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Sous la “Rupture“: Ces voix qui dénonçaient…

Publié le mercredi 8 decembre 2021  |  Matin libre
Laurent
© aCotonou.com par Didier Assogba
Laurent Metongnon, sécrétaire Général de la Fédération des syndicats des travailleurs de l’administration des Finances ( Fésynatra-Finances)
Les 100 premiers jours du Président Patrice Talon au pouvoir.Causerie débat initié par la fondation Friedrich Ebert. Cotonou, le 13 juillet 2016. Soirée politique sur les 100 premiers jours du Président Patrice Talon au pouvoir
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La gouvernance sous le régime de la Rupture n’est pas à l’abri des critiques. Que ce soit sur la toile ou à travers des déclarations officielles, à visage découvert ou non, des voix s’élèvent pour dénoncer et faire des révélations. Seulement depuis quelques années, plusieurs de ces voix qui dénonçaient ne se font plus entendre. Si certaines se retrouvent derrière les barreaux pour leur implication dans une quelconque affaire, d’autres ont dû changer de manteau….

Laurent Mètongnon

L’une des premières voix dissidentes sous la Rupture, Laurent Mètongnon ne manquait pas d’alerter sur des cas de fraude ou de mauvaise gouvernance. Mais il sera incarcéré puis condamné à 5 ans de prison dans une affaire de placements “à risque“ des fonds de la Caisse nationale de sécurité sociale (Cnss) à la Banque internationale du Bénin (une banque qui serait en faillite au moment des faits) contre des rétro-commissions. Pour le syndicaliste, il estime plutôt être en train de faire les frais de ses dénonciations relatives au concours à polémique organisé par la Cnss au début de l’avènement de la Rupture. Ecouté jeudi, 07 mars 2019 à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet), l’ancien Pca/Cnss a révélé avoir fait l’objet de plusieurs menaces au lendemain de ses dénonciations concernant ledit concours. Saisie du dossier après la condamnation prononcée par le Tribunal de première instance de première classe de Cotonou, la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) n’a fait que confirmer la sentence du tribunal. Le syndicaliste et ancien président du Conseil d’administration de la Caisse nationale de sécurité sociale (Cnss), Laurent Mètongnon et ses co-accusés dans l’affaire Cnss-Bibe écopent d’une peine de 5 ans de prison fermes. Dans une déclaration, son avocat Aboubakar Baparapé estime que la décision de la cour a davantage assombri le ciel sur notre pays. A l’en croire, ce fut “une parodie de justice devant une section spéciale, ayant pour mission non de juger, mais de condamner fermement pour réduire et briser la vie des inculpés et semer le deuil et la désolation dans leurs familles respectives“. Dans une interview exclusive accordée à votre journal Matin Libre le 02 mai 2017 soit quelques jours avant son incarcération, Laurent Mètongnon a dénoncé des irrégularités dans l’organisation d’un concours de recrutement à la Cnss. «…Je n’ai pas voulu en parler pour la simple raison que j’ai été le Président du Conseil d’administration, ces trois dernières années et je sais qu’en passant service, j’avais insisté sur la transparence qui devait caractériser ce concours de recrutement pour que nous ne tombions pas dans la même lutte que j’ai menée avec les travailleurs et vous-mêmes les journalistes en ce qui concernait les concours Aboubacar Yaya qui ont été annulés par le gouvernement de Talon dès les premières heures. Je n’ai pas voulu en parler surtout qu’il s’agit ici d’un problème beaucoup plus de procédures. Vous savez au niveau de la Caisse nationale de la sécurité sociale, les organes de passation ont été mis en place lorsque j’y étais…Donc, si on me dit, pour les informations que j’aies, bien sûr et là j’insiste, si c’est un Comité qui a été mis en place par le Directeur pour pouvoir recruter un cabinet pour une tâche en fin de compte qui a coûté 18 millions Fcfa, ça veut dire que nous sommes même au-delà de ce qu’ on devrait appeler la procédure normale…Il devrait avoir un dépouillement contrôlé par la cellule, le résultat donné et c’est la personne responsable qui doit pouvoir s’entretenir avec ce cabinet retenu. Pour les informations que j’aies, ce n’est pas le cas. Du coup, la procédure même est déjà viciée au départ…Il y a déjà des scandales sous le régime actuel. Là, ce serait encore un scandale de plus…Du coup, il faut qu’il montre, lui, Président de la République, que ces informations, il les a et que cela soit examiné en Conseil des ministres pour qu’on voit clair dans ce concours. » Ce sont quelques extraits de ses dénonciations. (Lire l’intégralité de l’interview sur www.matinlibre.com)

Joël Aïvo

L’initiateur du Dialogue itinérant et candidat recalé à l’élection présidentielle de 2021, le constitutionnaliste Joël Aïvo était perçu comme celui qui porte la voix du peuple béninois. L’opposant au régime Talon ne manquait pas d’envoyer des piques au gouvernement sur des questions de menace sur la démocratie, la liberté d’expression et de presse, les droits de l’homme, la gouvernance des affaires publiques. Pour beaucoup, il incarnait l’alternance au sommet de l’Etat et la foule mobilisée à chacune de ses rencontres en était une illustration. Mais il sera également interpellé par la police, incarcéré et condamné ce mardi, 07 décembre 2021 à 10 ans de prison fermes par la Criet, la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme. Le constitutionnaliste et deux de ses co-accusés écopent de dix ans de prison. Ils sont été reconnus coupables de blanchiment de capitaux et de complot contre l’autorité de l’État. «…Faites de moi ce que vous voulez… » avait lancé à la Cour, celui qui dit fait don de sa personne à la Nation béninoise. Si pour ses avocats, il s’agit d’un dossier vide, l’homme de droit semble connaître ce pourquoi il est poursuivi. “…Je ne suis dupe de rien. Je suis poursuivi pour avoir incarné une alternative démocratique pour mon pays. Je suis poursuivi pour avoir préparé une candidature indépendante capable de provoquer l’alternance au sommet de l’Etat“ a laissé entendre Joël Aïvo.

Reckya Madougou

Candidate recalée à l’élection présidentielle de 2021, Reckya Madougou incarnait également une véritable alternance au sommet de l’Etat. Convaincue de pouvoir gagner le combat de tout un peuple, elle était devenue une voix dissidente qui était bien accueillie au sein des différentes couches de la société. Une dame de fer, pour certains, une combattante pour d’autres. Alors qu’elle parcourait monts et vallées aux côtés de Joël Aïvo pour partager sa vision avec le peuple béninois, elle sera interpellée par la police avant de se retrouver derrière les barreaux. Cependant, elle semble toujours persuadée de sa lutte pour la démocratie. Selon la CRIET elle aurait « formé le dessein de perturber le déroulement du prochain scrutin en perpétrant des actes de terreur de grande ampleur », en « préparant l’assassinat de deux autorités politiques ». Des accusations sans fondement selon les avocats de Réckya Madougou. Son procès est prévu dans les tout prochains jours.

Houdou Ali

L’ancien préfet et ministre de feu président Mathieu Kérékou, Houdou Ali ne se lassait également d’appeler à la mobilisation des béninois pour la restauration de la démocratie et de l’Etat de droit et à l’organisation d’une assemblée constituante. Ces audios et messages sur les réseaux sociaux témoignaient de son activisme, malgré son âge. Mais il ne sera pas épargné par les arrestations lancées au lendemain des élections présidentielles de 2021. Il sera donc arrêté à Parakou et mis sous mandat de dépôt. L’opposant aurait été interpellé dans le cadre de l’affaire atteinte à la sûreté et terrorisme. L’ancien chef de parti politique a dans de nombreuses publications sur les réseaux sociaux appelé à la mise en place de cellules dans les quartiers et villes pour la restauration de la démocratie. Il est Secrétaire général et porte-parole de la Fondation Mathieu Kérékou et membre du Groupe national de Contact.

Bertin Koovi

Inculpé avec mandat d’arrêt, pour incitation à la haine et à la violence, Bertin Koovi, dans une opposition très acerbe au pouvoir de Patrice Talon ne se fatiguait pas d’inonder les réseaux sociaux d’éléments audios à la limite désobligeants et menaçants. Mais contrairement aux autres, contraints au silence derrière les barreaux, celui-ci décidera de changer de manteau. Bertin Koovi décide depuis quelques mois de ne plus s’en prendre à la gouvernance du régime de la Rupture. Et ces nouvelles publications en disent long. Dans une vidéo devenue virale, l’homme avait déploré être abandonné par ses pairs pour justifier son ralliement au camp de la Rupture. Et depuis, cette poursuite dont il faisait l’objet s’efface, au profit d’un « non-lieu ». Il est même rentré au pays, tout joyeux, tout en témoignant sa reconnaissance au chantre de la Rupture. Opposant virulent dès les premières heures du pouvoir en place, le Président de l’Alliance Iroko a finalement opté pour un changement de veste à la vitesse du vent. Le discours a donc changé et cette voix semble ne plus dénoncer.

Martin Assogba

Ardent défenseur des libertés fondamentales et des droits de l’homme, Martin Assogba a marqué l’histoire à travers ses nombreuses luttes pour la préservation des acquis démocratiques, la transparence de la gouvernance au sommet de l’Etat. Mué dans un long silence depuis l’avènement de la Rupture notamment depuis sa nomination au Conseil de régulation des marchés publics en janvier 2017, Martin Assogba, président de l’Ong Alcrer avait finalement justifié son silence par le fait qu’il n’y a plus tellement de la matière à dénoncer comme au temps des régimes passés. «La gouvernance d’aujourd’hui est nettement meilleure que celle catastrophique que je dénonçais», a défendu le président de l’Ong-Alcrer dans l’émission « 90mn pour convaincre », dimanche 15 décembre 2019. Alors que plusieurs organisations de la société civile ainsi que les magistrats dénoncent, à travers la création de la Criet, des dispositions attentatoires aux fondamentaux de la justice notamment le principe du double degré de juridiction et de la séparation des pouvoirs, le président de l’Ong Alcrer s’en est plutôt réjoui. « Nous avons une drôle de chance que le régime actuel, qui nous gère, a accepté notre cri de cœur par la mise en place d’un collège de magistrats qu’ils ont été baptisés Criet », avait estimé Martin Assogba. Il faut, par ailleurs, préciser qu’une relecture de la loi sur la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) est finalement intervenue en 2020. Pour plusieurs observateurs, l’acteur de la société civile semble changer de discours dans sa lutte. L’homme n’a pas manqué d’être critiqué sur les réseaux sociaux. Cependant, sa position sur les lois électorales, dénoncées de part et d’autres, laisse perplexe plus d’un. Et les dernières déclarations du président de l’Ong Alcrer suscitent moult interrogations. La lutte ne sera peut-être plus la même !

A.B
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