De la boxe au football, en passant par la pétanque et autres disciplines comme le basketball, le handball, le volleyball, on continue de réclamer un mieux-être qui tarde à venir. Enquête.
Boxe béninoise,Une discipline de regrets et de désarroi
La vie quotidienne des boxeurs béninois reste un casse-tête. Souvent sans revenus, surtout en ces temps où la famille du noble art semble être divisée, les boxeurs ne vivent pas de leur art. Georges Boko, 11 fois champion d’Afrique en est un exemple parmi tant d’autres.
Une maison en ruine située dans un bas-fond du quartier Gbèdjromèdé. Quelques photos de la « STAR AFRICAINE » avec sa ceinture de champion d’Afrique dressées sur les murs du salon. C’est ce qui reste à l’ancien champion d’Afrique de boxe, le Béninois Georges Boko. Surnommé « Roi des K.O », il a été 11 fois Champion d’Afrique des 72 Kg. Mais aujourd’hui, il dit n’avoir rien tiré de ses sacres. Le « Roi des Ko », c’est un souvenir amer.
«11 fois champion d’Afrique. Vous vous imaginez ? », lance-t-il, amer. Et aujourd’hui, c’est l’état dans lequel je me trouve». Et d’ajouter : « je n’encourage même plus quelqu’un à pratiquer cette discipline, car elle ne rapporte rien au Bénin ». Georges Boko a démarré la boxe à l’âge de 6 ans grâce à son feu père qui fut aussi boxeur. Il a gagné ses premières bourses en tant que champion « au temps du président Nicéphore Dieudonné Soglo », se rappelle-t-il encore. Cette bourse était de 42.000 f Cfa le mois et se renouvelait à chaque fois qu’il parvenait à conserver son titre. Mais, avec l’arrivée au pouvoir du général Mathieu Kérékou, le champion s’est vu suspendre ce petit pécule.
Et depuis, c’est le calvaire. «Je vivais essentiellement de cet argent, puisque je n’avais plus d’autre métier que la boxe », dit-il. Et il fond en larmes. Ce manque de soutien des autorités béninoises, le « Roi des K.O l’avait expérimenté depuis qu’il a décidé de porter les gants. « J’ai participé en 1985 aux jeux olympiques de Los Angeles. C’est un oncle Joseph Sossou qui habitait en France, qui m’a donné 100 francs français pour que j’aille faire un stage à Paris avant l’échéance. Personne n’est venu nous accueillir à l’aéroport de Paris puisque l’ambassadeur du Bénin près la France d’alors avait décliné cette responsabilité. Ce n’est que tard dans la soirée qu’une équipe envoyée par l’ambassade est venue à notre secours », affirme-t-il. A ces jeux de Los Angeles, il s’est arrêté en quart de finale avec comme prime de participation 300 dollars Us.
Quel avenir pour les boxeurs béninois ?Georges Bocco1
« Ailleurs, les champions ont une certaine valeur dans leur pays. Mais ici, on ne connait que le football », affirme le boxeur qui prie pour que ses successeurs ne connaissent pas le même sort que lui. Le boxeur a-t-il besoin de milliards pour ramener une ceinture dans son pays ? Le constat fait est que des athlètes ont tout donné pour leur pays mais n’ont bénéficié d’aucune reconnaissance de la part des dirigeants. Aucun d’eux ne peut aujourd’hui lever son petit doigt pour témoigner des bienfaits que lui a apporté la boxe au Bénin. Combien parmi eux vivent de manière décente avec leurs familles, une voiture et de quoi être fier de leurs titres ? Au Bénin, certains champions de boxe sont à moto et d’autres à pied, dormant dans des taudis et rangés au placard comme de vieux objets. Georges Boko n’oubliera pas de si tôt son compagnon Aristide Sagbo dit Sowéto. «A chaque fin de match, on voyait Sowéto quémander dans les rues, à Jonquet ou même au Port parce qu’il combattait pour rien et ne recevait pas grand-chose comme prime », déclare l’ancien champion. Aucun suivi des athlètes, pas de prime, aucune bourse pour leur permettre de perfectionner leurs talents, aucune lueur d’espoir pour les boxeurs Béninois. Au Bénin, la boxe ne nourrit pas son homme, a-t-on envie de dire.
Le triste paradoxe de la vie des boxeurs béninois
En nous intéressant à la vie des boxeurs au Bénin, un bilan des primes a été fait lors d’un entretien avec Fulbert Sodjinou alias ‘’John Bri’’, boxeur béninois, double champion d’Afrique en 2008, 2010 et champion du Bénin en 1999 dans la catégorie des poids moyens.
Fulbert Sodjinou est entré dans la boxe pour se défendre de ses copains. Aujourd’hui formateur de la discipline au Bénin, chef sécurité dans une agence de Cotonou, le boxeur remercie le président de la République grâce à qui, il a été Champion d’Afrique lors d’un championnat évalué à près de 47 millions de FCFA. Il nous donne une idée des primes, salaires et du mode de gestion de la boxe il y a encore quelques années. « Quand nous étions amateurs, on disait que la boxe ne marchait pas. Sous Tankpinou, ancien président de la Fédération béninoise de Boxe, c’était mieux, mais aujourd’hui, tout est politisé, » affirme-t-il. Au titre de champion d’Afrique, l’Etat béninois octroyait une bourse d’environ 42.000 FCFA par mois au boxeur. Cette somme est passée à 70.000 FCFA payable chaque 3 ou 6 mois. « Moi, dit Fulbert, je ne l’ai reçu que deux fois et depuis mon dernier titre en 2010, je ne perçois plus rien. Dans les autres pays, les champions d’Afrique sont mieux traités », renchérit-il. « Pour un combat au Bénin, tu peux être payé à 80.000 FCFA ou à la rigueur 120.000 FCFA et pour le championnat d’Afrique, c’est à 300.000 FCFA alors qu’à Accra, par exemple, le combat est à 3.000.000 voire 3.500.000 FCFA.
La surprise est que si, toi boxeur Béninois, tu arrives à battre un boxeur Ghanéen dans son pays, les dirigeants de la discipline du pays hôte vont te primer. Ce qui ne se fait pas ici. Tu fais ton combat, tu gagnes, on te paie soit sur le champ ou sur rendez-vous reporté et le lendemain, on t’oublie », confie l’ancien boxeur qui ne cache plus sa décision de raccrocher les gants. « Moi, je ne pourrai plus boxer, mais je lutte pour l’émergence de la boxe et pour sa survie. Depuis des années, je n’ai rien reçu comme prime de champion d’Afrique et maintenant que l’Etat investit 50.000.000 FCFA pour l’organisation du championnat de boxe, une seule personne s’en accapare. C’est révoltant et nous disons NON à cette pratique ». Mais, il oublie de dire que les managers retirent 35% des primes reçues par ces champions à la fin de leurs combats.
L’aide-maçon gagne mieux sa vie
« Il faut que l’Etat pense aux champions d’Afrique de boxe, notamment Georges Boko et Nazaire Padonou. Même avec 40.000 FCFA par mois, ces hommes peuvent être fiers de leurs titres. Georges avec 11 titres africains et Nazaire 07 titres représentent des icônes de la boxe au Bénin. Mais, ils n’inspirent plus les jeunes boxeurs à cause de leurs conditions de vie », se désole ‘’John Bri’’.