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Edito: L’hôpital public en ruine

Publié le lundi 25 octobre 2021  |  L`événement Précis
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© Autre presse par DR
Santé / L’hôpital de zone d’Allada transformé en centre de traitement des patients du Covid-19
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C’était en décembre 2020. Alerté par mon jeune frère, je me rends à l’hôpital du camp Ghézo où sa femme enceinte a été admise depuis quelques jours. Sur place, premier constat : le bébé n’est plus. Deuxième constat : la mère elle-même est entre la vie et la mort. Sur le lit d’hospitalisation, elle vient à peine d’ouvrir les yeux et demande déjà à voir son enfant. Nous nous étions arrangés pour enterrer le corps tôt le matin et il était hors de question de lui annoncer la mauvaise nouvelle alors que son état était encore critique. On s’affaire autour d’elle, on invente des subterfuges pour détourner son attention, avec le concours de sa propre mère rapidement descendue du village. Le lendemain, en présence de mon frère qui se démenait dans tous les sens pour payer les ordonnances, c’est le directeur lui-même qui réunit son staff pour s’interroger sur le drame en cours. « C’est de l’incompétence notoire, de la médiocrité sans nom », dit-il à mon frère devant gynécologue, chirurgien et sage-femme. Il présente ses excuses et demande à mon frère de prendre son courage d’homme pour supporter le drame. Le bébé était un gros garçon, plus de 3 kg, suivi sans anicroches par les spécialistes de cette même maternité du début jusqu’à la fin. Seulement, quand la parturiente se présente quelques jours avant le terme de sa grossesse et tel que recommandé lors de la dernière échographie, il s’est trouvé des esprits maléfiques pour lui diagnostiquer…le palu. Et c’est à force de traiter le palu que le bébé qui se débattait, a déchiré le placenta pour se retrouver dans le ventre vide de sa mère. Je vous laisse imaginer la détresse, la douleur, les dépenses, le drame.
Près d’un an plus tard, ma belle-sœur se porte mieux. Mais non sans avoir traversé plusieurs épisodes de perte de conscience. Parce que le chirurgien lui-même, après avoir enlevé le bébé, s’est contenté de refermer le ventre de la parturiente, sans prendre la peine de nettoyer le liquide amniotique qui y était. Et quelques jours plus tard, il fallait repartir à l’hôpital. Cette fois-ci, nous avions été bien obligé de fuir cet hôpital public devenu un mouroir.
Depuis lors, je me posais mille et une questions sur l’état de nos hôpitaux publics. Oui, il y a parmi ces personnels soignants des professionnels rompus à la tâche. J’ai été personnellement pris en charge par quelques-uns qui ont été exemplaires. A la décharge de ceux qui commettent des crimes, on peut exhiber le rapport rendu public la semaine dernière par l’ONG Bénin Diaspora Assistance, à la suite d’une enquête menée en avril-juillet dernier dans nos centres de soin. Pour tout dire, la pénurie de personnel y est criarde et le plateau technique laisse à désirer. La mort rôde dans nos hôpitaux, non pas forcément du fait de la mauvaise volonté des soignants, mais souvent parce que l’Etat manque de faire le minimum. Bien sûr, dès que nos dirigeants toussent, ils bénéficient des meilleures conditions d’évacuation sanitaire vers l’étranger. Ce que l’ONG Bénin-Diaspora Assistance nous apprend, c’est que la fermeture des cliniques privées a créé l’engorgement des hôpitaux. Sans recrutement conséquent ni amélioration subséquente du plateau technique, ces centres de soin végètent désormais dans une situation critique.
Mais disons la vérité. Tout ne relève pas de la responsabilité du gouvernement. Ce que j’ai vécu en décembre dernier constitue un énième exemple de la crise professionnelle que traversent nos personnels soignants dans les centres de santé publics. Elle se manifeste par une série de négligences inhumaines et un refus délibéré du service, face à la souffrance des patients. Les victimes se comptent par centaines. Malheureusement, dans notre contexte socio-culturel marqué par la prégnance du religieux, on s’en remet à la volonté divine pour dédouaner ceux qui font le mal. Très peu de cas se terminent devant les tribunaux, compte tenu de la détresse des familles qui ne se remettent que difficilement des drames qu’elles subissent. Demander des explications ou même exiger réparation reste encore des exceptions. Peu de gens comprennent qu’il faut demander des comptes à ceux qui ont entrainé la perte des leurs.
Dans cette combinaison de défaitisme et de démission de l’État, que faire ? Si vous avez de l’argent, allez dans un privé sérieux. Si vous n’avez pas d’argent, votre vigilance sera votre salut.

Par Olivier ALLOCHEME
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