Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Faits Divers
Article
Faits Divers

Libération des espaces publics: Les mendiants en perte de repère

Publié le vendredi 27 aout 2021  |  La Nation
Les
© Autre presse par dr
Les mendiants dans les rues de Cotonou
Comment


Par Maryse ASSOGBADJO,

Au lendemain de la reprise de l’opération de libération des espaces publics, la débrouil-lardise est devenue la règle chez certains mendiants à Cotonou, autrefois occupants desdits lieux. Ils essayent vaille que vaille de s’adapter à la nouvelle donne en étant moins visibles dans les périmètres qu’on leur connaissait.

A chacun sa stratégie de survie. Le petit Arouna, 11 ans, doit désormais redoubler d’efforts pour assurer sa collecte quotidienne de numéraires et autres aliments. La reprise de l’opération de déguerpissement des espaces publics l’a soumis au nomadisme. Il sait qu’il n’a pas d’autre alternative s’il veut s’en sortir et surtout, éviter d’être la cible des hommes en bleu.
« Je préfère faire mon job ici. Je suis plus à l’aise dans ce cadre. Depuis quelques jours, j’ai suivi l’un de mes parents sur ce nouveau site », explique-t-il, tout en mangeant son beignet, tout débraillé.
En fait, sa tante et lui, essayent de s’adapter aux nouvelles réalités qu’impose l’assainissement du cadre de vie à Cotonou. Ils se sont repliés sur le terre-plein central menant à Guinkomey à quelques encablures de l’ancien site au quartier Zongo, dans l’intention d’être à l’abri des forces de l’ordre qui cassent tout sur leur passage pour rendre attrayantes la capitale économique et les autres villes du pays.
Ainsi évolue le phénomène de la mendicité depuis l’annonce des couleurs par les pouvoirs publics.
Sans avoir reçu la visite des hommes en uniforme, certains mendiants qui opèrent sur les espaces publics ont compris l’enjeu. Ils ont décidé d’un repli tactique vers d’autres aires pour ne pas donner du fil à retordre aux commis de l’opération en cours.
Ce vendredi 13 août aux environs de 15 h, leur principale zone d’affaires ‘’officieusement délimitée’’ dans les rayons de la mosquée centrale de Zongo n’a pas enregistré son effectif habituel. Ils ont reconstitué un nouveau périmètre pour leur business où ils siègent, imperturbables. A l’abri des regards indiscrets et du viseur des forces de l’ordre. Ils se retrouvent dans le même panier que les conducteurs de véhicules mal stationnés, les gros porteurs, les occupants illégaux des espaces publics, certains vendeurs à la sauvette qui tentent désormais de survivre au gré des stratégies.


Repli stratégique

Le constat n’a pas varié ce mercredi 25 août. Ils sont des dizaines d’hommes, femmes et enfants à prendre d’assaut la zone de démarcation de la route à double sens, à quelques mètres de leur ancien site. Ici, on retrouve des enfants et adolescents, debout, le regard dans le vide. D’autres assis scrutent l’horizon, ‘’bol de collecte d’aumône’’ en main. Enfants déscolarisés, adultes analphabètes, tous se prêtent à l’exercice en espérant gagner leur pain grâce à la charité des passants. Les mendiants sont conscients qu’ils doivent retrousser davantage leurs manches pour survivre.
Selon Bruno Montcho, sociologue de la débrouille et de la déviance, enseignant chercheur à l’Uac, le repli des acteurs de la mendicité est stratégique. «Quand le pouvoir choisit de rétablir l’ordre, les acteurs qui occupent l’espace doivent prendre conscience pour revoir leur stratégie d’occupation de l’espace. L’occupation de l’environnement obéit aujourd’hui à des exigences que tout acteur doit respecter. Ils sont obligés de se réadapter à cette réalité», admet-il.
Point besoin d’y aller par la force. «On n’a pas besoin de leur demander de partir. Au fur et à mesure qu’on aménage les lieux, ils doivent prendre conscience de leur départ de ces espaces. Lorsque le pouvoir va rendre pérenne cette initiative, ça amènera les acteurs de la mendicité à changer de stratégie. Vous pouvez les voir bien habillés et toujours faire le même job», poursuit-il.
Avec la lutte contre la recolonisation de l’espace public, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Beaucoup de citoyens sont heureux de vivre dans un cadre aéré, propre et sain, même si l’on enregistre des grincements de dents dans les rangs de certains tenanciers de boutiques et autres occupants de l’espace public.
Même au niveau du nouveau périmètre qu’ils se sont tracé, Josué Adé, 17 ans, est sur le qui-vive permanent, mais il n’est pas prêt à abandonner son job.
« J’ai appris que les flics pourront encore nous chasser d’ici mais qu’on nous trouve un autre endroit ou du travail pour nous permettre d’assouvir notre faim », fulmire-t-il.


L’opération n’est dirigée contre personne

Mais pour Alain Orounla, préfet du Littoral, l’opération en cours n’est dirigée contre personne. « Aucune population n’a jamais été dégagée. On n’est jamais entré dans une maison. On n’a jamais remis en cause un titre foncier. On a remis en cause l’incivisme. L’espace public appartient à nous tous. Ce n’est pas la propriété privée des contrevenants et donc il y a une opération de libération de cet espace pour la construction et l’édification d’infrastructures pour le bien-être des Béninois dans leur ensemble», a-t-il justifié sur un média de la place.
Bruno Montcho acquiesce cette thèse : « Soit nous sommes dans l’espace urbain, soit nous n’y sommes pas. Les dispositions de l’Etat s’appliquent à tous. Nous allons chercher à atteindre un certain niveau d’assainissement des espaces urbains. Lorsque les mendiants vont se replier de cet espace, les personnes de bonne volonté iront vers eux pour leur donner l’aumône ».
A travers un communiqué en date du 23 juillet, l’autorité préfectorale avait déjà donné le ton en déplorant notamment l’occupation des espaces publics par des commerçants, vendeurs à la sauvette et mendiants ainsi que certains récidivistes qui peinent à obtempérer.
A l’heure du grand ménage, chaque occupant illégal sait qu’il doit se ranger. « Des centaines de milliards ont été consacrés à l’asphaltage de nos rues qui ne peuvent pas continuer à subir les actes d’incivisme que nous avons, par négligence, tolérés par le passé. Il s’agit de rappeler à nos compatriotes que nous sommes dans le cadre d’une activité permanente. Il n’y a pas de saison pour rappeler les gens à l’ordre. Ils ont été suffisamment informés de ce qu’ils doivent prendre le soin de libérer les espaces avant que les forces de sécurité ne soient obligées d’intervenir », précise Alain Orounla.
Casimir Boton, conducteur de taxi-moto, perçoit cette option des pouvoirs publics comme une sanction contre l’occupation illégale de l’espace public et l’incivisme à Cotonou. Toutefois, un plan de relogement des mendiants serait le bienvenu pour éviter qu’ils reviennent.
Commentaires