Le Président Boni Yayi et son gouvernement ont fait leur choix. Face aux grognes des travailleurs, ils ont choisi de garder le silence. Dans l’opinion publique, cette option ne manque pas de susciter des commentaires. Pour les uns et les autres, ce choix est suicidaire et ne reflète pas l’image que le Chef de l’Etat s’évertue à projeter dans l’opinion publique : l’image d’un Chef qui se bat pour son peuple, l’image d’un Chef qui aime son pays. Loin s’en faut, est-on tenté de dire.
Le Bénin a touché le fond. Le changement tant prôné par Dr Boni Yayi n’est toujours pas au rendez-vous. Selon certains analystes, l’heure est bien grave avec les tensions politiques qui s’enchaînent. « Tout peut arriver à tout moment si on ne fait pas attention », prophétisent-ils d’ailleurs. Et ceci n’est pas faux lorsque l’on observe ce qui se passe sur le front social. Aucun secteur clé n’est épargné. Dans le domaine de l’éducation, des sources indiquent que c’est le calme avant la tempête. Mais dans les secteurs de la santé et de la justice, ce n’est pas pour demain la fin.
Parlant du secteur de la justice. Il faut rappeler que les hostilités durent déjà des mois sans qu’une issue durable à la crise ne soit trouvée. Pour mémoire, c’est depuis le mois de janvier 2012 que les magistrats, réunis au sein de l’Union nationale des magistrats du Bénin, ont déclenché les hostilités en réponse à une déclaration faite le 8 décembre 2011 par Me Marie-Elise Gbèdo, à l’époque Garde des Sceaux, ministre de la justice. Aujourd’hui, ce mouvement a connu d’autres dimensions. Non seulement l’Unamab réclame la correction des affectations qu’elle juge arbitraires, opérées par Me Marie-Elise Gbèdo et intervenues sous l’ex ministre Mme Réckya Madougou, mais aussi et surtout Michel Adjaka et ses syndiqués exigent beaucoup plus de liberté.
Allusion faite à la persécution subie par le juge Angelo Houssou qui a rendu une ordonnance de non-lieu général dans les affaires liées à la supposée tentative d’empoisonnement du Président Boni Yayi et à une présumée tentative de coup d’Etat contre son régime. Depuis, le mouvement s’est radicalisé et les premiers qui en subissent les pots cassés, ce sont les justiciables et les usagers de la maison justice.
Selon les dernières informations qui sont agitées, les Cours d’appel de Parakou et d’Abomey ne pourront plus organiser les audiences des Cours d’Assises devant permettre de statuer sur les cas des milliers de prisonniers qui croupissent en prison depuis des années.
Dans le secteur de la santé, la situation n’est pas plus reluisante avec le mouvement de grève déclenché par le Collectif des praticiens hospitaliers du Bénin. Ces acteurs du secteur de la santé, qui ont fait de longues études après le Bac (Bac + 11 ans au minimum), réclament depuis 2008 de meilleures conditions de travail et de vie. Un accord avait été trouvé. Mais depuis 2008, cet accord rencontre des difficultés dans son application.
Et c’est donc en désespoir de cause que ces praticiens hospitaliers ont décidé d’observer un arrêt de travail. De 48 heures, ce mouvement de grève est passé progressivement à 72 heures, puis 96 heures aujourd’hui, sans service minimum. Les conséquences sont là. Des décès sont enregistrés tous les jours dans les hôpitaux publics à cause de l’absence au poste de ces praticiens hospitaliers qui crient haut et fort qu’eux-mêmes sont en danger et que le gouvernement refuse de les assister.
Non-assistance à personne en danger
Magistrats et Praticiens hospitaliers sont accusés de non-assistance à personne en danger par des opinions proches du gouvernement. Cela ne pouvait d’ailleurs en être autrement. Mais lorsque l’on pousse loin les analyses, on constate tout simplement que c’est plutôt le Président Boni Yayi et les membres de son gouvernement concernés par ces mouvements de protestation qu’on devrait d’abord accuser de non-assistance à personne en danger.
Et pour cause ! C’est le gouvernement qui a rompu de façon unilatérale le dialogue social et a choisi d’adopter une attitude suicidaire : le silence. Ce que réclament les praticiens hospitaliers ne fait pas un milliard de F Cfa par an pour bien soigner les malades qu’on leur réfère. Mais au lieu de les écouter, on décrète la mise en œuvre du Régime d’Assurance Maladie Universel (RAMU). Quel RAMU peut-on réussir avec des hôpitaux sans praticiens hospitaliers ? Dorothée Akoko Kindé Gazard, qui elle-même est du corps des praticiens hospitaliers, sait que cela n’est pas possible. Et pourquoi s’obstine-t-elle alors à foncer droit dans le mur ? La question mérite en tout cas d’être posée.
L’autre question qui mérite d’être posée se situe au niveau de la justice. Quel investisseur étranger acceptera de poser sa valise dans un pays où les magistrats sont constamment en grève pour des revendications qui sont pourtant sans incidence financière pour l’Etat ?
Il urge en tout cas de renouer avec le dialogue social pour éviter que le pire ne survienne. En tout cas, l’avenir du Bénin, dont l’image a déjà reçu jusque-là trop de coups, en dépend.
Affissou Anonrin