Alors que la protection de l’environnement est devenue un défi planétaire, la lutte contre la dégradation au sein des écosystèmes de mangrove appelle à l’implication de tous. Un engagement auquel exhorte Hugues Hector Zogo, acteur de la société civile.
La Nation : La préservation de la mangrove au Bénin, quels enjeux ?
Hugues Hector Zogo : La mangrove joue un rôle majeur dans l’atténuation et la régulation des impacts du changement climatique. Elle est un rempart contre la violence des tempêtes en même temps qu’elle contribue à la séquestration et au stockage du carbone. Elle est aussi essentielle à l’équilibre des populations locales avoisinantes, notamment en tant qu’habitat et nurserie d’espèces exploitées pour le développement économique local. En deux décennies, les mangroves ont perdu près d’un tiers de leur superficie dans notre pays. Les mangroves constituent, dans le sud du Bénin, un réservoir naturel, riche en biodiversité. Les dégâts de la déforestation observés dans les communes d’Abomey-Calavi, Ouidah, Grand-Popo, Kpomassè, Bopa et Comè confirment cette réalité. A Ouidah par exemple, la superficie couverte par les mangroves est passée de 491,53 ha en 2005 à 430,12 ha en 2015, soit une perte de 12%. C’est ce qu’on note en termes de statistiques fiables.
Pour répondre aux défis de restauration des mangroves, de la protection de la côte et dans le souci d’accompagner les efforts faits par le ministère du Cadre de vie et du Développement durable, l’Ong Paix Liberté avec l’appui du département d’Etat américain a initié un projet à travers lequel nous travaillons à la réduction de la dégradation au sein des écosystèmes de mangrove ainsi qu’au renforcement et à la conservation de la biodiversité. Par la même occasion, nous sensibilisons à la lutte contre l’érosion côtière sous toutes ses formes. Les localités de Djègbadji, Hiyo et Djondji dans la commune de Ouidah, Avlo et Nicoué Condji dans la commune de Grand-Popo, Couffonou et Hountoun dans la commune de Kpomassè, Kpétou dans la commune de Comé et enfin Séhou-Gbato dans la commune de Bopa sont les plus visées.
Quelles sont les actions que vous menez dans ce cadre ?
Nous avons pu constater que la décision du Conseil des ministres du 26 octobre 2016 qui interdit la coupe des mangroves et des cocotiers dans les zones humides est encore méconnue des populations. Conséquence, la coupe continue et les signes de dégradation sont encore perceptibles. Notre tâche, c’est d’aller au contact des populations pour leur faire prendre conscience des enjeux de la préservation de la biodiversité et pour les aider à faire face aux menaces. Notre organisation a réalisé deux documentaires sur le phénomène; occasion a été donnée aux populations mêmes de se prononcer sur ces différents faits environnementaux. Ces documentaires sont diffusés sur écran géant dans les localités ciblées. Nous savons que les autorités centrales et locales sont aussi face au défi de la protection de l’environnement. Notre démarche à travers ce projet, c’est d’appuyer leurs efforts. On ne peut plus laisser cette mission seulement au gouvernement de notre pays. Nous sommes à l’ère où le citoyen doit toujours se sentir impliqué en premier dans la gestion des affaires de son pays. C’est ce que nous essayons de faire à partir de la veille scientifique et technique qui participe inéluctablement à la valorisation de la mangrove. Tant sur le plan scientifique que sur celui de la communication, ce projet offre l’opportunité aux jeunes filles et jeunes gens, adultes, hommes et femmes de s’engager pour des causes nobles et justes.
Le combat pour la préservation de la mangrove n’est pas nouveau ! Qu’est-ce qui rend la sensibilisation si difficile ?
C’est une question assez pertinente. Les piroguiers, par exemple, coupent la mangrove parce que cette végétation marine obstrue leurs allées habituelles sur les eaux. Dans ces conditions, ils ont du mal à circuler sans arracher la mangrove, or il est interdit de couper. Pour les femmes cueilleuses et transformatrices de produits halieutiques, la mangrove est plus accessible et plus économique. Ce sont diverses raisons qui encouragent les protagonistes à détruire progressivement cette réserve naturelle. La sensibilisation doit donc être continue parce que les habitudes ont la peau dure. Mais les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui sont plus liées à la montée des eaux.
Face aux affres de la crue, les populations sont préoccupées par leur relogement. C’est difficile de les retrouver aux mêmes endroits. Le gouvernement de notre pays fait des efforts considérables; il faut le reconnaître, pour accompagner les sinistrés. Mais la nature n’est pas clémente. Quand on prend ‘’La Bouche du Roy’’ par rapport à ce qui s’est passé à Ouidah, Kpomassè et Comè, l’embouchure avait été libérée. C’est de lourds investissements; et pourtant, récemment, nous avons vu les dégâts du côté de Grand-Popo par exemple. Notre unique possibilité aujourd’hui, c’est de poursuivre la sensibilisation dans les écoles. On a une banque d’images assez riche sur les mangroves qu’on va exposer dans les mairies. Les populations pourront les regarder et apprécier le danger qui se profile du fait du silence de chacun. Nous devons tous agir, c’est le mot d’ordre. Acteurs à la base et communautés locales riveraines et autochtones, pêcheurs artisanaux, femmes cueilleuses et transformatrices de produits halieutiques, pêcheurs de crevettes, groupements et associations actifs dans la mangrove, piroguiers, groupements de jeunesse, élus et autorités à divers niveaux ; tous sont interpellés dans le combat pour la préservation de la mangrove au Bénin.