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Venant Célestin Quenum sur la situation des indigents dans les hôpitaux: Bientôt, plus de patients “gardés” pour non-paiement de frais de soins

Publié le vendredi 5 novembre 2021  |  Matin libre
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© Autre presse par DR
Venant Célestin Quenum, Directeur général de l’Agence nationale de protection sociale (Anps)
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Les patients indigents souffrent le martyr dans les hôpitaux publics. Souvent retenus pour non-paiement des frais de soins, certains n’hésitent pas à s’évader du centre de santé. Toute chose qui démontre que l’accès des plus démunis aux soins et services de santé demeure une préoccupation majeure au Bénin malgré le Projet Assurance pour le renforcement du capital humain (Arch) en cours de généralisation. Dans un entretien exclusif accordé à votre journal, Venant Célestin Quenum, Directeur général de l’Agence nationale de protection sociale (Anps) et coordonnateur du projet Arch, a rassuré que d’ici janvier 2022, il ne devrait plus avoir de patients gardés pour non-paiement de facture de soins. Lire l’interview!



Malgré les initiatives et programmes mis en place par le gouvernement béninois pour faciliter l’accès des plus démunis aux soins de santé dont le Projet Assurance pour le renforcement du capital humain (Arch), la réalité est toute autre dans nos hôpitaux. Des patients indigents sont toujours gardés pour non-paiement de frais de soins. Comment expliquez-vous cela?

Pour la situation des indigents dans nos centres de santé, il y a deux situations qui pourraient se présenter. Il y a ceux qui ont probablement été recensés et qui ont leur carte d’identité nationale biométrique avec assurance maladie incorporée. Ceux-là normalement, ne doivent plus avoir de problèmes de non-paiement de leurs factures puisque l’Agence nationale de protection sociale prendra en charge, le paiement de leurs factures. La deuxième situation est relative aux gens, peut-être en situation de pauvreté mais pas de pauvreté extrême qui, conformément aux dispositions du gouvernement, seraient appelés à souscrire à une assurance maladie mais avec une subvention de l’Etat. Ceux-là également, nous les avons identifiés. On les a dans notre base de données. Bientôt en janvier 2022 où le gouvernement a rendu l’assurance maladie obligatoire, conformément à la loi votée en février 2021, ils seront amenés à venir souscrire à une assurance maladie subventionnée. Par conséquent, quand ils se rendront dans les centres de santé pour les maladies du panier de soins du paludisme, grossesses et autres, ils seront totalement couverts. L’hospitalisation est prise en charge, les médicaments sont pris en charge, les analyses sont prises en charge pour tous ceux-là. Le reste de la population qui ne figure pas parmi les pauvres serait appelé à souscrire par eux-mêmes, leur assurance-maladie. Donc, d’ici janvier, on devrait venir à bout de cette situation de personnes retenues dans les centres de santé pour non-paiement de leurs factures de soins. Soit, on les retrouvera dans la catégorie des pauvres et ils vont d’office bénéficier des subventions de l’Etat ou soit c’est des non pauvres qui doivent souscrire par eux-mêmes à l’assurance-maladie.

L’assurance maladie ne coutera pas grand-chose pour ceux-là. Il suffit seulement de souscrire à son assurance maladie pour éviter de tomber dans des dépenses catastrophiques quand on se retrouve malade.

Monsieur le Directeur général de l’Anps, dites-nous, combien faudra-t-il débourser pour souscrire à ladite assurance-maladie?

Aujourd’hui, je ne pourrai vous dire le prix parce que nous sommes dans une phase pilote où on a testé le prix et il reviendra au gouvernement de valider ce prix qui sera proposé. Mais rassurez-vous, c’est sans commune mesure avec tout ce qui se fait en termes de primes d’assurance-maladie dans le pays et avec les assureurs privés. Le prix qui sera proposé aux béninois fera même concurrence avec tous les prix qui sont indicatifs dans la sous-région.

Dans le processus d’enrôlement des bénéficiaires du projet Arch, avez-vous pensé aux indigents gardés ou séquestrés dans les hôpitaux ?

Il pourrait toujours en avoir parce que parfois, il y a des gens qui le font de mauvaise foi. Nous avons pensé à un dispositif qui nous permettra de contourner un peu la situation. Les gens une fois arrivé à l’hôpital se déclare comme indigents mais qui, en réalité dans leur milieu de vie ne sont pas du tout en situation d’indigence. Donc, il y a ceux qui sont de mauvaise foi, ceux qui veulent profiter d’un système sans en payer le prix. Ce n’est pas bien, il nous faut trouver un mécanisme.

Bientôt, l’assurance maladie sera obligatoire et ils doivent prendre en charge leur assurance maladie pour éviter de tomber dans ces situations. Lorsque vous souscrivez à une assurance maladie, vous vous rendez la vie plus facile et vous n’aurez pas à subir les dépenses des maladies qui vous ruinent. C’est ce qu’ils craignent parfois. Quand la personne a le juste nécessaire pour vivre et que des dépenses liées à une césarienne s’imposent, il fait l’arbitrage, il fait le choix de ne pas payer la dépense de santé. Or, il serait aisé pour la personne de payer une fois l’an, son assurance et d’être totalement couverte pour toutes les pathologies du panier de soins et les médicaments associés à ces maladies pendant une année.

La phase pilote du projet fait déjà des heureux? A quand la généralisation du projet ?

La généralisation du projet a démarré. Normalement, les 7 communes qui ont connu la phase pilote sont dans la généralisation. Cotonou est rentré dans la généralisation d’assurance maladie et nous avons par exemple plus de 21 mille bénéficiaires à Cotonou de l’assurance maladie mise en place par le gouvernement au profit des personnes que nous, nous considérons aujourd’hui comme les privilégiés de l’Etat. Les populations que nous considérons comme des pauvres extrêmes ont déjà leur carte biométrique. Ils sont les privilégiés du gouvernement béninois qui accèdent déjà au service d’assurance maladie grâce à leur carte d’identité nationale biométrique. Et la généralisation va se poursuivre dans toutes les communes. Nous avons en perspective environ 14 communes dont les cartes sont prêtes et qui seront distribuées aux bénéficiaires de ces zones. Mais pour les 77 communes du Bénin, le processus est presque terminé, les cartes sont à l’impression et dès que nous aurons ces cartes, nous allons les distribuer dans toutes les communes du Bénin.

Au Chu-Mel par exemple, le dispositif est mis en place mais la plupart d’indigents qu’enregistre l’hôpital ne possèdent pas la carte biométrique…

Il y a aussi ce problème que nous avons observé. Les habitudes sont difficilement transformables par de petites actions. Quelqu’un qui n’a pas pris l’habitude de se rendre dans les centres de santé pour se soigner, ce n’est pas parce que vous lui offrez aujourd’hui une carte que spontanément, cette personne irait dans les centres de santé. Il nous faut donc un travail de pédagogie pour convaincre les gens. Il faut également un travail au niveau des centres de santé pour améliorer la qualité de l’accueil et que les gens se rendent compte par eux-mêmes que désormais, il y a un service de qualité qui les attend dans les centres de santé. Les béninois, à plus de 60%, s’adonnent à la pharmacopée traditionnelle ou à l’automédication. Probablement, ce sont les pauvres extrêmes qui se retrouvent dans cette situation. Donc nous avons un travail de pédagogie à faire à leur endroit pour les amener à changer de comportements et à bénéficier des services que nous offrons dans le cadre de l’assurance maladie. Ce travail n’a peut-être pas été suffisamment fait mais des dispositions sont en train d’être prises pour l’accentuer, pour informer à suffisance les pauvres bénéficiaires de cette carte de les utiliser, ils n’auront à rien payer. L’Etat prend en charge leurs frais de santé car c’est contenu dans le panier de soins qui prend en compte 75% des affections les plus courantes et qui touchent le plus grand nombre de béninois.

Avant le projet Arch, les indigents étaient pris en charge sur le Fonds sanitaire des indigents logé au ministère de la santé. Est-ce qu’avec la généralisation du projet Arch, n’allons-nous pas vers la suppression du Fonds sanitaire des indigents ?

Je ne sais pas si vous connaissez l’histoire qu’il y a derrière les indigents déclarés dans le cadre de ce Fonds. Nous avons assisté au fait que certains fonctionnaires sont déclarés indigents temporaires et bénéficient à la place de vrais indigents de notre pays, de ces ressources. Parce que ce sont eux en réalité qui connaissent l’existence de ce Fonds. Le pauvre paysan de Djidja ne connait pas l’existence d’un Fonds sanitaire des indigents. Les fonctionnaires qui sont informés de l’existence de ce fonds l’ont exploité à foison. C’est ce qui a conduit à la réforme envisagée dans le cadre du projet Arch pour dire allons d’abord chercher les indigents qui ont besoin de ce fonds et donnons-leur la possibilité de jouir de ces programmes que le gouvernement met en place pour eux. Et vous convenez avec moi que lorsque le projet Arch va se généraliser dans tous les départements, les vrais indigents auront accès automatiquement grâce à leur carte d’identité nationale biométrique à l’assurance maladie et ces fonds n’auront plus de raison d’être. C’est pareil pour le mécanisme de la gratuité de la césarienne qui est aujourd’hui incorporée dans notre dispositif. Ce sont les femmes instruites des milieux urbains qui bénéficient en grande partie des ressources de la césarienne gratuite. Or désormais c’est la couche de la population nécessiteuse qui a besoin de ces services, qui sera prise en charge effectivement dans le cadre de l’assurance maladie mis en place par l’Etat.

En attendant, les patients demeurent toujours gardés dans les hôpitaux…

Nous continuons de penser à des mécanismes pour supprimer cette situation. Il est possible que, dans le cadre de la loi, que tout le monde soit désormais assuré d’une manière ou d’une autre et dès que vous êtes assurés, vous voyez que automatiquement ce phénomène va disparaitre. Maintenant, si dans de rares cas, ces situations se reproduisent, nous avons au niveau du projet Arch, un mécanisme d’identification de validation du statut de pauvre. Donc, on se mettra en contact avec les centres de santé pour qu’à chaque fois que de pareils incidents surviennent, qu’ils nous saisissent ou qu’ils saisissent les personnels des centres de promotion sociale. Pour qu’on puisse déclencher l’enquête de validation de statut. Nous allons mener les enquêtes et s’il se révèle que la personne est effectivement en situation de pauvreté, nous allons déclencher notre mécanisme de prise en charge et cette personne pourrait en être bénéficiaire. Mais si malheureusement, après les enquêtes, la personne ne se retrouve en situation de pauvreté, on trouvera les moyens avec le centre de santé de récupérer les ressources au profit des centres de santé. Par la suite, contraindre la personne à se mettre à jour vis-à-vis de l’assurance maladie qui sera obligatoire.

En décembre 2017, le Cnhu-HKM a suspendu l’autorisation de bons d’examens par le Service social hospitalier. Ceci, en raison des difficultés de recouvrement des factures sur le Fonds sanitaires des indigents. Comment percevez-vous le fait qu’une formation sanitaire de référence suspend le service des indigents?

Si j’étais à la place du gestionnaire du Cnhu, peut-être que j’aurais le même comportement parce qu’il ne sert à rien d’accumuler les factures impayées qui mettent en difficulté, le fonctionnement de l’institution. Comme cela a été constaté, quand vous allez au Cnhu, vous êtes obligé de payer le minimum du minimum, les produits de premiers soins, parfois les patients sont amenés à les payer. Or dans un centre de santé de cette nature, de ce niveau, certains soins de base devraient être automatiques avant qu’on n’entre dans les soins les plus compliqués. Et donc, face aux difficultés de fonctionnement, le Cnhu, je comprends leur position. Mais le gros problème qui existe aussi dans ces centres de santé, c’est le niveau de fraude qui n’est pas maitrisé. Vous avez des gens qui utilisent des certificats de prise en charge auxquels ils n’en avaient aucunement droit. Et cela plombe les capacités de remboursement de l’Etat. Donc, tant que nous ne maitrisons pas le niveau de fraude dans la consommation des soins de santé, on va souffrir que l’Etat ne soit pas en mesure d’honorer tout de suite les factures. Avec un mécanisme d’assurance maladie, ces problèmes doivent être réglés puisque désormais l’assureur prend en charge les paiements et se donne les moyens de vérifier qui consomme effectivement ces services et ça permet de limiter les fraudes. Et çà améliore le remboursement pour le centre de santé et par conséquent, améliore leur fonctionnement au profit des bénéficiaires…

Le service a-t-il été finalement rétabli au Cnhu?

Je ne saurais le dire mais je sais qu’au niveau du projet Arch, nous avons reçu les instructions pour trouver une solution durable à cette situation. Mais nous ne sommes pas encore à l’étape d’opérationnalisation, nous avons fini toutes nos analyses et très prochainement dès qu’il s’agira d’assurer la continuité dans la prise en charge des personnes indigentes, vous allez voir.

Le 31 décembre 2020, le gouvernement va au chevet des patients indigents pour aller les libérer personnellement. Comment expliquez-vous cela ?

C’est parfois des dysfonctionnements au niveau des administrations. Quand des documents sont transmis d’une administration à une autre, on n’a pas toujours la célérité dans le traitement. Ce qui fait qu’on se retrouve dans des situations où des gens qui ne devraient pas être retenus sont retenus parce que les factures n’ont pas été payées.

Comme je vous le dis, si les béninois adoptent le réflexe de souscrire à l’assurance maladie dans le cadre du projet Arch et il est couvert, on ne devrait plus assister à ces genres de situation.

Nous sommes au terme de l’entretien, vous avez un message à lancer ?

Le message que je lance souvent à nos compatriotes est de se faire enrôler dans le Ravip, de chercher à prendre sa carte nationale d’identité biométrique parce que c’est le sésame pour accéder aux services du projet Arch. Le projet Arch va entrainer une révolution dans la prise en charge sanitaire dans notre pays et je souhaite que personne ne soit mise à l’écart. Et enfin, pour ceux qui ont déjà eu la chance d’être considérés comme des privilégiés de l’Etat et qui dispose d’une carte nationale d’identité biométrique avec assurance maladie Arch incorporée, qu’ils utilisent au maximum ce service. C’est pour eux. L’Etat a payé et ce serait du gâchis que ces personnes n’utilisent pas leur carte. Normalement, dès qu’un père de famille a la carte, tous ses enfants ont aussi accès à la carte puisqu’ils sont considérés comme des personnes en situation de pauvreté extrême et le gouvernement a payé pour eux.

Propos recueillis par Aziz BADAROU
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