies en fonction d’éléments naturels (une ligne de crête ou un cours d’eau) :
Le plus souvent, les tracés ne prennent absolument pas en compte l’organisation antérieure. C’est ainsi que d’anciens Etats sont divisés, que des villages sont coupés en deux ou séparés de leurs champs. Des peuples apparentés se retrouvent de part et d’autre d’une frontière. C’est dans ce cadre qu’en 1863 le premier protectorat français est établi avec le roi Toffa de Porto-Novo.
Le territoire limité :
Au Nord par le fleuve Niger.
Au Nord-Ouest par la Haute Volta (aujourd’hui Burkina Faso)
A l’Ouest par le Togo
A l’Est par le Nigeria
Au Sud par l’Océan Atlantique étant d’une superficie de 112 622 km2 environ est devenu après le protectorat de 1884 colonie française du Dahomey.

Installation des Yoruba au sud-est et au centre du Dahomey

Selon Kolawolé Sikirou Adam et Michel Boko « le Sud-Est et le centre sont occupés par les yoruba venus en vagues successives d’Ifê et d’Oy? (Nigeria actuel) à partir du 12è siècle.
Les premiers, considérés comme les pré-Oduduwa, se sont installés dans la partie centrale en fondant les royaumes d’Ifita et Ijêgede. La décadence de ces royaumes entre le 18e et le 19e siècle a donné naissance aux sous-groupes Isha et Manigri ». Ce qui démontre que les yoruba existaient avant la conquête d’Ilé Ifê par Oduduwa que certains affirment venu de la Mecque ou d’Egypte.
Le royaume Ifita selon Bergé s’étendit, au Nord de celui d’Abomey, au-delà du Zou, entre le marigot Clou et le marigot Lot?, les monts du Ségui et la rivière Agbado, tributaire du Zou. Le fondateur de ce royaume serait Oba Chérékou.
En 1894, le Général Dodds, étant arrivé chez les Idassa, avait emmené avec lui leur roi jagun Otêtan Adjikin Zomahoun en tournée à Togon.
Tenant à visiter aussi Ifita, il pria jagun Otêtan Adjikin Zomahoun de venir l’y retrouver dans trois jours à compter de la date de visite de Togon, ce dernier s’y rendit à la date fixée. Arrivé à Ifita, il constata que les troupes du Général Dodds s’étaient rassemblées et le roi d’Ifita Djikplé était ligoté au poteau d’exécution pour n’avoir voulu fournir des renseignements pouvant permettre au Général Dodds de retrouver le Roi Béhanzin d’Abomey prétendu caché dans la région (Ifita).
Jagun Otêtan Adjikin Zomahoun demanda la grâce du Général Dodds en faveur du roi d’Ifita; ce qui lui fut accordé. Le 21 janvier 1894, un traité fut signé par : le Général Dodds, jagun Otêtan Zomahoun et le roi d’Ifita gracié. Le roi d’Ifita devient vassal de jagun Otêtan Adjikin Zomahoun. Ainsi, le plus puissant royaume de Moyen-Dahomey, le royaume d’Ifita fut rattaché à Igbo Idasha ; son roi devient un chef de village.
Les secondes vagues, de descendance Oduduwa, ont créé les royaumes de Kétou et de Shabê.
Les peuples de Sakété, Pobê, H?li, Idasha et Bantê sont partis d’Oyo.
Les Oyo d’Idasha sont les Ijéhoun (aujourd’hui Eyo-Ijéhoun) ayant pour ascendant Arigbogbo-oké (Arigbo) installés sur la montagne qui prit son nom (montagne Arigbo) parfois appelée « Oké Egnité ».
La troisième étape du peuplement yoruba correspond à la pénétration Oy?, ?gba et Awori. Les Oy? sont responsables de la fondation d’Ihori, d’Issalê-Ipobê et d’Ifangni ; alors que les ?gba occupent l’ancien domaine d’Ifita et fondèrent le village Ekpo dirigé par Oba Ol?fin Kofin – Ichêrê.
D’autres yoruba habitant la colline d’Olou-Popo ; colline se trouvant aujourd’hui dans la commune de Savè, fondent Itchopa : ils sont dirigés par Iba-Icho : ce sont les ?m?-Icha. La colline Gnanté ou Amou-Agbé-kpa est occupée par A-A-O-man-an devenu Mamahoun ?m? atilêchê.

Cause de migration ?gba Olofin Kofin Ichere de la troisième étape

Selon le journal « Marchés coloniaux du monde » du samedi 21 Août 1948 N°145 page 1578 dirigé par deux directeurs qui sont : René Moreux et Christian Moreux : Deux frères puissants et riches vivaient à ?gba (Abêokouta Nigeria).
A la mort de leur père qui était Roi, chacun voulait faire valoir ses droits à la succession. D’où contestation, inimitié, guerre sourde et cruelle, empoisonnement. Il fallait en finir. L’aîné réunit les membres de sa famille, ses partisans, ses amis et connaissances qui décidèrent de partir sans bruit, sans avertissement du pays, (?gba-Agoura). Ils quittèrent donc Abêokouta devenue insoutenable.
L’instinct les guidait : il ne fallait pas aller vers le Sud car le Sud était la côte où se trouvait la mer dans laquelle les bateaux négriers émergeaient. Il fallait donc à tout prix se frayer un passage vers le Nord et arriver dans un lieu inoccupé pour s’installer. Il est à préciser que dans le groupe, nombreux étaient des chasseurs munis de leur fusil.
Ce geste de révolte a dû contrarier les notables royaux d’?gba Agoura qui lancèrent contre les fuyards une expédition punitive. Ceux-ci n’eurent la vie sauve que grâce à la puissance magique d’Ol?fin qui fit surgir une multitude de moineaux qui effacèrent leurs traces.
Les poursuivants n’ayant plus trace d’eux se retournèrent. C’est pourquoi Ol?fin décréta le moineau oiseau totémique du groupe.
Cette scène se passait en pleine saison sèche. Ils franchirent le fleuve Ouémé du côté de Kétou et poussant un peu plus en avant ; ils arrivèrent au fleuve Zou. Guidés par des vols d’oiseaux (Héron garde-bœufs ou Bubulcus-ibis) qui leur indiquaient les points d’eau.
La plaine leur offrait de vastes champs de cultures et des forêts variées de chasse ; la montagne qui rappelle leur pays, est un refuge.
Ol?fin Kofin-Ichèrê qui les avait ainsi conduits, fut leur premier roi (Oba Ol?fin du village Ekpo)
Il est à noter, que dans le groupe d’Ol?fin se trouvaient sa femme enceinte et sa fille aînée.
Au village Ekpo, la femme d’Ol?fin met au monde une fille atteinte d’albinisme. Selon la tradition yoruba, tout enfant né et sujet d’une malformation est prénommé Osha, c’est-à-dire fétiche ou divin.
Ainsi la fille d’Ol?fin née albinos est automatiquement appelée Osha ; et son titre de fille du roi Ol?fin Ida, ce qui veut dire princesse.
Son prénom et son titre de princesse collés deviennent Ida-Osha.
Dans la langue yoruba, la suppression dans l’écriture ou la prononciation de la voyelle finale d’un mot devant un mot commençant par une voyelle ou un “h” muet est de règle ; c’est l’élision.
Cette élision fait écrire ou prononcer Ida osha en Idasha.
Ce prénom de la première princesse du village Ekpo désigna par la suite le nom de la tribu entière. Selon l’œuvre du Docteur S. O. Biobakou ; le nom d’Egba vient d’?gba-lougbo que l’on pourrait traduire par des gens en pérégrination vers la forêt. En un mot, les Egba sont des gens de la forêt, c’est pourquoi ils ont fait précéder ou suivre le nom Idasha “d’Igbo” qui veut dire forêt (Igbo Idasha ou Idasha Igbo).
De nos jours, l’appellation Dassa-Zoumé est purement fon, une déformation faite par le colonisateur. Le peuple Idasha met presque toujours devant le nom des villages la lettre “i”. Exemple : Ikpingin, Itéré ; Imoumou, Itchokpa, Itangbé, Itankossi, Igbominan, Idasha, Iwinsin, Iloulê, Igbo-Idasha, Itogon, Ilêman, Ifita , Igangan, Igbo-oba, Ishopa, Itagui, etc.
Il est donc clair que la prononciation “Dassa-Zoumé” est purement fon.
Après la fondation du village Ekpo par le groupe Ol?fin et son installation définitive, un ?gba descendit un jour à Kétou avec une importante suite en route pour le village Ekpo d’?l?fin ; Egba était passé solliciter auprès du roi régnant à Kétou le concours d’un guide et des hommes de suite. Lesdits événements se passaient sous un roi Alaketou appelé Ojé, 38e roi de Kétou.
Le jour du départ venu, les Egba étaient prêts de bonne heure et attendaient devant le palais royal. A son réveil, rapporte la tradition, le roi Alaketou entra dans la salle de bain où il y avaient neuf (9) jarres remplies d’infusion de plantes médicinales dont il devait se laver neuf (9) fois dans chacune avant de sortir.
La séance a naturellement duré.
L’attente fut si épuisante que les migrants ?gba à bout de patience se mirent à chanter, au dehors, la chanson que voici (en langue yoruba) :
-Ojê Kétou owa founi ché
– Ojê Kétou omo ?la wa founi ché
– Ola Achèro man chê owa founiché
Cette chanson est à la fois une litanie de louange et une complainte à l’endroit du roi Alaketou : Ojê, 38e roi de Kétou.
Le roi Alaketou finit de se laver. Il sortit de la salle de bain.
Il donna aux cousins ?gba des hommes dont des chasseurs puis plaça tout le groupe sous la responsabilité de son fils aîné Oladegbo, prince héritier de Kétou. Ils partirent pour le village Ekpo. Chemin faisant, il se produisit un fait apparemment banal mais, qui eut une très grande portée politique au village de destination. Après une certaine distance parcourue, le chef du groupe ?gba prétendit avoir mal aux pieds et exprima le souhait de porter des chaussures. De tels avantages à l’époque n’étaient accordés qu’aux rois, à quelques dignitaires et aux princes héritiers. Aladegbo pensant rendre service à un grand frère en souffrance et dans l’espoir d’une rétrocession, donna ses chaussures à l’homme aux pieds endoloris. Cette naïveté a été payée chère par la suite. Quand le groupe arriva au village ?kpo et qu’on eut su qu’il était venu de la part du roi Alaketou, il fut reçu avec tous les honneurs. Lorsque Oba Ol?fin voulut savoir le prince responsable du groupe, Oladegbo se présenta, mais pieds nus. Et le roi Oba Ol?fin de conclure que celui qui remplissait de telles conditions était l’homme qui portait des chaussures. Par une gentillesse incontrôlée le prince héritier Oladegbo de Kétou perdit ainsi son droit et avec lui tous les Kétou se trouvant dans le groupe. Les ?gba du groupe intégrèrent le lignage d’Oba Ol?fin. Les Om? Ola Kétou du groupe constituèrent un lignage à part. Ainsi, Oladegbo devient l’ascendant des Om? Ola d’Igbo d’Idascha, les ?gba pris par Kétou sont appelés Egba-Ketou ayant à leur tête Tchagbonan, le groupe d’Ol?fin s’appelait ?gba Ol?fin ou ?gba Irêmon. Ces deux groupes d’?gba ont été fusionnés par Oba/Jagun Ogoudou Manjal?k? qui lui donna le nom Omo-Jagun nom qui était une devise qui caractérise les ?gba en général.
Lors de la colonisation française la tribu Igbo-Idasha est élargie et comptait quarante et un villages que les Idasha appellent (Oké Okan guigua l’ogou-méji) ce qui veut dire 41 collines. Un Oké était un village et non une colline comme le pensent certains.
Ainsi, la tribu élargie porte trois noms qui sont : Igbo-Idasha ; Igbo Oba ; Oké Okan guigua l’ogou méji et Idasha Igbo.
Au moment où l’on construisait la voie ferrée, la plupart des ouvriers étaient de race fon ce qui a beaucoup contribué à la déformation du nom Igbo Idasha en Dassa-Zoumé, ce nom (Dassa-Zoumé) est purement fon; et fait perdre à la tribu élargie sa symbolique.
Igbo Idasha n’est donc pas fondé par les ?gba, toutefois nous devons préciser que les ?gba ont fondé le village Ekpo qui a pris le nom de la princesse, nom qui a été donné à toute la région ou à la tribu élargie par le colonisateur.
Le nom Ekpo est bel et bien justifié par les vieux d’Atakpamé (Togo) qui confirment être d’Ekpo.
La plupart d’eux sont partis de Kèrè, l’un des villages d’Ekpo élargie (aujourd’hui Igbo-Idasha de son vrai nom ou Dassa-Zoumé de son nom fon).
S’il est historiquement vrai ou religieusement accepté: de donner à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ; il est souhaitable que l’on revienne sur le nom originel : Igbo-Idasha pour que la symbolique soit perpétuelle.
Notre désir le plus intime est de faire découvrir la région qui se trouve derrière le masque (Dassa-Zoumé) et de faire cesser le trouble dans les âmes en quête de vérité, car nul ne peut vivre en somnambule de sa propre histoire.


Roger Sèdo ADJIBA Prince d’Igbo Idasha.
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