Par une correspondance en date du 20 août 2013, Monsieur M. David Gandonou, Commissaire de Police de 1ère classe, chargé du Commissariat de Police de Dogbo a saisi l’Odem d’une plainte contre le journal « Les 4 Vérités », pour « diffamation par voie de presse ».
LES FAITS
Dans sa parution n° 361 du lundi 19 août 2013, le journal « Les 4 Vérités » a publié un article intitulé : « Commissariat de Dogbo/ Couffo les populations décrient le commissaire David Gandonou (Le Dgpn Houndégnon pourra-t-il rappeler à l’ordre son collaborateur ? »
En page intérieure du journal, il est écrit sous la plume de Armelle C. Chabi : « Le Directeur général de la Police nationale, Louis Philipe Houndégnon est interpellé. Les populations de la localité de Dogbo dans le département du Couffo attirent son attention sur la manière dont l’un de ses représentants, le commissaire David Gandonou gère le commissariat dans cette région.
L’arrestation du sieur Julien Tossou par le commissaire Gandonou ce jeudi en pleine fête à la maison des jeunes de Dogbo est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Selon des témoins, la victime a été invitée par le Maire de Dogbo à prendre part à la 18ème édition de la fête des Dogbotowo. Le Commissaire Gandonou devenu tout puissant à Dogbo aidé de ses éléments a mis la main sur l’intéressé qu’il voulait menotter, n’eut été l’intervention du chef brigade de Dogbo qui l’a dissuadé. Pour une affaire de litige domanial, le commissaire a procédé à l’arrestation d’un acquéreur de parcelle (M. Tossou Julien) et l’un des témoins du vendeur. A la question de savoir le pourquoi, le commissaire affirme avoir arrêté les deux messieurs parce que leur responsabilité pénale serait engagée. Mais ce qui étonne plus d’un, le commissaire reconnait avoir pris 10 000 fcfa chez le vendeur de la parcelle sise non loin de l’école primaire publique du village de Adandro Akodé. Pour quoi faire ? Le commissaire affirme avoir effectué le déplacement pour vérifier les dimensions de la parcelle… »
Plus loin, le journal écrit : « …Pourtant selon les héritiers du propriétaire terrien, la parcelle querellée (un carré de 30 mètres sur 30) n’a pas été vendue à Nicaise Sossoukpè mais plutôt à Tossou Julien en 2008. Il y a quelques semaines le commissaire a convoqué à Dogbo les protagonistes. Si Tossou et les héritiers ainsi que leurs témoins se sont présentés, le plaignant ne s’est pas présenté. Il y a quelques jours le dossier aurait été remis sur tapis. Le commissaire Gandonou affirme être celui qui a demandé au plaignant de reprendre le dossier. Sans autre procédure, le commissaire procède à l’arrestation de l’acquéreur au cours d’une fête et le dépose au violon. Les populations ont décrié cette manière de faire…. »
Dans sa plainte, le commissaire David Gandonou expose : « un certain Sossoukpe Nicaise, originaire de Dogbo et résidant à Cotonou, a saisi le commissariat de Police de la localité de Dogbo, à travers une lettre-plainte, le 12 septembre 2012, pour litige domanial qui l’oppose à Tossou Zontodji Julien, l’acheteur, Adjalla K. Agbo et Adjalla Félix, frères germains, revendeurs. En effet, le plaignant a acquis une parcelle en 1991 du sieur Lawson Cosme, ex Directeur de l’Ecole Primaire Publique de son village Adandro-Akode. En 2008, les vendeurs ci-dessus cités, sont allés revendre une partie de la parcelle à Tossou Zontodji Julien. Cela peut bien se passer, mais ce qui est mal c’est que les frères germains revendeurs, n’ont aucune pièce justificative et prouvant leur droit de propriété sur la portion qu’ils revendent à Tossou Z. Julien. Or, au moment de l’opération de la vente, ce dernier a été bien informé de l’occupation déjà du domaine sur lequel ils se trouvaient. Cependant il a accepté l’achat que lui ont proposé les revendeurs… »
Conformément à l’article 16 de son Règlement intérieur, l’ODEM a saisi le Directeur de Publication du journal « Les 4 Vérités », afin qu’il apporte les preuves de ses écrits. Dans sa réponse à l’ODEM en date du 02 septembre 2013 accompagnée de pièces jointes (deux déclarations décriant le Commissaire et portant des signatures et numéros de téléphones de personnes nommément désignées), le Directeur de Publication du journal « Les 4 Vérités » soutient : « …Monsieur le Président, notre article fait suite à la plainte des populations (notables, sages et jeunes) de quatre arrondissements de la commune de Dogbo (voir pièces jointes) adressée au Maire de ladite commune et au Directeur général de la Police nationale. Ces plaintes respectivement en date du 15 août pour la première et 17 août pour la seconde sont la résultante d’une série de faits que ces populations désapprouvent. Elles ne comprennent pas les agissements du commissaire de la localité de Dogbo. Témoin de la suite de l’arrestation du sieur Julien Tossou dans la même journée du jeudi 15 août 2013, nous avons alors pris le soin de nous rapprocher de certains témoins puis du commissaire de la localité de Dogbo, David Gandonou pour vérification des faits dans la soirée du jeudi 15 août 2013.
Au commissariat de la localité de Dogbo, le commissaire nous a opposé un refus catégorique et congédié sans autre mesure. Pourtant nous nous sommes présentés à lui en tant que journaliste et neveu à M. Tossou Julien. Econduit, nous avons alors rebroussé chemin… »
Par ailleurs, le Directeur de Publication développe : « … entre temps, nous avons pu personnellement rencontrer dans la nuit du jeudi 15 au vendredi 16 août, le vendeur de la parcelle litigieuse Félix Adjalla à son domicile à Dogbo-tota. Ce dernier, héritier, nous a fait comprendre qu’il a vraiment vendu une parcelle de 30 mètres sur 30 qu’il a héritée de son père défunt Adjalla Kingbo à Tossou Julien. Monsieur Adjalla nous a aussi exposé le déplacement du commissaire Gandonou sur la parcelle avec un géomètre commis par le plaignant Nicaise Sossoukpè, selon ses propos… »
L’ODEM a transmis, conformément à ses textes, les éléments de réponse du Directeur de Publication du journal « Les 4 Vérités » au commissaire David Gandonou, qui a répondu par courrier en date du 10 septembre 2013. Ce dernier a apporté d’autres éléments d’appréciation pour soutenir la diffamation dont il estime être l’objet de la part du journal « Les 4 Vérités »
Par ailleurs, l’ODEM a convié les deux protagonistes à son siège le 16 octobre 2013 pour une audition. Mais seul le commissaire a fait le déplacement, le Directeur de publication du quotidien « Les 4 Vérités », Blaise Tossou, ayant signalé à l’ODEM son indisponibilité du fait d’un voyage à l’étranger. Le commissaire dans son intervention, a fait l’exposé des faits comme indiqué dans sa plainte. Il a ensuite expliqué que ce dont l’accuse le journaliste n’était pas fondé car selon lui, dès que le dossier est transmis au tribunal, les interventions du commissariat sont subordonnées aux instructions du procureur. Il a déclaré que c’est suite à son incapacité de surseoir à l’instruction de la plainte que des pressions lui parvenaient de toutes parts.
C’est suite à la présentation de l’inculpé au procureur que le journal ‘’Les 4 Vérités’’ aurait publié l’article. Pour justifier le mal fondé de ces accusations, le Commissaire a produit un procès-verbal de sommation interpellative des témoins. Il en ressort que les personnes qui auraient témoigné contre lui, ont nié l’authenticité de leurs signatures. Et que ces écrits portent des signatures autres que celles figurant sur les copies de pièces d’identité des personnes concernées. Le commissaire signale qu’entre-temps, ces documents auraient été envoyés à la Direction générale de la Police dans le but de lui nuire. Le Commissaire a enfin déclaré avoir subi beaucoup de dommages tant sur le plan national que sur le plan international.
Le 13 novembre 2013 le Directeur de publication du journal ‘’Les 4 Vérités’’ a été reçu par l’Odem. Il a affirmé avoir été plusieurs fois renvoyé du commissariat par le Commissaire GANDONOU, alors qu’il était à la recherche d’informations sur le sujet. C’est dans cette foulée qu’il aurait publié ses écrits suivant les informations qu’il détenait.
Le directeur de Publication reconnaît, par ailleurs, que l’authenticité des documents qu’il a exploités n’est pas établie et n’a pu expliquer pourquoi, devant l’huissier, les personnes interrogées ont déclaré n’avoir jamais signé une déclaration.
APPRECIATION
A l’analyse de ces publications, l’ODEM constate que :
Le journal ‘’Les 4 Vérités’’ n’a pas mené comme cela se doit la démarche du contradictoire.
Le journal a publié un article portant atteinte à l’honorabilité et à la crédibilité d’un agent assermenté.
DE LA DECISION
Par ces motifs, l’ODEM condamne le journal « Les 4 Vérités » ainsi que son Directeur de publication Monsieur Blaise TOSSOU, pour violation des articles suivants du Code de déontologie de la presse béninoise :
Article 2 : « Le journaliste publie uniquement les informations dont l’origine, la véracité et l’exactitude sont établies.
Le moindre doute l’oblige à s’abstenir ou à émettre les réserves nécessaires dans les formes professionnelles requises.
Le traitement des informations susceptibles de mettre en péril la société, requiert du journaliste, une grande rigueur professionnelle et, au besoin, une certaine circonspection. »
Article 6 alinéa 1 : « Le journaliste s’interdit le plagiat, la calomnie, la diffamation, l’injure et les accusations sans fondement ».