Au Bénin, les innovateurs n’ont pas souvent le réflexe de protéger leurs créations. Une négligence qui peut leur faire perdre des opportunités et des avantages sur leurs inventions.
Autant faut-il avoir le titre foncier pour revendiquer la propriété d’un domaine, autant faut-il détenir le brevet d’invention pour prétendre avoir tous droits sur une création et en tirer tous les avantages afférents. Plus qu’une formalité, les titres de propriété industrielle sont une garantie, une nécessité. « Il est important que tous ceux qui sont dans le monde de la recherche et de la création s’intéressent à la propriété intellectuelle. Ils doivent avoir le réflexe de la protection. Quand ils innovent, qu’ils n’attendent pas forcément qu’un contentieux naisse avant d’aller à la protection. Car le droit est accordé au premier qui en fait la demande. Sans protection, il n’y a pas de garantie ; c’est la protection qui fait suivre les droits », relève Jean-Baptiste Lalèyè, chef service Dépôts de l’Agence nationale de la propriété industrielle. A l’en croire, au regard des statistiques au niveau de l’Anapi, les étrangers exerçant au Bénin protègent mieux leurs œuvres que les Béninois, surtout en termes de marques. « Ceux qui sont dans le monde de la recherche, les étudiants et ceux qui sont dans le domaine de la création devraient systématiquement protéger leurs œuvres. Mais peu d’innovateurs le font et c’est quand il y a conflit autour d’une œuvre qu’ils viennent à l’Anapi. Alors qu’en matière de propriété industrielle, il faut déposer le dossier pour en obtenir le droit. Si le soi-disant premier initiateur traîne le pas et qu’un autre vient déposer avant lui, c’est celui-là qui obtient le droit », renseigne le chef service Dépôts de l’Agence nationale de la propriété industrielle. En effet, les titres de propriété industrielle offrent plusieurs avantages. Outre le caractère nouveau qui aiguise la curiosité et attire l’attention, celui qui a mis au point la technologie ou qui a créé le produit, jouit d’une garantie juridique.
« L’inventeur n’est pas tenu d’aller à l’industrialisation. Il a la possibilité d’accorder des licences à des tiers pour l’exploitation de ce brevet contre une rémunération qu’il fixe et c’est limité dans le temps. Mais il peut également céder son brevet. La cession, c’est la vente. Il vend son invention contre une rémunération conséquente et cela veut dire que l’invention ne lui appartient plus », ajoute Jean-Baptiste Lalèyè. Mais pour qu’une invention soit brevetée, il faut trois conditions : elle doit être nouvelle, elle ne doit pas être évidente et elle doit pouvoir être reproductible à grande échelle. Chaque année, l’Anapi mène des sensibilisations à travers les médias, les canaux digitaux et déploie ses cadres sur le terrain pour des campagnes afin d’éveiller l’attention des créateurs sur la protection de leurs œuvres.
A en croire le chef service Dépôts de l’Anapi, il y a aujourd’hui une prise de conscience et les innovateurs comprennent de plus en plus l’importance du brevet d’invention mais le pourcentage est encore très faible.
Les titres à protéger !
La propriété intellectuelle est la branche du droit qui regroupe les deux volets que sont la propriété industrielle et la propriété littéraire et artistique. Au Bénin, ces deux volets sont gérés par deux départements ministériels différents et des structures distinctes.
La propriété littéraire et artistique est du ressort du ministère de la Culture et des Arts et la propriété industrielle est du ressort du ministère de l’Industrie et du Commerce. Quand on parle de propriété littéraire et artistique, on parle de droits d’auteurs et il faut se référer au Bureau béninois du droit d’auteur et des droits voisins (Bubedra). Mais quand on entre dans le champ de la propriété industrielle, c’est l’Agence nationale de la propriété industrielle qui est compétente. Dans le domaine de la propriété industrielle, il existe plusieurs actifs qu’on peut protéger. Il s’agit notamment des marques de produits et de services, les brevets d’invention, les noms commerciaux et les indications géographiques.
« La marque est un signe ou un nom qui permet d’identifier un produit donné sur le marché. Le nom commercial protège la dénomination sociale d’une entreprise. Le brevet d’invention protège une création, une innovation et reconnait au titulaire tous les avantages y afférents. Les indications géographiques sont beaucoup plus liées à un terroir. Plus précisément, ce titre protège les produits qui doivent leurs qualités aux territoires sur lesquels ils sont produits. Et pour ce cas spécifique, un individu ne peut pas détenir ce titre. C’est l’Etat qui le porte », explique Jean-Baptiste Lalèyè, chef service Dépôts de l’Anapi. L’obtention de chacun de ces titres est subordonnée au dépôt de dossiers à l’Anapi qui les transfère à l’Organisation africaine de la propriété industrielle (Oapi). «Pour avoir le brevet d’invention, il faut normalement déposer une taxe de dépôt s’élevant à 225 mille francs Cfa. Mais c’est subventionné par l’Organisation africaine de la Propriété intellectuelle à hauteur de
90 %. Le demandeur paie donc les 10 % qui correspondent à
22 500 francs Cfa. Cette subvention est une sorte d’encouragement à la protection des innovations en Afrique », fait savoir Jean-Baptiste Lalèyè. Le brevet d’invention est valable pour 20 ans non renouvelables. L’échéance passée, l’invention tombe dans le domaine public. Par ailleurs, la taxe de dépôt pour le nom commercial est de 20 mille francs Cfa et il est valable pour dix ans renouvelables. Egalement valable pour dix ans renouvelables, la marque s’acquiert sur étude de dossier et après paiement d’une taxe comprise entre 400 à 450 mille francs. Pour ce qui concerne les indications géographiques, tout dépend du produit que l’Etat veut protéger et la procédure est plus complexe.