La Commune d’Adjarra dans le département de l’Ouémé est aussi appelée la cité des tambours parce qu’on y fabrique plusieurs types de tam-tams. La confection de ces tam-tams, si elle est exclusivement la chasse gardée d’une seule collectivité, rencontre des difficultés dues à la rareté de la principale matière première qu’est le bois. Ceci, à cause de la lutte contre la déforestation. Adjarra sera-t-elle toujours la cité des tambours ? Difficile de le dire, mais les fabricants de tam-tams s’inquiètent de plus en plus.
Lundi 27 septembre 2021 vers 10h30, le marché Kpétou dans la Commune d’Adjarra s’anime. Tout porte à croire que c’est jour de marché au regard de l’affluence des usagers. Malgré les travaux en cours de la route ceinture d’Adjarra qui quitte le ‘’carrefour relais international’’ jusqu’à Porto-Novo en passant par ce marché, le Collège d’enseignement général de Mèdédjonou, le poste de douane de Mèdédjonou, l’Ecole primaire publique de Gbangnito et le Collège d’enseignement général de Malanhoui, les marchandes et marchands du marché Kpétou tiennent toujours leurs étalages. Au nombre de ces marchands, il y a Samson Kpodozan, sculpteur et vendeur de tam-tam à Adjarra. « Actuellement, le marché ne coule pas comme auparavant, à cause de la maladie qui sévit depuis peu, le coronavirus. Sinon, les touristes comme d’habitude pendant les vacances, viennent visiter le marché des tam-tams ici à Adjarra. Depuis l’apparition du coronavirus, ils ne sont plus venus. C’est la mévente totale… », nous confie-t-il. A la question de savoir si c’est le coronavirus qui est la seule cause de la mévente, Samson Kpodozan persiste. « Entre temps, les Eglises et autres lieux de culte ont été fermées à cause de la pandémie du coronavirus. Or, les Églises sont les principaux consommateurs de nos produits. Les gens ont eu le temps de conserver leurs instruments de musique dont les tam-tams que nous fabriquons », ajoute t-il. Les prix des tam-tams en vente au marché Kpétou à Adjarra varient entre 2000 Fcfa et 300.000Fcfa la pièce voire plus. Selon Samson Kpodozan, les clients trouvent toujours leurs produits chers alors que les efforts fournis pour fabriquer un tam-tam sont énormes. « Par exemple, trouver des troncs d’arbres pour fabriquer les tam-tams relève d’un parcours de combattant. Il nous arrive d’aller au Nigeria pour trouver du bois. Notre seul souci est de pouvoir perpétuer la tradition. La fabrication de tam-tams est un héritage que nos parents nous ont légué. Ici à Adjarra, n’est pas fabricant de tam-tams qui veut. Il faut être de la collectivité familiale Kouakanou », confie Samson Kpodozan.
La crainte de la nouvelle génération de fabricants de tam-tams
Pour rencontrer les fabricants de tam-tams dans leur atelier à Adjarra, il faut se rendre au quartier Aholouko derrière un Centre de santé, le principal de la Commune d’Adjarra. C’est la maison de la collectivité Kouakanou dont plusieurs membres sont destinés à fabriquer les tam-tams. Assis sur un tronc d’arbre, Isac Ahouanvoèkè, parle de la fabrication des tam-tams comme un patrimoine à sauvegarder. « Moi je suis venu au monde voir la fabrication des tam-tams dans ma famille. Nous fabriquons différentes sortes de tam-tams à partir de plusieurs types de bois. Nous fabriquons le ‘’Houngangbo’’, le ‘’Satô’’, le ‘’Sakpatahoun’’ , le ‘’logba’’ pour les adeptes du culte Oro, le ‘’Kpahlouè’’, le ‘’Tobahoun’’, le ‘’Zinlin’’, le ‘’Agbahoun’’ utilisé dans les Eglises et lieux de culte de religions chrétiennes. Nous fabriquons aussi les tam-tams utilisés dans d’autres pays comme le ‘’Djembé’’ du Sénégal, le ‘’Bata’’ et le ‘’gangan’’ du Nigéria pour ne citer que ces types de tam-tams. Pour réaliser tous ces tam-tams, nous utilisons comme matière principal le bois et précisément des troncs des arbres comme ‘’Azintin’’, ‘’Olotin’’ et ‘’Afanlin’’ que l’on retrouve dans les bas-fonds. Mais il est aujourd’hui difficile de trouver ‘’Azintin’’ et ‘’Afanlin’’. Lorsque nous recevons une commande spéciale, nous nous arrangeons pour retrouver ces troncs d’arbres qui deviennent de plus en plus rares. Il nous arrive d’aller jusqu’au Nigeria pour trouver cette matière première principale qu’est le bois. D’après ce que nous avons de nos parents, nos aïeuls n’avaient pas trop de difficultés pour trouver du bois pour la fabrication des tam-tams. Même ici à Adjarra, ils en trouvaient facilement. Aujourd’hui, c’est carrément un parcours de combattant… », confie Isac Ahouanvoèkè. « Auparavant, les tam-tams fabriqués par nos arrière-parents n’étaient pas destinés à la vente. Les tam-tams étaient presqu’exclusivement destinés aux divinités vodoun. Aujourd’hui, même si nous continuons d’en fabriquer pour les divinités vodoun, c’est devenu une activité à but lucratif… », précise Isac Ahoaunvoèkè.
L’inspection forestière sans pitié selon les fabricants
« Les rares fois que nous en trouvons ici au Bénin, il nous faut d’abord la permission des agents des eaux, forêts et chasse qui nous indiquent quels types d’arbres couper. Très souvent, ce ne sont pas des arbres que nous coupons, mais des branches. On nous dit souvent que l’Etat est dans une politique de reboisement et de lutte contre la déforestation. Nous comprenons », nous confie Samson Kpodozan, sculpteur et vendeurs de tam-tams au marché Kpétou. « Nous respectons leurs directives lorsque quelques personnes nous indiquent la possibilité de trouver des troncs d’arbres dans une forêt. Très souvent, nous surprenons les agents des eaux, forêts et chasse saisir du bois chez certains trafiquants », ajoute-t-il. Effectivement à l’Inspection forestière Ouémé-Plateau à Porto-Novo, sont entassés des sacs de charbon de bois, des madriers et surtout des troncs d’arbres coupés. Toutes nos tentatives auprès des responsables de la maison pour comprendre comment ils arrivent à lutter contre la déforestation ou la coupe du bois par les fabricants de tam-tams ont été vaines. Tout ce que l’on a pu retenir d’un agent qui a préféré garder l’anonymat, est que l’Inspection forestière ne dort pas.