Déjà quatre ans que Héléna Capo-Chichi se bat contre les violences basées sur le genre à Abomey-Calavi. Pour la Présidente de l’Ong Fnd, les statistiques dévoilées sur les viols sont insignifiantes par rapport à la réalité, du fait de la loi du silence qui persiste. Elle fait des suggestions aux parents.
La Nation : Pourquoi cette recrudescence des cas de viol sur mineures dans la commune d’Abomey-Calavi ?
Héléna Capo-Chichi : L’abondante et fréquente évocation dans les médias et réseaux sociaux de ce phénomène est à comprendre sous l’angle des effets produits par les nombreuses actions de sensibilisation menées par le ministère des Affaires sociales et de la Microfinance à travers les Centres de promotion sociale et la société civile que nous sommes. En effet, notre société, depuis toujours, cache et entretient le fléau sous un grand silence qui laisse croire que le phénomène était rare. Il a toujours existé et les victimes ont appris à vivre avec comme si c’était le prix de leur destin de Femme. Dans les cas flagrants, la société avait ses mesures de punition qui constituaient à corriger l’auteur en présence des sages et à faire des rituels dans les cas incestueux dévoilés pour conjurer le mauvais sort. Le linge sale se lavait en famille donc. Hors de la famille alors, on n’en entendait pas parler.
Ainsi, la société, dans sa volonté de préservation des liens familiaux, ne favorise pas la dénonciation et entretient le fléau qui prend de l’ampleur chaque jour. Ce qui ne permet pas au public de constater la fréquence du fléau. Avec les actions des acteurs multisectoriels, les victimes et les parents prennent peu à peu conscience du danger, de la nécessité de dénoncer et de la prise en charge. L’engagement de l’Ong Fnd dans l’assistance psychosociale, médicale et judiciaire et nos actions de dénonciation des cas enregistrés à travers les médias et les réseaux sociaux ces trois dernières années ont permis aux autorités politiques et à l’opinion publique de constater l’ampleur du fléau dans la commune. Ce qui explique d’une part sa recrudescence constatée. Ces statistiques liées aux cas d’abus sexuels sur mineures dénoncés sont insignifiantes face à la réalité que vivent les filles et les femmes dans notre commune. La situation est très critique.
Que doivent faire davantage les parents et l’État ?
Avec la récurrence du phénomène, les parents doivent briser le tabou relatif au sexe en tenant compte de l’éducation à la santé sexuelle. S’ils ne le font pas, la rue le fera à leur place et à leurs risques et périls : enseigner à l’enfant les différentes parties de son corps y compris les parties intimes que personne absolument, soit-il un parent proche ou ami, n’a le droit de toucher. Il faut inciter les enfants à dénoncer toute personne qui enfreint à cette règle en touchant les parties intimes de leur corps et les prévenir des éventuelles conséquences de ces attouchements. Dans le même temps, il faut interdire aux enfants de recevoir des cadeaux des étrangers ou même des proches en leur absence et leur expliquer pourquoi ils ne doivent pas le faire. Instaurer un climat de complicité et de confiance avec les enfants au-delà de l’amitié est indispensable. Il faut éviter de laisser aussi les répétiteurs seuls avec les filles sans aucune surveillance. Entre autres, il faut se tenir prêt à dénoncer les violences faites à l’enfant et réprimer les coupables. En somme, promouvoir une éducation basée sur l’égalité des sexes constitue le moyen le plus sûr pour éradiquer les violences faites aux filles et aux femmes. La solidarité entre les familles restera aussi un moyen durable de protection. Pour ce qui concerne l’État, il s’agira d’amplifier les actions de prévention des actes de violence à l’égard des filles et des femmes. L’instauration d’un système qualifié de prise en charge psychosociale et d’assistance judiciaire des victimes de Vbg est indispensable. Entre autres, il faut rendre effectivement gratuite la délivrance des certificats médicaux aux survivantes afin de leur garantir l’accès à la prise en charge juridico-judiciaire.