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Congo Hold-up: Les affaires offshore de l’ancien gouverneur Moïse Katumbi

Publié le jeudi 9 decembre 2021  |  Matin libre
Joseph
© Autre presse par DR
Joseph Kabila dans l`affaire Congo Old up
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Riche homme d’affaires et gouverneur de la province minière du Katanga de 2007 à 2015, Moïse Katumbi a poursuivi son business minier, alimenté en partie par des contrats publics, en le logeant dans de discrètes sociétés offshore. Une enquête de RFI avec Yann Philippin (Mediapart), PPLAAF et le réseau EIC.



Quand le groupe Necotrans dépose le bilan en juin 2017, c’est un empire qui s’effondre. Ce groupe français de logistique portuaire et minière comptait 6 000 employés, 90 filiales dans 40 pays et générait un milliard d’euros de chiffre d’affaires. La majorité de ses actifs ont été récupérés pour moins de 20 millions d’euros par un consortium mené par le rival de toujours, Vincent Bolloré.

Avant de sombrer, Necotrans a tenté de se refaire en République démocratique du Congo et a racheté l’entreprise du gouverneur de la province minière du Katanga, la plus riche du pays.

Pendant plus de dix ans, Moïse Katumbi a incarné les liens étroits qui lient dans ce pays business et politique, au mépris des conflits d’intérêts. Entrepreneur actif dans le secteur des mines, Moïse Katumbi a continué à développer ses affaires alors qu’il était en même temps gouverneur de la province minière du Katanga. Il dément avoir retiré le moindre bénéfice de cette double casquette.

L’enquête Congo Hold-up révèle comment Necotrans s’est retrouvé empêtré dans le combat politique entre Moïse Katumbi et l’ancien président Kabila, sur fond de manœuvres dans le lucratif secteur de la sous-traitance minière, noyauté par les hommes politiques et les généraux congolais.

Technique #1 : Savoir quand se lancer en politique

Moïse Katumbi a créé la société Mining Company Katanga (MCK) en 1997 à Lubumbashi, l’année où la capitale du Katanga est tombée entre les mains de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila, qui devient président la même année après que ses forces ont chassé Mobutu du pouvoir. Son fils Joseph lui succède suite à son assassinat en 2001.

La famille de Moïse Katumbi avait connu des déboires sous le régime Mobutu. L’arrivée des Kabila au pouvoir lui offre une nouvelle opportunité d’investir l’eldorado minier du Katanga de l’après-guerre. Il n’y a presque aucune règle. Le premier code minier post-conflit sera promulgué en 2002.

L’homme d’affaires dément devoir sa fortune à ses liens avec l’ancien chef de l’État. « Avant que je ne sois gouverneur, MCK disposait de huit contrats en RD Congo et de deux projets en Zambie », indique-t-il, précisant que son groupe, présent également dans la minoterie, le ciment, la pêche et le transport, réalisait 400 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2007.

Katumbi n’a pas eu trop de mal à se faire élire gouverneur du Katanga en janvier 2007, à l’issue des premières élections libres de l’histoire du pays : ses deux rivaux se sont retirés avant le vote. « De toutes les façons, [ils] ne pouvaient pas faire face à ma popularité, assure-t-il. J’ai été le député le mieux élu de toute la République. »

Technique #2 : Savoir quand jouer les intermédiaires

Juste avant son élection, Moïse Katumbi a réorganisé ses affaires. En 2004, sa société s’était associée à l’entreprise canadienne Anvil Mining pour créer AMCK Mining.

Un pari risqué, car Anvil avait mauvaise presse à l’époque. Des ONG l’accusent d’avoir soutenu en 2004 une opération de l’armée congolaise contre des rebelles qui occupaient la ville de Kilwa, située non loin d’une de ses mines, et menaçaient ses investissements. L’ONU a documenté au moins 70 civils tués, dont des cas d’exécutions sommaires. « Ma société n’était pas impliquée et à ce que je sache, Anvil n’avait pas été condamnée par la justice », répond Moïse Katumbi.

Un mois avant son élection, MCK a vendu 15% des parts qu’elle détenait dans AMCK à son partenaire Anvil Mining moyennant 45 millions de dollars, dont deux tranches de 10 et 26 millions pour sa société MCK, et 9 millions pour Moïse Katumbi à titre personnel. « Cette transaction est légale et bien connue », nous a répondu l’intéressé.

Mais avant de toucher ce pactole, MCK doit obtenir de la Gecamines et du cadastre minier la confirmation de son permis minier à AMCK et à son actionnaire devenu ultra-majoritaire, Anvil Mining. Le transfert sera validé six mois après l’élection de Moïse Katumbi comme gouverneur. Il indique n’avoir joué aucun rôle dans ce processus.

Technique #3 : Se cacher derrière des sociétés écrans

Une fois la vente de parts à Anvil finalisée, Moïse Katumbi s’efface derrière des sociétés offshore immatriculées dans des paradis fiscaux, selon des documents confidentiels que nous avons obtenus.

Huit jours avant le scrutin, le 18 janvier 2007, Moïse Katumbi crée en RDC une nouvelle société, Mining Company Katanga Trucks (MCK Trucks). Il en détient 70%, le reste revenant à son associé britannique Kenneth Macleod.

La veille de son élection, une mystérieuse société, Seven Seas International Investments, est enregistrée sur l’île Maurice, un paradis fiscal. Sept mois plus tard, le 3 août 2007, Kenneth Macleod transfère ses 30% de MCK Trucks à Seven Seas Investments Limited, qui a perdu son « international » au passage.

De son côté, une dizaine de jours après son élection, Moïse Katumbi transfère ses 70% de MCK Trucks à deux sociétés : 50% à Virginika International, immatriculée à l’île Maurice, et les 20% restants à la société congolaise Virginika Mining, toutes deux dirigées par sa femme.

L’ancien gouverneur du Katanga se défend d’avoir voulu cacher son conflit d’intérêts en s’installant dans un paradis fiscal et indique que, malgré sa société mauricienne, il règle tous les impôts dus en RDC.

Puisque MCK Trucks appartient désormais à des sociétés, Katumbi estime ne plus en être le bénéficiaire. Il affirme que « MCK n’a bénéficié d’aucun contrat ni avantage de la Province ou la République ».

Il y a pourtant bien deux contrats signés en mars et octobre 2007 entre MCK Trucks et la Gecamines, la compagnie minière d’État, pour « des travaux d’extraction de calcaire dans les carrières de Kakontwe » et « l’exploitation mécanisée de la mine à ciel ouvert de Kamfundwa ». Moïse Katumbi répond qu’il s’agissait, pour le gisement Anvil, de simples permis de recherche, et qu’il a dû beaucoup investir pour obtenir le permis d’exploitation.

L’arrivée de Katumbi à la tête de la province coïncide avec un boom dans ses affaires. Selon un rapport d’audit confidentiel, le chiffre d’affaires de MCK Trucks a plus que doublé en seulement trois ans, passant de 84,5 millions de dollars en 2010 à près de 190 millions en 2013.

Moïse Katumbi répond que cette réussite fulgurante s’explique uniquement par la stratégie efficace de l’entreprise, l’expérience accumulée et la hausse du cours du cuivre.

Mais à partir de 2007, on retrouve le gouverneur dans d’autres affaires, via ses sociétés écrans ou ses associés. Pendant plus de sept ans, Virginika, sa société basée à l’île Maurice, a aussi été actionnaire de l’un des rivaux de MCK, Rulvis Congo (Rulco).

Détail intriguant : l’associé britannique de Katumbi n’est pas le seul à détenir une société nommée Seven Seas Investment Limited. Il en existe trois autres, toutes logées dans des paradis fiscaux.

L’une d’elles, immatriculée aux Seychelles et dirigée par un cadre de MCK Trucks, semble liée à Katumbi. Tandis qu’une autre, Seven Seas Investments Limited, domiciliée aux Bermudes, est liée à Glencore, le géant suisse de l’extraction et du négoce minier, selon les documents révélés par l’enquête Paradise Papers de l’ICIJ.

Glencore fait l’objet d’une enquête en Suisse pour des soupçons de corruption, dont l’histoire démarre en 2007, année de l’élection de Katumbi à la tête du Katanga. Glencore, qui dit « coopérer pleinement avec les différentes autorités », est soupçonnée d’avoir obtenu des droits miniers à bas prix dans la province, grâce au pouvoir de persuasion de l’homme d’affaires israélien Dan Gertler. Ce très proche du président Kabila est aujourd’hui sous sanctions américaines pour corruption, qui ont été élargies ce lundi suite aux révélations de notre ONG partenaire PPLAAF. Les deux lanceurs d’alerte ont été condamnés à mort en RDC.

Comment se fait-il que le géant minier suisse Glencore, sous enquête pour corruption pour une affaire minière katangaise, a pu avoir une société du même nom que l’associé du gouverneur Katumbi ?

Glencore répond avoir possédé par le passé une société Seven Seas Investment Limited au Panama, mais pas celle aux Seychelles, ni toute autre en lien avec le groupe MCK Trucks de Moïse Katumbi. L’intéressé dément lui aussi tout lien avec Glencore et rappelle que « l’octroi des licences d’exploitation minière n’est pas de la compétence des gouverneurs de provinces ».

Technique #4 : Composer avec ses rivaux

Le 29 septembre 2015, Moïse Katumbi quitte le parti du président Joseph Kabila et démissionne de son poste de gouverneur. Il s’oppose au report des élections par le chef de l’État, s’interroge sur « l’absence de l’État de droit » et alerte sur les « arrestations arbitraires des militants pro-démocratie ». Sept mois plus tard, il se déclare candidat à la présidentielle.

Moïse Katumbi déplace les foules à chaque fois qu’il rentre chez lui à Lubumbashi, bien aidé par les supporters, parfois rémunérés, de son club de foot, le Tout puissant Mazembe. Ces scènes de liesse populaire agacent et inquiètent le président Kabila. Moïse Katumbi en subit les conséquences : à partir de la fin 2015, il est soudainement visé par de multiples procédures judiciaires.

Technique #5 : Savoir changer d’actionnaires

Les documents Congo Hold-up montrent que Moïse Katumbi a anticipé l’impact de ce divorce sur la conduite de ces affaires. Le 24 octobre 2015, un mois après avoir quitté le parti de Kabila, il a vendu sa société MCK Trucks à Necotrans, un groupe familial français de logistique portuaire, pétrolière et minière.

RFI s’est procuré l’audit de MCK Trucks réalisé à la demande de Necotrans par le cabinet international Ernst & Young avant le rachat, qui porte sur les années 2012 à 2014. Il ne relève pas de problèmes majeurs en matière de fiscalité.

En revanche, c’est sur le plan social que l’entreprise du gouverneur pêche. « Nous avons relevé qu’un nombre important de salariés n’était pas immatriculé à l’INSS [la caisse de sécurité sociale de la RDC, ndlr] et que la société MCK ne procède pas au paiement des cotisations pour les employés », écrivent les auditeurs. « C’est faux, on a toujours tout payé », nous a répondu Katumbi.

Ernst & Young relève aussi des « risques » liés à la société, parmi lesquels ces « 129 incidents en 2014 ayant entraîné un dommage aux biens et aux personnes », les « 107 cessations de contrat de travail en 2014 et une absence d’implication des conseils juridiques » et les « 45 % du personnel » ayant déjà fait l’objet de sanctions disciplinaires. Moïse Katumbi dément et indique qu’ « aucune condamnation du tribunal n’a été prononcée sur la période » à l’encontre de sa société.

Cela n’a pas découragé Necotrans. « S’il y avait un problème majeur, nous ne l’aurions pas acheté », explique Grégory Quérel, PDG du groupe français à l’époque.

Mais une mauvaise surprise attend Necotrans : juste avant le rachat, MCK Mining perd l’un des sept contrats qui faisaient sa valeur : le marché avec le groupe kazakh ERG pour la mine de Frontier est discrètement transféré à Rulco, une société dirigée par des proches de Katumbi, qui se disent à leur tour harcelés par le pouvoir kabiliste.

Cette opération intervient quinze jours après l’annonce de Moïse Katumbi de quitter Joseph Kabila – une simple coïncidence selon l’ancien gouverneur-. Lequel dément formellement avoir orchestré le transfert du contrat Frontier à Rulco en raison de la situation politique, société dont il « n’a jamais été actionnaire ». L’ancien gouverneur évoque un « désaccord » entre MCK et Frontier sur la « profondeur d’excavation » et la réduction de production de cette mine suite de la chute du cours de cuivre

La mine de Frontier, qui faisait travailler l’entreprise de Moïse Katumbi, fait, elle aussi, l’objet d’une enquête pour corruption, cette fois en Grande-Bretagne, mais toujours avec Dan Gertler. Des ONG, Global Witness en tête, accusent l’homme d’affaires israélien d’avoir décroché, grâce à des pots-de-vins, des permis miniers revendus plus chers au groupe kazakh ENRC, devenu ERG. « Toutes les activités qu’ERG entreprend sont conformes aux règlements pertinents », nous explique le géant kazakh.

Malgré la perte du contrat Frontier, la vente de MCK Trucks à Necotrans est bouclée le 24 novembre 2015. Pour toucher le pactole, Katumbi a créé un mois plus tôt une nouvelle société offshore à l’île Maurice, Astalia Investments, représentée par l’épouse de l’ancien gouverneur.

Avant la vente, Astalia a récupéré 100% du capital de MCK Trucks et c’est un vendeur sans passif qui vend l’entreprise à Necotrans. Mais après, l’associé de Moïse Katumbi, Kenneth Macleod, décide de rester et obtient 15% des parts. De ce fait, selon le PDG de Necotrans, Moïse Katumbi aurait dû toucher 119 millions de dollars via sa société mauricienne. Selon nos sources, Astalia n’a reçu que 15 à 20 millions le jour de la vente, le solde devant être payé par Necotrans trois ans plus tard.

Technique #6 : Rester ouvert aux négociations

Six mois après la vente, Moïse Katumbi, sous le coup d’un mandat d’arrêt, est contraint à l’exil. Il quitte le pays le 20 mai 2016, avec l’autorisation du gouvernement de Joseph Kabila, officiellement pour « raisons de santé ».

Le 14 mai 2016, quatre jours avant son départ, sa société MCK Trucks est rebaptisée Necotrans Beveraggi Mining (NB Mining). Pascal Beveraggi est un homme d’affaires corse adepte des sociétés offshore, comme l’a révélé l’enquête de nos partenaires Mediapart et le réseau européen EIC Malta Files. Il avait conseillé Necotrans lors de l’acquisition, il est bombardé patron de NB Mining.

Jean-Philippe Gouyet, ancien « Monsieur Afrique » d’Airbus et numéro 2 de Necotrans à l’époque, nous avait expliqué être un « ami personnel » du père de Pascal Beveraggi, et avoir choisi son fils « comme président du conseil d’administration de NB Mining pour sa connaissance du métier, qui consiste à remuer la terre et gérer des flottes d’engins. Il ne connaissait ni l’Afrique, ni Katumbi. Mais j’aime bien travailler en clan et en famille. J’ai pour lui de l’estime, de l’amitié et de la confiance. »

Selon un procès-verbal d’assemblée générale de NB Mining obtenu par RFI, le 19 mai 2016, la veille du départ de Moïse Katumbi, les actionnaires de la société nomment un nouveau membre du conseil d’administration : le général François Olenga, chef de la maison militaire de Joseph Kabila. Son mandat est d’une durée « illimitée » et « les frais engagés dans l’intérêt de la société lui seront remboursés sur justificatifs ».

Ce procès-verbal ne porte pas le tampon du registre du commerce congolais. A-t-il été enregistré ? Selon un proche du dossier, ce n’est pas sûr parce que ce document servait probablement de « garantie ». « Beveraggi utilisait souvent Olenga et d’autres généraux congolais pour l’appuyer dans ses affaires, il était généreux avec eux et réglait leurs factures, il disait que c’était comme ça que ça marchait avec les Congolais », indique cette source.

L’avocat de Pascal Beveraggi nous a répondu que la signature figurant au bas du procès-verbal n’est pas la sienne, et que ce document est un « faux » visant « manifestement » à « déstabiliser » ses affaires en RDC.

Grégory Quérel, patron de Necotrans à l’époque, répond pour sa part que « ce document n’a jamais fait partie des archives de la vie sociale de l’entreprise tant que Necotrans était impliqué ». Il précise que la signature qui figure sous son nom est « similaire » à la sienne, mais estime lui aussi que le document est « un faux ». M. Quérel ajoute que Necotrans interdisait formellement toute relation avec des personnalités politiquement exposées, sous peine de perdre « automatiquement » de gros contrats « avec des pétroliers ».

Le troisième signataire qui apparaît sur le procès-verbal, le sud-africain Ernest Gielink, reconnaît y avoir apposé son paraphe, mais précise ne pas avoir participé à l’assemblée générale extraordinaire. « Ils m’ont fait signer après », indique l’ancien chef des opérations de NB Mining. « Il y avait même dans nos locaux un bureau avec le nom du général Olenga dessus, mais il n’y venait jamais », ajoute-t-il.

Grâce à des documents officiels, nous avons en tout cas pu vérifier que toutes les signatures figurant sur le procès-verbal de NB Mining correspondent bien à celles des individus à qui elles sont attribuées, y compris celle de François Olenga. Le « 12 avenue Frederick », mentionné au-dessus de sa signature, est bien à l’adresse déclarée par le général à l’administration congolaise.

Nous ne sommes pas parvenus à joindre François Olenga. Un an plus tard, le 1er juin 2017, il a été placé sous sanctions américaines pour s’être « engagé dans des actions ou des politiques qui sapent les processus ou les institutions démocratiques en RDC ».

Peu importe, puisque le 28 juin 2017, le groupe français Necotrans dépose le bilan. C’est un consortium de sociétés mené par le groupe Bolloré qui reprend l’essentiel de ses actifs, sauf ceux détenus par sa filiale à l’ile Maurice, Necotrans Mining. Elle est rachetée le 25 août par Pascal Beveraggi à la barre du tribunal de commerce de Paris.

Depuis, une féroce bataille judiciaire fait rage entre Katumbi et Beveraggi pour le contrôle des actifs de MCK Trucks devenu NB Mining. Le 15 mai 2018, la cour d’appel de Paris annule la reprise des titres miniers par Pascal Beveraggi, sans lui retirer le contrôle du compte de cette société. Pour Grégory Quérel, le PDG de Necotrans, les actifs de NB Mining n’appartiennent ni à l’un, ni à l’autre. « La reprise des titres est annulée. Necotrans Mining et sa filiale NB Mining sont juridiquement retournés dans le patrimoine du groupe Necotrans », toujours en liquidation.

Mais dans les faits, tant que Moïse Katumbi était en exil et Joseph Kabila au pouvoir, c’est l’homme d’affaires corse qui a gardé le contrôle des actifs de la société en RDC. Pour effacer le passif de NB Mining, Pascal Beveraggi la liquide et la remplace par NB Mining Africa. Dans la foulée, il signe en novembre 2018 un contrat avec la société minière d’État Gécamines pour l’exploitation de la mine de Kamfundwa.

La bonne fortune de Pascal Beveraggi s’arrête dès le retour au pays de Moïse Katumbi le 20 mai 2019, trois ans jour pour jour après son départ. Il se trouve que l’ancien gouverneur s’entend bien avec le nouveau président élu cinq mois plus tôt : son ancien allié Félix Tshisekedi.

L’année suivante, NB Mining Africa, la société de Pascal Beveraggi, perd brutalement son contrat avec la Gécamines, qui le transfère à un concurrent sans l’en informer. La Gécamines laisse derrière elle 3,8 millions de dollars d’impayés.

Si juridiquement en France, les actifs de NB Mining Africa sont toujours détenus par Necotrans, il n’en est pas de même en RDC. Sur la base d’un jugement du tribunal de commerce de Kolzewi du 25 août 2020, Moïse Katumbi obtient des mesures de saisie.

Katumbi obtient dans la foulée que Gécamines ne règle pas sa dette de 3,8 millions non pas à NB Mining Africa, mais à sa société mauricienne Astalia Investment, celle-là même dont l’ancien gouverneur s’était servi pour toucher l’argent de la vente de MCK Trucks à Necotrans.

La défunte société NB Mining, ancêtre de NB Mining Africa, est ressuscitée pour l’occasion, selon des documents issus du registre du commerce congolais. Son actionnaire n’est autre qu’Astalia. La coquille offshore n’est plus représentée par l’épouse de Katumbi, mais par l’homme d’affaires indien Rahim Dhrolia, déjà cité dans l’enquête Congo Hold-up.

Au final, Astalia a touché seulement 2,1 millions de la Gécamines. Le solde des 3,8 millions d’impayés a été viré le 19 novembre 2020 sur un compte à la Rawbank dont on ignore le bénéficiaire. Un mois plus tard, la société NB Mining est de nouveau liquidée. Moïse Katumbi indique ne pas avoir été informé de cette éphémère résurrection.

Par la voix de son avocat, Pascal Beveraggi estime que la Gécamines n’avait pas le droit de régler sa dette à Astalia car la créance appartenait à NB Mining Africa, comme en attestent les factures. Moïse Katumbi répond que le paiement à la société mauricienne s’appuie sur une décision de saisie judiciaire. La Gécamines n’a pas répondu.

Pour Moïse Katumbi, cette bonne affaire coïncide avec un nouveau climat politique qui lui est particulièrement favorable. En ce mois de novembre 2020, le président Félix Tshisekedi a besoin de lui. Il cherche à reprendre le contrôle de l’Assemblée nationale et du Sénat à Joseph Kabila, et veut le soutien des députés proches de l’ancien gouverneur du Katanga.

Les deux hommes se sont rencontrés le 7 novembre pour évoquer la participation de Moïse Katumbi à l’Union sacrée de la Nation prônée par le président Tshisekedi. Le paiement de 2,1 millions de dollars de la Gécamines à la société mauricienne de Moïse Katumbi est intervenu moins de deux semaines après cette rencontre. Interrogée sur une éventuelle intervention en faveur de Katumbi, la Présidence se borne à indiquer que l’adhésion à l’Union sacrée s’est faite « sur une base volontaire ».

Contacté directement ou par l’intermédiaire de ses partenaires, Kenneth Macleod est resté injoignable.



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