Dans le secteur agricole, les acteurs attendent de voir se produire un miracle. Le Programme national de développement des plantations et des grandes cultures suscite des espoirs, mais aussi des craintes.
Rien n’est encore précis. L’étude de faisabilité devra situer les uns et les autres. Néanmoins, des acteurs s’accordent déjà à voir dans ce programme, une révolution. « C’est ce qu’il nous faut pour faire avancer notre pays. Le secteur agricole est à la base de tout. On attendait cela depuis des décennies. Et là, la Chambre nationale d’agriculture applaudit», se réjouit Isabelle Mègbléto, secrétaire adjointe élue de la Chambre nationale d’Agriculture. Elle table sur les enjeux pour croire à une révolution agricole. « Beaucoup de choses vont changer. On va dépasser l’autosuffisance alimentaire, transformer nos produits agricoles et les exporter», ajoute-t-elle.
Des objectifs ambitieux
Ce programme qui s’étend sur 2021-2026 et dont l’étude de faisabilité a été annoncée fin juillet suscite de l’intérêt. Il a focalisé les attentions à la revue 2020 du secteur agricole, le jeudi 26 août 2021 où ses grandes lignes ont été dévoilées. Selon Dossa Aguemon, directeur de cabinet du ministre de l’Agriculture, l’État a voulu sortir de son carcan, pour optimiser la mise en valeur des terres cultivables et attirer des investissements agro-industriels « On note un volontarisme qui pousse l’État à sortir de son rôle ordinaire pour créer l’environnement, prendre même des risques pour donner un point d’appui aux acteurs qui sont désireux d’embrasser les grandes plantations », explique-t-il. Les modalités sont toujours en étude. L’Etat aménage. Des contrats de concession sont prévus avec des payements de revenus annuels, en fonction du cycle de la culture. « On note l’appétit manifeste des investisseurs. Et ça, on peut le voir à travers la tendance à la demande de crédit », précise Dossa Aguemon.
Une diversité de cultures
Le gouvernement mise donc sur l’agroforesterie. L’anacardier pourra être densifié sur 500 000 ha. L’hévéa prendra place sur environ 100 000 ha, le cacao sur 50 000 ha, avec un accent sur le bio et le cocotier sur probablement 20 000 ha. D’autres cultures d’intérêt, comme la banane plantain, la mangue, le pommier africain, le baobab, l’avocat, le karité, le café seront enrôlés dans ce programme à la demande des investisseurs. « Quand on aura fait tout cela, il sera difficile pour un opérateur au Bénin de dire qu’il veut transformer et qu’il n’a pas de matière première, qu’il veut investir et qu’il n’a pas trouvé de terres. On va finir avec ça. Une coopérative qui veut se lancer et qui ne dispose pas des moyens d’investissements de départ a la possibilité de rentrer en contrat et de démarrer», martèle Dossa Aguemon.
Les marchés européen, américain, asiatique, et même africain dans une certaine mesure sont visés.
La Plateforme nationale des organisations paysannes et de producteurs agricoles du Bénin (Pnopra) s’en réjouit. « Le président Talon a toujours été en avance sur les autres. Nous, en tant qu’acteurs agricoles, nous pensons qu’il a vu juste. Actuellement, dans notre pays, nous avons beaucoup de terres qui ne sont pas utilisées. Nous allons essayer de les assembler pour des producteurs qui peuvent les mettre en valeur. Les exploitants vont utiliser la main-d’œuvre locale. L’État aussi à travers les taxes, de même que les communes vont tirer leurs profits », confie Lawani Arouna, président de la Pnopra.
La bataille des terres
De perspectives heureuses se profilent à l’horizon. Mais elles couvent aussi des craintes, dans un pays où les conflits liés au foncier sont récurrents. En effet, le besoin d’espaces est estimé pour le moment à 670 000 ha. Et les petits producteurs pourraient en être inquiets. « Il peut avoir des conflits si la communication n’est pas bien faite. Il faut déjà commencer par sensibiliser la population.
Ce n’est pas une confiscation des terres. Une politique est en vue pour qu’elles soient plutôt mises en valeur pour le compte et le bonheur de nous tous. Si vous allez en Côte d’Ivoire, c’est la même politique qui a été développée pour aboutir à de grandes plantations. », tente de rassurer Lawani Arouna. Du côté de la Chambre nationale d’Agriculture, on préfère aussi être optimiste. « La question sera étudiée autrement. Que ce soit les petits ou grands producteurs, tout le monde aura pour son compte », lâche Isabelle Mègbléto.
Mais le programme entend miser sur les propriétés de l’État, les aires dégradées des forêts classées, les terres mises à disposition par des collectivités locales. Les domaines privés qui ne sont pas exploités seront sollicités suivant des modalités en étude. Le potentiel mobilisable au niveau des forêts classées est de plus de 500 000 ha. «Les études sont en cours. La principale réserve, ce sont les espaces dégradés des forêts classées. L’étude de faisabilité va proposer des options pour que les moyens de subsistance des gens soient sauvegardés. L’État est plus préoccupé par ces questions », rassure le directeur de cabinet.
Au-delà du foncier, se positionne le défi des investissements de base nécessaires à la mise en place des plantations. Il faut bien des aménagements hydroagricoles, des infrastructures d’irrigation, l’accès à l’eau et à l’électricité, etc. Ces paramètres et bien d’autres sont en train d’être minutieusement étudiés. Ce programme pourrait générer plus de 1,3 million d’emplois et séquestrer jusqu’à 15 millions de tonnes de carbone. C’est peut-être là la vraie révolution verte attendue.