Triste nouvelle dans les médias du Bénin. Vincent Foly, promoteur du célèbre quotidien béninois La Nouvelle Tribune est décédé le vendredi 03 septembre dernier, des suites de la Covi-19 au centre spécial de traitement à Allada. Il était âgé de 68 ans. C’est un décès inattendu qui crée de l’émoi dans toute la presse béninoise et dans le rang de plusieurs personnalités du pays qui ont connu de près ou entretenu des relations amicales avec Vincent Foly. Ex professeur d’anglais au Collège Père Aupiais, Vincent Foly a embrassé la carrière du journalisme depuis plusieurs décennies. Il a fait ses armes aux quotidiens « Le Matin » et « Le Point au Quotidien » avant de fonder son propre journal « La Nouvelle Tribune » dans les années 2000. Téméraire et ardent défenseur de la liberté de presse, Vincent Foly ne se laissait pas manipuler n’importe comment selon plusieurs témoignages. Suspendu ces trois dernières années, par la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac) pour des écrits défavorables au Chef de l’Etat, Patrice Talon, le journal La Nouvelle Tribune a été autorisé de nouveau à paraître, il y a à peine un mois. Vincent Foly en était si heureux, mais ne pourra plus hélas poursuivre l’intrépide combat du métier de journalisme au Bénin. Selon les proches de sa famille, il a été inhumé, le lendemain même de son décès, le samedi 04 septembre dernier au cimetière de Somè dans la commune d’Abomey-Calavi. Lire ci-après les témoignages de quelques personnalités béninoises qui saluent sa mémoire.
Florent Raoul Couao-Zotti, Ecrivain
Vincent, le dernier combat!
Il est des gens dont on ne sait jamais comment s’est opérée, avec eux, la connexion, comment s’est manifestée la proximité intellectuelle et affective avec eux. Mais toujours est-il qu’on a l’impression qu’on les a toujours connus, que la complicité s’est toujours établie avec eux; et cela, de la façon la plus naturelle qui soit. Vincent Foly était de ceux-là. Je me rappelle seulement qu’un jour ayant créé son Journal, La Nouvelle Tribune, il m’avait demandé une collaboration, juste un texte pour alimenter sa rubrique «chronique». J’y ai, dès lors, pris du goût, me risquant parfois à des reportages plus fouillés à Ouaga, à l’occasion du FESPACO ou à Abidjan, lors de l’assassinat du Général Guéï ou encore à Lomé, lorsque la crise politique togolaise a jeté sur les routes de milliers de citoyens togolais. Car, à chaque fois que je m’étais retrouvé dans le feu ou l’entre-sac d’une crise, j’avais toujours eu comme réflexe de recueillir des éléments pour rédiger des articles de fond sur l’actualité et les faire publier dans ce quotidien.
Vincent Foly avait toujours eu une posture fondamentalement rebelle. On dit de lui qu’il fut «communiste». Pour l’avoir connu, je savais qu’il avait un cœur qui penchait à gauche, à l’extrême gauche, qu’il avait tendance à défendre le petit peuple, à lui offrir son bras – que dis-je? – sa plume protectrice. Il avait en sainte horreur les puissants, riches et politiques, ayant tendance à abuser de leurs pouvoirs pour opprimer le peuple. Un choix courageusement assumé qui faisait de La Nouvelle tribune, un journal taxé de «journal de l’opposition». Mais, lui, disait avec sa sérénité habituelle, qu’il luttait et lutterait toujours pour la pluralité de l’information. Il en a payé le prix fort.
Maintenant, cher Vincent, que tu as enjambé le pont vers les eaux calmes de l’éternité, dis-moi en quelles mains tu as laissé ce journal qui renaîtra bientôt de ses cendres? Dis-moi si un jour un autre organe de cette tenue pourrait jouer ce rôle de poil à gratter? À qui laisserais-tu ces débats passionnés que tu faisais sur les plateaux de chaînes de télévision? Où entendrons-nous ta voix caverneuse, tes sourires narquois, ton sens de la répartie? Le journalisme à l’ancienne que tu faisais avec une plume établie, la preuve par les faits, l’exigence des sources, le croisement des informations, ce journalisme a progressivement laissé place aux torchons faits de rumeurs, de recherche du sensationnel, de la quête du buzz et d’autres racontars imbéciles. Mais Vincent, tu as semé l’une des idées les plus géniales de la profession. Et tu en as laissé les traces indélébiles. Merci d’avoir été là. Merci d’avoir creusé le sillon. Comme on dit, si le bon grain fait toujours germer la bonne plante, il ne tient à la postérité que de l’arroser pour qu’elle produise le bon fruit.
Frédéric Joël AÏVO
« Vincent Foly, compagnon d’aventure »
Le vendredi 03 septembre 2021, la voix de Vincent Foly s’est tue. Avec la disparition de Vincent, la démocratie béninoise a perdu un allié intrépide, et la liberté de presse, un de ses plus vaillants défenseurs.
L’emblématique patron de La Nouvelle Tribune restera un modèle pour moi. Un modèle de fidélité et de loyauté à ses convictions, un modèle de ténacité. Car malgré la tempête, Vincent n’a pas abandonné ses idées, il n’a pas traversé la voie et n’a, à aucun moment, trahi ses engagements. Au contraire, même privé de son journal et empêché de faire son métier, Vincent durcit le cuir et réussit à reprendre son journal. Il n’aura hélas pas l’occasion de le faire paraître à nouveau, mais le journal est, grâce à sa ténacité, désormais libre.
Vincent aimait passionnément le journalisme et, privilège rare, le journalisme l’aimait aussi.
Le 15 juillet dernier, Vincent Foly a tenu à être à mes côtés lors de ma première comparution devant la CRIET. Il était donc là. Entre deux suspensions d’audience, il était venu me glisser dans les oreilles des mots de réconfort, d’encouragement et d’assurance pour l’avenir. Je m’en souviendrai toujours.
Je salue la mémoire de l’ami et rends hommage au grand professionnel des médias dont le dévouement et l’esprit de sacrifice marqueront notre génération et celles à venir ».
De Serge Jean-paul Prince Agbodjan, Juriste
« Mon frère Vincent ! »
Il y a moins d’un mois, plus précisément le vendredi 6 août 2021 dernier, tu t’exprimais dans un quotidien de la place « Je suis très heureux de ce dénouement, couronnement du combat que nous menons depuis trois ans. Je suis encore sous le coup de l’émotion. Je remercie tous ceux qui nous ont soutenus dans cette bataille ».
Au téléphone dans cette journée de la nouvelle venant de la HAAC, tu m’as dit toute ta joie et nous avons échangé sur comment tu penses relancer ce journal dont la version papier a manqué.
C’est dans cette attente de la sortie de ce journal que je viens d’apprendre que tu viens de partir de ce monde sans pouvoir nous donner ce premier numéro après ce long moment.
Je reprends « Les marchands de gloire de Marcel PAGNO » pour te dire que « La première qualité d’un héros, c’est d’être mort et enterré ».
Tu es pour moi un héros et je te remercie pour cette leçon de vie.
Je retiens avec toi que les difficultés matérielles, les problèmes de ce monde ne peuvent amener un homme à changer de conviction.
Mon frère Vincent ! Tu vas beaucoup nous manquer ».
Simon Narcisse Tomèty
« Et si Vincent Foly n’avait pas existé?
Tombé au champ d’honneur, les armes aux pieds, la tête haute et la plume en main, et c’était le GRAND VINCENT FOLLY, le digne fils de Grand-Popo qui est resté brave en respect de la patrie et d’un Bénin qu’il porte dans son coeur. Et je le sais!
Je porterai bientôt un témoignage sur mon frère et ami Vincent. Nos derniers échanges épistolaires remontaient au dimanche 08 août 2021.
Vincent Folly est un homme intellectuellement honnête et équilibré qui déteste la compromission dans un Bénin où l’hypocrisie est la règle d’or. Vincent est un homme de principe qui ne troque jamais le oui contre le non. Il a le sens de la pudeur et de la responsabilité historique.
Oui, je sais qu’il souffrait de vivre une presse béninoise de plus en plus traversée par le torrent de l’immoralité et assez tributaire de la corruption. Oui, je sais aussi qu’il n’admet pas que le journaliste devienne un mendiant des chapelles politiques.
Vincent souffrait de sa forte conscience professionnelle dans un corps de métier qui a perdu tout son prestige et devenu fragile et ridiculisé par les puissances d’argent et une justice à double vitesse. Heureusement, Vincent Folly a un cœur solide sinon, il aurait craqué comme une vitre brisée depuis. Je le sais aussi!
Vincent Folly pouvait manger à la table de tous les régimes politiques de ce pays. Il est resté un professionnel digne et exigeant. Il a choisi d’être du côté de son peuple et non là où il va salir son NOM pour une posture éphémère et un revenu trompeusement stable de petit prince menteur et de verbiage.
Je suis si fier de VINCENT que je me dois de lui dire un grand merci pour mission accomplie. Mon cher Vincent Folly, tu fais notre grande fierté. Que tes enfants soient fiers d’avoir eu un Papa comme toi ».
Expérience Tébé, Président du MLP
« Vincent FOLY fut proche de nous dans notre combat… »
« Je viens d’apprendre avec grande consternation la mort du journaliste émérite Vincent FOLY des suites du covid 19.
Triste nouvelle ! Le promoteur du journal Nouvelle Tribune fut proche de nous dans notre combat pour une meilleure justice sociale et la préservation des acquis démocratiques; lutte dans laquelle il en a payé le prix le plus cher à travers son journal.
Au nom du Mouvement Populaire de Libération (MPL) et en mon nom propre je voudrais présenter mes vives condoléances à sa famille et à toute la presse béninoise ».
Guy Ossito Midiohouan, Professeur titulaire de Littérature Africaine à la retraite
« Je suis très choqué »
«J’ai appris ce soir vers 19h le décès brutal de Vincent Folly. Je suis très choqué. Attristé. Atterré. Il était un de mes amis les plus proches, intellectuellement, et nous avons partagé beaucoup de choses depuis plus de 30 ans. Il s’agit là d’une perte cruelle pour toute l’intelligentsia dans notre pays où la pensée libre, la pensée critique est désormais en berne. Respect et admiration pour cet esprit brillant, cette plume affûtée et généreuse, ce grand défenseur des droits de l’homme. Requiescat in Pace!»
Message de condoléances de Boni Yayi à la famille FOLY, à la République, au Management du journal « La Nouvelle tribune »
« Cette disparition est une grosse perte pour la République et le peuple béninois. »
C’est avec beaucoup de peine et de consternation que je viens d’apprendre la douloureuse disparition de Monsieur Vincent Foly, Directeur de publication de la « Nouvelle Tribune ». Cette disparition est une grosse perte pour la République et le peuple béninois.
Monsieur FOLY s’est investi totalement avec courage et abnégation, dans la restauration et l’approfondissement de la Démocratie et de l’Etat de Droit de la personne humaine. Je profite de cette occasion pour présenter au nom de mon Epouse de Souza Chantal, mes condoléances les plus attristées à la famille FOLY, à la République et à tout le Personnel de la « Nouvelle Tribune ». Je souhaite de tout cœur que les chandelles de la liberté de presse et d’expression défendues par l’illustre disparu, icône du journalisme de qualité, soient entretenues pour le bonheur du peuple béninois.
Puisse le Père céleste, le Grand Miséricordieux, accueillir Monsieur Vincent Foly dans sa félicité et sa lumière éternelle.