Des bidons vides sur lesquels on peut lire le prix de l’essence (400 F Cfa); parfois une ou deux bouteilles remplies d’essence discrètement posées soit, à même le sol, soit sur des briques (au plus trois) ou tabouret. Des individus hommes, femmes et même enfants, brandissant leur entonnoir de fortune en main le long des voies. Ce sont là, quelques formules magiques trouver par les vendeurs de l’essence frelatée communément appelée «Kpayo» depuis qu’ils ont été sommés de quitter les abords des voies. Exit donc le temps où les étalages de bouteilles et de bidons remplis d’essence y étaient disposés, exposés au regard, discutant même la place avec les passants, créant bien souvent des incendies et pouvant amener l’homme de l’hexagone à les confondre à des bouteilles de vin. Aujourd’hui tout se joue dans les vons, la discrétion, de sorte à ne pas frapper le regard. Depuis le 13 septembre 2020 que l’ultimatum donné aux acteurs de la vente de l’essence de contrebande est arrivé à expiration, même si des poches de résistance sont perceptibles, le constat aujourd’hui, notamment à Cotonou et Abomey-Calavi est que la mayonnaise a pris.
Des trucs comme s’il en pleuvait
Entre être ou ne pas être, ils sont qu’on le veuille ou pas. Dissimilé sous un arbre dans les encablures de l’Université d’Abomey-Calavi, il a pris sur lui le risque d’exposer ses trois bouteilles d’essence de contrebande délicatement posées sur des briques, au bord de la voie. «J’ai posé les bouteilles parterre pour ne pas attirer le regard…Je ne devrais même être ici», confie notre source. Et, même si les recettes ne sont pas celles d’autrefois, le risque vaut la peine d’être pris que de rester en retrait dans une ruelle. Morceau choisi : «La différence est qu’avant, l’étalage était visible et on vendait bien mais là, il faut vraiment que le client soit dans le besoin pour daigner regarder au sol avant de voir la bouteille et s’approvisionner», poursuit-elle. D’un autre côté, modestement dressé dans sa tenue bomba, entonnoir de circonstance en main, rien ne présageait, à cet endroit non loin du carrefour Marina à Cotonou, que des bouteilles d’essence étaient soigneusement dissimulées sous un tissu au bord de la voie. En réalité, il n’y avait que le vendeur, sa cuvette en main faisant office d’étalage. Il faut s’y arrêter et manifester le besoin, pour éventer la mèche. «Dans le von, je ne vends pas comme avant. Les temps sont difficiles donc on se bat comme on peut…», se défend-t-il. A vrai dire, même si les étalages ne sont plus visibles aux abords des voies, les bouteilles, elles, ne sont jamais loin. Pourtant, ailleurs, ça semble marcher. Assis paisiblement devant son étalage dans cette ruelle de Bar Tito, tête baissée, manipulant son portable, Justin a fait le choix de ne pas, comme ses collègues, souffrir le soleil et la pluie en se positionnant telle une pancarte le long de la voie. «Je m’en sors. Ça va», confie-t-il apaisement. Seulement, ce qui est notoire, de Calavi à Cotonou en passant par Godomey, le spectacle est identique. Un spectacle bien orchestré par le duo vendeur et entonnoir en main. Et, à l’arrivée, c’est le puzzle du ‘’Kpayo’’ qui n’a pas fini d’écrire ses pages.