Il a tiré sa révérence le mercredi 25 août dernier laissant le village Adourékoman et toute la communauté idaasha dans le deuil. Malgré son âge, la disparition de l’artiste Lazare Badjagou Alaré laisse une emprunte regrettable. « C’est un philosophe, c’est un homme travailleur, c’est un homme humble, c’est la photocopie de Oliworo, c’est un baobab qui est tombé, c’est une bibliothèque qui est partie en fumée, il n’est pas mort.. ». Tant d’appréciations qui rassurent sur le séjour de l’homme sur cette terre. Un long séjour fait de haut et de bas. D’une carrière riche même si la moisson n’a pas été abondante en ce qui concerne le nombre d’albums sortis. Il reste dans les cœurs des uns et des autres. Alaré, c’est la voix d’or. Le « Tchico-tchikaya » de Glazoué. C’est l’homme souriant qui fait danser toute une communauté. Né vers 1933 à Adorékoman, il a vécu avec une seule femme (chose rare dans la vie de nos artistes et qui témoigne du sérieux de notre artiste) qui lui a donné 10 enfants dont une fille qui est décédée en 2009 à l'âge de 39 ans. Son activité principale est le champ. Concernant la vie artistique, Alaré a opté pour le Goumbé même s’il excelle dans les rythmes Oga et anime généralement les veillées avec le rythme Tchègounmin. Il a trois albums audio dans le Goumbé. Mais plusieurs enregistrements qui ne sont pas sortis officiellement. Il a commencé par chanter à l’âge de 16 ans donc vers les années 1949. Il n’est plus de ce monde mais laisse un héritage important pour les jeunes artistes qui emboitent déjà ses pas. Aux dernières nouvelles, l’artiste sera inhumé le 27 novembre prochain.
IMPRESSIONS DE PERSONALITES, PARENTS, AMIS ET PROMOTEURS CULTURELS
Dr Jacob AFFORA, Directeur département du Tourisme, de la Culture et des Arts Zou-Collines
« C’est donc une perte énorme pour notre culture et on se demande si la jeunesse est prête pour la relève »
La disparition de Alaré est une grande perte pour la culture idaasha. IL était un grand artiste. Il a su jouer son rôle de vecteur de propagation de l’information. Ils sont responsables de la valorisation d’une aire culturelle. C’est un artiste qui a fait la promotion du rythme Goumbé au-delà des frontières de Dassa et de Glazoué. C’est donc une perte énorme pour notre culture et on se demande si la jeunesse est prête pour la relève. En tant que Directeur département du tourisme et de la culture et des arts, nous sommes en train de prévoir dès l’année prochaine d’inscrire dans notre PTA, la formation des artistes. Très peu d’artistes dans les Collines ont la bonne information sur comment s’affilier au Bubedra, comment se faire timbrer par le Bubedra afin de bénéficier des retombées des fruits de leurs œuvres. Si vous êtes reconnu par le Bubedra, vous avez la possibilité de jouir des fruits de votre production trois fois l’année. Si Alaré était reconnu par nos services, c’est qu’à son décès maintenant, le ministère de la culture devrait accompagner l’organisation de ses obsèques. Malheureusement, tel n’est pas le cas parce qu’il n’est pas connu. Ses œuvres ne sont pas exposées à la salle du monde entier. Nos artistes doivent être formés et s’informer sur comment s’organiser pour jouir de leurs productions. Donc une fois encore, je voudrais présenter toutes mes condoléances à la famille des artistes du département des Collines en général et celle des communes de Dassa et Glazoué en l’occurrence. Que la terre soit légère à l’âme de l’illustre disparu.
Loth Akpo, agronome, promoteur du Festival Bolou
« C’est une bibliothèque qui vient de partir en fumée »
L'homme que nous pleurons aujourd'hui est un baobab, un métronome, un véritable titan, bref une bibliothèque qui vient de partir en fumée. Alaré est un homme très humble. Je connaissais ses chansons que j’avais du plaisir à écouter depuis mon enfance. Mais je l'ai connu particulièrement en 2008. J’étais à Parakou, étudiant en deuxième année d’agronomie. Et je jouais le Goumbé sur le campus pour l'Association des Étudiantes et Étudiants Ìdàáshà de Parakou AsEEIP. Alaré était venu saluer ses enfants à Parakou et il a demandé à rencontrer le jeune dont il entend jouer le Goumbé sur le campus. C'est ainsi que j'ai reçu l'appel et je suis allé à la rencontre de l'artiste. À ma grande surprise avant mon arrivée, il y avait du ikara èkpa pour m'accueillir avec du sodabi. En bon gardien et garant de la culture ìdàáshà, il a imploré les mânes de nos ancêtres à veiller sur moi pour que je trouve plus d'inspirations à chanter partout le Goumbé. J'étais sans voix ce jour-là. C'est ainsi que Alaré est mon parrain artistique. Cette bénédiction m'a fait plaisir et m'a encouragé à mieux faire. Quand je me souviens de cette bénédiction, je ne regrette plus de m'investir dans notre culture ìdàáshà. L'autre fois où on a eu d'intense moment de joie, c'était quand je l'ai invité à jouer à Ouidah lors de l'ouverture officielle de l'usine des tracteurs. C'était en présence du président de la République d'alors, le Dr Yayi Boni. Il n'en revenait pas du traitement à lui réserver avec son groupe. Depuis ce jour, partout on se revoyait, on ne pouvait s'en passer de s'embrasser. Respect à l'illustre disparu. J'ai foi que l'œuvre entamée par Alaré sera poursuivie. Ce successeur est en tout cas déjà connu de ses entrailles. L'artiste ne meurt jamais. Vive l'artiste !!!
Agbatan Tchègoun Médard alias Oman Inanwolé, artiste Goumbé
« Nous pleurerons la mort de Alaré mais nous sommes consolés par ses œuvres »
Nous sommes très touchés par le départ de notre papa, notre idole Alaré. C’est vrai qu’il a fait son temps. Mais malgré le temps passé sur cette terre, l’on veut continuer toujours à bénéficier de la présence d’un papa de sa trempe. Nous pleurerons ce départ mais nous sommes consolés par ses œuvres. Il n’est pas mort. C’est un grand héritage qu’il a laissé aux jeunes artistes que nous sommes. Que Dieu l’accueille dans sa demeure éternelle. En réalité, après Oliworo, c’est lui qui était le guide du rythme Goumbé avec la nouvelle génération que nous constituons aujourd’hui. Nous n’avons pas encore tout tiré de lui et c’est cela qui fait mal dans ce départ de notre papa. Je demande à tous les jeunes qui font du Goumbé de prendre exemple sur Alaré afin que ce rythme, l’identité de notre culture continue de rayonner.
Elisée OTA, artiste Goumbé, Volcan des Collines
« C’est un baobab qui est tombé »
Nous devons rendre grâce à Dieu et sécher nos larmes. Nous sommes tous des passants sur cette terre. Alaré a fini sa mission et très bien. Je présente mes condoléances à la famille de l’artiste et à toute la communauté idaasha. Alaré n’est pas mort, il est retourné à la maison. Nous aimerons continuer à le voir à nos côtés. Nous espérons que ce qu’il a fait sera conservé et que ce qui reste doit être poursuivi pour le bonheur du Rythme Goumbé. C’est un baobab qui est tombé. La balle est désormais dans nos camps, nous jeunes artistes. Nous devons nous inspirer du passage de Alaré sur cette terre pour relever le défi culturel qui nous attend.
Dr Dossoumon Jean, l’un des parrains du CD Vidéo de l’artiste
« Nous avons perdu une grande mémoire de l’aire culturelle idaasha »
Nous venons de perdre un patriarche, une grande mémoire de l’aire culturelle idaasha. Nous venons de perdre en partie, le rythme qui caractérise les idaasha, le Goumbé. Après le décès de Oliworo, Alaré est l’artiste qui a porté très loin, le rythme Goumbé à sa manière. Aujourd’hui, je vois de vide après lui et on est fier d’ailleurs qu’il parte avec un grand héritage laissé aux générations actuelles et à celles qui viendra après nous. L’héritage de toutes ses œuvres en termes de rythme qui lui est propre. En termes de valeur que véhiculent toutes ses chansons en termes de conseils et d’orientations dans la vie voire des événements qui animent notre vie sur cette terre. Alaré chante la réalité. Il a prodigué beaucoup de conseils dans ses chansons en invitant les à travers ses chants au travail et à la paix. C’est un grand artiste que nous venons de perdre dans la région des 41 Collines. Ce qui m’a le plus marqué, c’est quand j’avais accepté avec le Dr Afoukou parrainer le lancement de son premier CD Vidéo. Au cours de cette cérémonie, j’ai appris qu’il ne s’adonnait pas seulement au Goumbé et qu’il s’est essayé à beaucoup d’autres rythmes où il était très excellent. C’est donc un homme qui a du talent à l’état naturel pur, qui a fait ce qu’il peut de la culture idaasha et qui s’en est allé en nous léguant vraiment un grand héritage, un héritage très lourd. Je suis fier de toutes les filles et de tous les fils idaasha pour le dernier hommage que nous avons pu lui rendre en lui sortant ce CD vidéo et en procédant au lancement. Ce n’est pas à titre posthume que nous voulons lui rendre hommage. Mais cela a été fait de son vivant. Mieux vaut tard que jamais. Et je remercie notre frère Hilaire Badjagou qui nous a associé à cette démarche d’hommage. Je remercier Thomas Akpaho pour tout le sacrifice consenti pour faire sortir ce patriarche de notre culture du silence.
Badjagou Hilaire, neveu de l’artiste, agent du ministre de la justice
« Il était un touche-à-tout en matière de musique traditionnelle »
Je remercie d’abord tous ceux qui nous ont accompagnés la dernière fois pour le lancement du CD vidéo de l’artiste que nous pleurons aujourd’hui. Au-delà de 80 ans, on peut dire qu’on a vécu assez sur cette terre. Mais le départ de Alaré va créer un grand vide autour de nous. Il était solide malgré son âge. Nous acceptons la volonté de Dieu. Je suis heureux de l’hommage qu’on lui a rendu de son vivant. Nous sommes fiers de voir circuler sur la toile depuis avant-hier qu’il est mort, ses chansons vidéo et autres. Rendons grâce à Dieu. Alaré a commencé à chanter depuis son enfance. Quand il entend que Oliworo veut jouer quelque part, il était toujours présent. Donc il a été à l’école de Oliworo. Il est mon père. C’est le frère à mon père. On parle bien de lui dans tous les villages. Il a beaucoup contribué à l’enracinement de la culture idaasha. Il était un touche-à-tout en matière de musique traditionnelle. Les rythmes chinkounmin, Ogaa et Goumbé sont faciles à jouer pour lui. Il était aussi le médecin des fractures et entorses (tchakaloké) du village, le chirurgien des excisions. Que la terre lui soit légère. Je lance un appel à tous afin que lors de ses obsèques, on puisse se mobiliser pour lui rendre un dernier hommage. Un hommage à la taille de l’illustre disparu.
Dieudonné AGBAKA, opérateur économique originaire de Gomé, commune de Glazouè, conseiller du FACI
« Alaré n’est pas mort… Ses œuvres sont incommensurables »
Au nom de Blaise Boko, président du FACI empêché, nous présentons nos condoléances à toute la population idaasha. Il est âgé mais il va nous manquer. C’est un grand arbre qui est tombé. Sur le plan cultuel, son rythme, ses chansons resteront. Son CD vidéo est là. L’artiste Alaré n’est pas mort. Ses œuvres sont incommensurables. C’est un grand héritage qui il nous a laissé. Le départ de Alaré doit inspirer les autres artistes de Goumbé qui sont encore là. Nous voulons d’autres Alaré parmi eux. Après Oliworo de Kere, c’est Alaré qui était son remplaçant. Nous savons qu’il y a assez de jeunes artistes qui emboîtent ses pas. Il a enfin déposé son brassard. Les jeunes artistes doivent prendre la relève et faire sourire Alaré là où il sera. Il doit être fier d’avoir des gens qui lui emboîtent les pas. Chers jeunes artistes, c’est votre tour de nous démontrer que Oliworo et Alaré ne sont pas morts. Je remercie chacun de nous.
Thomas Akpaho, journaliste animateur en langue locale idaasha sur les chaînes Canal 3 Fongbé, Canal3 Wama et Canal3 Benin, acteur culturel et chargé à la communication du FACI, promoteur de 229 Web TV
« Alaré, c’est l’artiste qui avait comblé le vide laissé par Oliworo »
L’artiste Alaré est, pour un acteur culturel comme moi, un grand-père. C’est un homme que j’ai découvert au soir de sa vie. A écouter ses chansons, son rythme, ses allégories, l’authenticité des messages que véhiculent ses chansons, j’ai pu comprendre que l’artiste que nous pleurons aujourd’hui est une photocopie de Oliworo. C’est lui qui a comblé le vide laissé par Oliworo. En tant que promoteur culturel, j’ai pensé à l’immortaliser. Avec ses 80 ans d’âge, cet éminent artiste n’avait pas de clip vidéo. L’idée m’est arrivée et j’ai rapidement rencontré Hilaire Badjagou qui est un fils de Alaré. Il n’a pas hésité à valider mon projet. Il a donc servi de passerelle afin qu’on puisse rallier le maximum de cadres idaasha à ce le projet. L’artiste même a hésité au départ parce qu’il avait déjà été approché sans suite par plusieurs personnes qui lui ont proposé de le sortir de l’ombre. Mais en vain. Après deux rencontres de négociations, il a fini par accepter. On a réalisé le clip. Malheureusement, le jour où on finissait le clip, Alaré a perdu son épouse. Depuis ce temps, sa santé a pris un coup. Nous avons organisé le lancement du clip. N’étant pas enregistré au Bubedra, il ne bénéficiait pas du soutien du gouvernement. Il a fallu ce lancement pour lui trouver un peu d’argent pour s’occuper de sa santé. Pour le peu de temps que j’ai passé avec l’homme, il est travailleur malgré son âge. Il est humble, plein d’humour. C’est un homme qui donne de bons conseils et qui ne cesse de prier pour ses proches. Le départ de Alaré est une grande perte pour nous. C’est une perte pour notre culture et le Bénin. Nous présentons nos condoléances à la famille éplorée, à tout le village Adourékoman...Alaré est parti, mais œuvres continueront de nous égayer. Alaré n’est pas mort. Il est immortalisé à travers un clip vidéo. Malheureusement on n’a pas pu l’enregistrer avec son rythme Oga qu’il aime assez. Un rythme en voie de disparition. Que Dieu l’accueille dans l’au-delà. Il faut qu’il inspire d’autres jeunes artistes afin que le Goumbé et la culture idaasha continuent de faire la fierté de la population idaasha.
Ezin Jean-Marie Vianney Kèkè, artiste chanteur du groupe foklorique agbadja des étudiants idaasha de Parakou, petit-fils de Alaré
* « Que grand-père nous donne la force de mettre en pratique, ce qu’il nous a légué »*
La famille des artistes idaasha est en deuil. Alaré, c’est mon grand-père maternel. J’ai eu la chance alors de le côtoyer depuis mon bas-âge. C’est un baobab qui vient de nous quitter. Nous sommes heureux aujourd’hui de voir ses œuvres inépuisables qui font la fierté de nous, artiste en herbe. Je présente mes condoléances à la famille de l’artiste. A tous les artistes idaasha. Qu’il nous donne la force de mettre en pratique, ce qu’il nous a légué. Depuis que j'ai connu mon grand père, Il est toujours accueillant, souriant. Il ne cesse de nous dire de ne jamais considérer quelqu'un comme ennemi. Je ne connais aucun de ses chansons où il a insulté un autre artiste. Il me dit toujours de ne jamais composer une chanson d'insultes. Il nous dit toujours comment faire pour réussir la vie. Il aime le travail, c'est pourquoi il fait le champ de beaucoup de cultures. Il n'aime pas rester là où il y a la haine…Tant de qualité qu’il a inculqué à ses enfants. Que son âme repose en paix. Et comme il l’a dit dans sa chanson, ses enfants vont faire perdurer son nom pour des siècles et des siècles.
Kindji Mouléro Marius, alias Moul, promoteur d’artiste, Dj et directeur de la Radio Ilema
* « Contrairement à ce que pense le commun des mortels, Alaré est parti avec beaucoup d’héritages non légués »*
Je voudrais d’abord présenter mes vives condoléances à la famille de l’illustre artiste disparu. Après Oliworo, c’est Alaré qui a gardé la maison Goumbé depuis des décennies. Mais ironie du sort, Oliworo totalise plus d’album que le philosophe d’Adourékoman que nous pleurons tous aujourd’hui. Pour avoir été Dj, promoteur culturel, animateur radio…, j’ai eu la chance de côtoyer cette icône de la musique traditionnelle idaasha. C’est regrettable pour notre culture que toutes ses chansons, la majorité de ses chants sont chantés en l’air lors des cérémonies et des manifestations culturelles ou politiques. C’est le moment de remercier ceux qui ont vu juste en l’honorant de son vivant par la sortie d’un CD Video qui permet d’avoir des images sur la vie de Lazare Badjagou. A Radio Ilema, nous avons fait assez la promotion de cet artiste dont les chansons phares dorment en quantité dans nos archives. Contrairement à ce que pense le commun des mortels, Alaré est parti avec beaucoup d’héritages non légués. S’il avait eu les moyens d’enregistrer ses morceaux, je crois qu’il n’aura plus de chansons pour la nouvelle génération d’artistes au nous avons de nos jour. Malgré le poids de l’âge, sa voix n’a pas changé, sa mémoire était toujours prête pour l’improvisation de chansons. Il était tout pour la culture idaasha. Salut l’artiste et que ton âme repose en paix.
Publication du quotidien La Nouvelle Gazette de ce vendredi 27 août 2021