C’est fait, les 26 œuvres, trésors du Bénin, pillés par la France à l’époque coloniale, et conservés par la France depuis plus de 130 ans sont en route pour leur retour au bercail. Un exploit réalisé par Patrice Talon au-delà des nombreuses promesses non tenues. Seulement, 26 œuvres sur les 3000 recensées, le Bénin semble être encore très loin du compte dans le processus de restitution et il importe donc de poursuivre la dynamique.
C’est au cours d’une cérémonie chargée de symbolique, organisée au musée du Quai Branly, que le président de la République française, Emmanuel Macron, a officialisé le retour de 26 œuvres béninoises dans leur pays. Ces 26 œuvres d’art du Bénin étaient exposées du mardi 26 octobre 2021 au dimanche 31 octobre 2021 au musée du Quai Branly à Paris. Emmanuel Macron a inauguré cette exposition qui vient confirmer l’acte de transfert des œuvres qui sera signé le 9 novembre prochain à l’Élysée, où le président béninois rencontrera son homologue français pour entériner ce transfert.
Selon les explications du ministre béninois de la culture reçu par TV5 Monde Afrique, la demande de restitution des œuvres avait été adressée en août 2016 au gouvernement précédant celui d’Emmanuel Macron, qui avait opposé une fin de non-recevoir à la demande béninoise qui date d’août 2016. Il a fallu donc, à en croire Jean-Michel Abimbola, l’arrivée aux affaires de l’actuel président français et surtout, insiste-t-il, « le fait que le gouvernement du Bénin était déterminé à mettre en œuvre son programme d’action pour qu’effectivement cela soit désormais possible ». Promesse du début du quinquennat, Emmanuel Macron avait affiché sa volonté de restituer à tout le continent africain, les œuvres d’art aujourd’hui conservées en France. « Toute jeunesse a besoin de s’approprier l’histoire de son pays pour mieux bâtir son futur, d’en reconnaître la puissance, mais aussi les mystères », avait-il souligné. Une volonté manifestée dans son discours de fin 2017 à Ouagadougou, et surtout après la remise du rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain, publié en 2018 par Bénédicte Savoy, du Collège de France, professeure d’histoire de l’art à l’Université technique de Berlin, co-autrice avec l’écrivain sénégalais Felwine Sarr. Pour cette restitution, il a fallu une loi spécifique qui a été votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale : la loi n° 2020-1673 relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal, promulguée jeudi 24 décembre 2020 par le Président de la République française.
Un courage politique
La restitution des œuvres d’art au Bénin par la France est la suite logique d’un long et très complexe processus. Un motif de satisfaction pour le ministre, Jean-Michel Abimbola : « C’est un moment historique parce que c’est une première qu’il y ait une telle coopération entre deux pays dans le cadre d’une coopération muséale et patrimoniale qui mettent en place un programme pour pouvoir impulser un nouveau développement à un pays comme le nôtre », s’est-il exclamé. Il a salué le courage du président Macron mais aussi la détermination du président béninois à obtenir au profit du Bénin et de l’Afrique « la possibilité de révéler l’Afrique, de révéler l’histoire de l’Afrique, de révéler l’art et la culture d’Afrique ». Pour le ministre, la culture et le patrimoine sont au cœur du programme de développement du Bénin après l’agriculture. Cependant, reconnaît-il, les 26 œuvres sont largement en deçà de ce qui est possible et le Bénin reste dans une logique de coopération, dans un partenariat bilatéral en collaboration avec les techniciens français et spécialistes du patrimoine des musées pour que le processus de restitution puisse se poursuivre.
Un vaste programme d’accueil et de promotion
D’après le ministre, le Bénin n’est nullement dans une logique de revendication des œuvres pour un stockage ou pour une exposition à la poussière et aux dégradations. Tout un vaste programme a été mis en route, en matière de culture, du patrimoine et du tourisme avec à la clé, l’investissement d’une somme d’un milliard d’euros. Il est donc prévu à cet effet, la construction de 4 musées. Le Musée international de la mémoire et de l’esclavage (Mime) de Ouidah par lequel transiteront les œuvres dans un premier temps est en entièrement achevé, selon les propos du ministre. A Abomey, le Musée de l’épopée des amazones et des rois du Danxomé, sera construit au bout de 3 ans, pour accueillir les œuvres après l’étape de Ouidah. Porto-Novo accueille pour sa part, le musée du vodoun qui permettra de recontextualiser le vodoun, et de mieux le faire connaître dans toutes ses composantes et la 4e infrastructure muséale annoncée par Jean-Michel Abimbola, est le musée national des arts contemporains.
Selon le programme annoncé par le ministre, de retour de la France, le 26 œuvres (portes en bois sculpté, trônes royaux, statues…) seront acheminées jusqu’à la capitale économique du pays, Cotonou, et après un temps d’acclimatation, feront l’objet d’une exposition à partir de mi-janvier à la présidence de la République à Cotonou, pour leur nationalisation en vue de leur intégration dans le patrimoine national. Ce symbole de la présidence affirme-t-il, permettra à chaque béninois et aux visiteurs étrangers, de se rendre compte de l’effectivité du retour des œuvres, avant d’aller dans trois ou quatre mois après à Ouidah, pour être retournées 3 ans plus tard à Abomey.
Faire un peu plus
Le retour des 26 œuvres fait jaser depuis peu et occupe toute l’actualité du pays. C’est un effort du gouvernement avec à sa tête le président Patrice Talon qu’il faut saluer. Le chef de l’État y a cru et est allé jusqu’au bout pendant que la plupart de ses compatriotes en étaient pessimistes. Il faut également reconnaître et saluer la flexibilité du Président Macron dans le processus, puisque la première demande en date de 2016 n’avait pas prospéré. Macron a tenu parole à partir des promesses faites à Ouagadougou en 2017. Seulement 26 œuvres sur les plus de 3000 recensées pour le Bénin et 70 000 pour l’Afrique, c’est un début, mais il faut aussi reconnaître que cela est très insignifiant. Il y a donc nécessité de poursuivre la dynamique en vue de permettre à l’Afrique comme le signifie le ministre béninois « de se réapproprier son histoire, se réapproprier son patrimoine et surtout à la jeunesse africaine de pouvoir réaliser cette culture et de pouvoir mieux contribuer aussi bien au développement du Bénin, que du continent ».