Au Bénin, les producteurs ont de plus en plus recours aux légumineuses pour faire face à la dégradation et à l’appauvrissement des sols. Le mucuna est une des solutions prisées pour ses multiples atouts.
A première vue, et pour qui ne connaît pas sa valeur, le mucuna n’est qu’une mauvaise herbe. Mais, c’est une dépréciation qu’Agondo Houelonon ne tolère plus dans son exploitation agricole.
La quarantaine, cette productrice de Kpataba, dans la commune de Savalou, à plus de 230 km de Cotonou, accorde du prix à cette légumineuse qui lui couvre les pieds. « Il ne faut plus dire ça! C’est une richesse », recadre-t-elle, avant de poursuivre :
« Nos aïeux ont eu la chance de trouver de bonnes terres. Aujourd’hui, nous n’avons hérité en grande partie que de terres dégradées. On y produit sans pourtant rentabiliser ». C’est le cas de cet espace où la présence de chiendents montre déjà que c’est une terre appauvrie. C’est face à cette situation qu’on m’a recommandé le mucuna, cette plante qui me soulage. » Forte de ses deux décennies d’expériences agricoles, Agondo Houelonon ne tarit pas d’éloges à l’endroit de cette légumineuse. Elle y place ses espoirs pour la prochaine saison. « Voyez-vous, les chiendents (Imperata cylindrica, ndlr) ont été dominés. Il ne reste que quelques uns que j’arrache à la main. A la prochaine saison, je ne vais plus labourer ni sarcler. Le sol sera toujours humide. Il me suffira de semer du maïs à la première pluie et d’attendre un bon rendement, malgré les poches de sécheresse éventuelles », dit-elle. Et si cette productrice est si confiante, c’est bien parce qu’elle en a déjà fait l’expérience et que ça lui a marché. « A la dernière saison, les pluies ont été absentes pendant un mois après que j’ai mis les semis. Les voisins se plaignaient parce qu’ayant perdu leurs semis. Pendant ce temps, du fait de l’humidité conservée par le mucuna, j’étais soulagée», précise-t-elle.
Une recette séculaire !
Agondo Houelonon n’est pas la seule productrice dans cette localité, au cœur des Collines, à en utiliser. Plusieurs autres producteurs, dont Benoit Hodonou y ont recours. « Avec les variabilités climatiques, la rareté des pluies, cette plante nous aide beaucoup», témoigne-t-il. Cependant, l’utilisation du mucuna dans l’agriculture béninoise n’est pas si récente. Selon une publication de septembre 1997 du Bulletin de recherche agronomique, cette légumineuse a été introduite au Bénin en 1986 par des chercheurs de l’Institut international d’agriculture tropicale (Iita) dans le cadre des approches de solutions aux problèmes de la baisse de fertilité des sols et de la lutte contre l’imperata. Elle est cultivée, souligne l’article scientifique, pour améliorer la fertilité et/ou la structure physique des sols, apporter l’azote nécessaire à la production des céréales, diminuer la population des chiendents à un seuil facilement contrôlable par le producteur, et pour lutter contre l’érosion du sol. « Les producteurs l’utilisent pour les cultures à venir. Le mucuna capte l’azote atmosphérique pour l’incorporer au sol. Ensuite, du fait qu’elle est rampante, cette légumineuse a une valeur ajoutée de plus. Lorsqu’on vous l’a planté, elle couvre la surface du sol. En grandissant, elle étale ses lianes. Les feuilles mortes riches en carbone attirent les micro-organismes, favorisant la restauration du sol. Juste après la culture de cette espèce, il est surtout conseillé de mettre des graminées, c’est-à-dire le maïs, le sorgho, etc. », renseigne Hubert Glin, spécialiste en fertilisation des sols.
Une alternative à vulgariser
En réalité, la dégradation des terres au Bénin se manifeste par une forte expansion des terres agricoles de l’ordre de
5 % depuis 1975, pour compenser la baisse de la productivité par l’accroissement des superficies emblavées de l’ordre de 50 000 ha environ par an. Les producteurs se plaignent dans certaines régions de la dégradation des sols et de la baisse des rendements. Les légumineuses sont alors prisées. « Le mucuna permet de restaurer presque la totalité de la fertilité du sol. Pour sa culture, généralement, cette plante est associée à d’autres cultures. On peut l’utiliser pour la jachère. Les feuillages, en couvrant le sol, favorisent l’humidité. Nous la recommandons dans nos campagnes aux producteurs afin de les aider à améliorer les rendements agricoles », déclare Judicael Bakambamou, agronome, chargé de programme à la start-up Tic-Agro business. Cette plante a bien d’autres vertus au-delà de l’agriculture.