600 000 F Cfa. C’est ce que coûte une chirurgie du fibrome de l’utérus à Cotonou. Une tumeur qui se manifeste chez 8 femmes sur 10. Si, sur le plan juridique, beaucoup d’efforts sont en train d’être faits pour la restauration des droits de la femme au Bénin, sur le plan sanitaire et en vue des nombreux défis qui se dressent devant elle, le coup de main du gouvernement ne sera que vital. Ça y va aussi du ‘‘hautement social’’…
Il a choisi le corps de la femme pour se révéler au monde. Le fibrome, masse (tumeur) non cancéreuse dans l’utérus, se développe chez la femme pendant les années où celle-ci est en âge de procréer et disparaît selon les études, spontanément à la ménopause. Peu de femmes lui échappent. Saignements menstruels abondants. Menstruations irrégulières. Fausses couches à répétition. Douleurs dans la région pelvienne, etc. C’est le lot des femmes qui en souffrent. Entre des échographies et au besoin une IRM, pour des opérations qui débouchent parfois sur l’ablation de l’utérus, c’est la qualité de vie de nombre de femmes qui est quotidiennement altérée nécessitant bien de fois un accompagnement psychologique. Pendant ce temps, les bourses sont mises à rude épreuve. 600 000 F Cfa, c’est ce que coûte l’opération. Sans compter les médicaments, les frais d’hospitalisation. Et, autour de ce mal qui se manifeste chez 8 femmes sur 10, et que certains assimilent à un maléfice, un envoûtement, s’observe un manque criard de communication, de sensibilisation, des campagnes gratuites de l’examen. Bref, d’intérêt de la part des autorités compétentes. Pendant ce temps, nombre de femmes souffrent et meurent dans le silence ; des guérisseurs traditionnels se confortent dans leur job promettant monts et merveilles. Dans les marchés, les vendeuses de plantes médicinales font des chiffres d’affaires. La malade, disent-elles, doit désormais se priver de la consommation de l’alcool, du piment et notamment du gombo qui en seraient les causes. Pourtant…
Ablation de son utérus. C’est le verdict qui s’est finalement imposé à maman ‘’Avonon’’ dans sa lutte contre ce qui, bien des mois après son opération (plus d’un million tout frais compris), reste pour elle un mystère. La maladie du fibrome. Peu à peu, la vie reprend son cours. Heureuse de revoir son étalage de pagnes au marché Dantokpa, elle n’arrive pourtant pas à effacer de sa mémoire cette masse énorme et informe sortie d’elle emportant par ailleurs aussi son utérus. Mère de trois enfants, elle caressait malgré la menace de l’âge qui s’avançait, le rêve de donner un héritier à son mari. Hélas ! «J’ai beaucoup souffert. Je ne voulais pas arriver à cette décision mais dans mon cas, c’était la seule option qui restait. La conséquence, c’est l’absence de possibilité de grossesse. Je ne pourrai plus porter un enfant…», narre-t-elle, le sourire sarcastique. Repos strict au lit ! C’est l’urgente recommandation faite à Y. Houefa, plus de la trentaine et portant une grossesse gémellaire menacée par trois fibromes. Pour celle-là qui n’avait pas l’habitude de rester loin de ses élèves, le coup est dur. «Le gynécologue a dit qu’il ne peut intervenir qu’après l’accouchement et que je vais devoir rester tout le temps allongée. Je dois éviter de faire des efforts, de porter de grandes charges… Mes enfants sont menacés…Je risque de faire une fausse couche», conte l’enseignante, contente, cinq ans après, de voir ses jumeaux prendre de l’âge et en parfaite santé.
«J’ai été opérée deux fois pour les histoires de fibrome. Ça m’embêtait beaucoup. J’avais les maux de ventre, ça faisait grossir mon ventre comme si j’étais enceinte. Je saigne beaucoup pendant mes menstrues, au point où j’étais anémique. J’utilisais plus de 10 couches par jour. Finalement, j’ai opté pour les pagnes et là encore c’était difficile. Les trois premiers jours de mes règles, je ne pouvais pas sortir. J’avais aussi constamment le vertige. Les myomes étaient beaucoup, c’était dans l’utérus aussi. J’ai fait la première intervention en 2014 et la deuxième en 2019. A un moment donné, j’étais obligée de faire l’opération», nous livre dépitée, Dikè A. A l’écouter, il y a des médicaments ou injections qui permettent de réduire la taille des myomes mais qui coûtent «très chers». Dikè va donc préférer l’opération qui, elle, coûte au minimum, souligne-t-elle, 350 000 F Cfa. Même si, à l’arrivée, pour ses deux opérations, elle n’a rien déboursé, étant fille de médecin et elle-même du secteur (Technicienne de laboratoire). 35 ans, mère de deux enfants, elle désire encore enfanter. Seulement, les fibromes sont toujours là. «Actuellement, c’est encore revenu et en grand nombre. Les médecins ont préconisé que j’enlève l’utérus. C’est moi qui hésite sinon je l’aurais enlevé depuis. Si j’ai la possibilité de faire un autre enfant, je vais essayer. C’est Dieu qui est grand. Les médecins m’avaient dit après mon premier geste, que je ne pourrai plus enfanter. Mais malgré le mal, Dieu a fait grâce. Rien ne lui est impossible», poursuit-elle. D’un cas à un autre, elle aura beaucoup souffert des jugements de ses frères et sœurs en Christ qui ont tôt fait de croire qu’elle était enceinte. Nadège ne l’était pourtant pas. Pour plusieurs, elle a consommé le fruit défendu bien que n’étant pas mariée. Tout en elle, le développement de son corps, l’y prédestinait. Dans le silence, elle a dû soutenir à la fois, des regards accusateurs et le mal qui en était le véritable coupable. Chrétienne évangélique, elle a traîné les fibromes pendant des mois avant d’être opérée. «Tout le monde pensait qu’elle était enceinte. L’autre jour, on l’a revue à l’Eglise sans le ventre ; elle ne gardait non plus d’enfant. C’est ce jour qu’on a appris qu’elle avait le fibrome», fait savoir mémé Codjia, fidèle de l’Eglise… Et, il n’en fallait pas plus pour traiter le mal de tous les noms. Janvier G. de son côté, a dû rompre avec sa fiancée aux prises du mal. «Elle m’a dit qu’elle s’absenterait pendant un temps pour aller se faire traiter. Moi, j’avais peur. Traditionnellement, il est dit que le fibrome a l’aspect d’un crabe dans le vagin de la femme. Du coup, j’ai dû la quitter», témoigne-t-il.
Le fibrome est inné chez la femme
«Les fibromes sont innés chez les femmes. Seules les femmes en souffrent. Mieux, les femmes noires parce qu’on ne connaît pas la cause mais on est en train de soupçonner la mélanine, la couleur noire. Les blanches n’en ont pas», fait comprendre d’entrée Dr Aimé Mitohadé (photo), Gynécologue-Obstétricien à la clinique MAHOUNA, Haie-Vive, Cotonou. Selon ses explications, le fibrome est une néoformation, une formation nouvelle dans le myomètre ; le muscle utérin. Fibrome égal myome ; myome égal muscle utérin. Le fibrome peut rester sur le muscle et bomber vers la séreuse. L’utérus a trois membranes : la séreuse, la musculeuse, la muqueuse. Quand c’est dans le muscle utérin, on parle de myome, c’est-à-dire, une formation nouvelle dans le muscle. Il y existe trois localisations possibles des fibromes par rapport à l’utérus. Fibrome sous-séreux, situé à la surface externe de l’utérus. Il occasionne des douleurs pelviennes aiguës et brutales. Fibrome interstitiel ou intra mural, se loge dans le myomètre ou l’épaisseur du muscle utérin causant une augmentation du volume de l’utérus, des douleurs pelviennes et des saignements abondants. Fibrome sous-muqueux ou intra cavitaire, là, on est dans la cavité utérine. Il est responsable de règles abondantes, saignements en dehors des règles et de troubles de la fertilité. Toutefois rassure Dr Aimé Mitohadé, ça n’empêche pas aux femmes d’avoir d’enfants. «J’ai fait accoucher une femme qui avait au moins douze fibromes», a-t-il confié. Un fibrome peut être unique ou multiple au point de remplir l’abdomen. Les fibromes utérins peuvent grossir au point d’être parfois confondus avec une prise de poids voire une grossesse. «Donc, que les femmes n’aient plus peur d’avoir des fibromes. C’est chez les noirs. Toutes les noires en ont. Rares sont celles qui n’en ont pas du tout. C’est une maladie de la peau noire», fait observer Dr Aimé Mitohadé.
Il n’y a pas de médicament pour traiter le fibrome
Selon ses affirmations, aucun médicament, aucun, dans le monde entier, ne traite le fibrome. «Il n’y a pas de traitement pour traiter le fibrome. Quand les guérisseurs traditionnels disent que ça partira complètement, je les défie. Je veux faire une émission. Je veux affronter les guérisseurs traditionnels. Je suis prêt pour ça. Mais avec le dialogue on peut s’entendre. Il y a des médicaments qui font diminuer le volume. C’est dans le but d’être opérée et de ne pas saigner. Mais une seule ampoule coûte 310 000 F Cfa à Cotonou. Il faut trois ampoules (930 000 F Cfa) et l’intervention coûte 600 000 F Cfa», signifie le Gynécologue-Obstétricien. Pour lui, seule la réparation du fibrome est possible. Celle-ci permet à la femme d’avoir une vie correcte. «Premièrement, de faire des enfants. C’est le premier objectif. Deuxièmement, libérer son utérus parce que ça peut empêcher l’évolution de la grossesse. Les fibromes empêchent l’utérus de grandir. Ça peut empêcher la conception d’une grossesse et ça fait saigner quand c’est proche de l’endomètre. Pour avoir les règles, c’est l’endomètre qui se dégage. Mais si le fibrome est situé derrière l’endomètre, la couche qui est là s’en va et la femme se met à saigner pendant des jours, des mois. Mais il faut aussi catégoriser. On peut avoir un petit fibrome qui ne va jamais grandir et qui ne nécessite même pas une opération», se veut-il circonspect. La taille des fibromes est variable. Elle peut aller de quelques millimètres à plusieurs dizaines de centimètres. De même, leur poids peut varier de quelques grammes à plusieurs kilogrammes. Pendant la grossesse et en raison de l’augmentation du taux d’œstrogènes, le fibrome intra-mural a tendance à grossir. Dans ce cas, crée une inflammation importante dans le muscle utérin, avec des douleurs du bas-ventre et, éventuellement, des contractions utérines prématurées, pouvant, dans les cas extrêmes, entraîner un accouchement prématuré. Par ailleurs, dans certains cas, la femme enceinte et menacée par le fibrome est admise sur traitement, repos au lit. «Après l’accouchement, on donne encore trois à six mois pour que l’utérus reprenne sa place initiale parce que ça saigne. On n’enlève pas le fibrome pendant la césarienne. Jamais dans la vie ! Ça saigne. Il faut prévoir au moins 5 poches de sang», clarifie le Gynécologue-Obstétricien. En attendant, la femme est invitée à la culture de l’échographie. Notamment, dès qu’elle ressent le moindre des symptômes précités.