Chaque année, le 10 décembre, la Communauté internationale célèbre la Journée internationale des droits de l’homme. Pour marquer l’événement, Amnesty international Bénin a organisé hier, jeudi 9 décembre 2021 à Cotonou, un séminaire multi-acteurs sur la liberté d’expression et l’animation de l’espace civique. Les débats ont tourné autour des restrictions de libertés sous le gouvernement de la Rupture.
« Le défenseur des droits humains face aux restrictions des libertés et de l’espace civique ». C’est le thème autour duquel Amnesty international Bénin a convié journalistes et acteurs de la société civile dans le cadre de la célébration de la Journée internationale des droits de l’homme. Décrivant la situation qui prévaut au Bénin, le Directeur exécutif de Amnesty international a, dans son allocution, rappelé des faits qui ont conduit à l’amenuisement de l’espace civique. Pour Dieudonné Dagbéto, la décision de retirer aux particuliers et aux organisations non gouvernementales la possibilité de saisir la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cadhp), les démêlés judiciaires de blogueurs, journalistes et militants, notamment en vertu du Code du numérique, les élections entachées de violation, coupure d’internet, usage excessif de la force lors des manifestations, l’arrestation de manifestants… sont des exemples de restriction de libertés. Face donc à ces faits qui renforcent un climat de peur et d’insécurité au sein des activistes et organisations de défense des droits de l’homme, Amnesty international Bénin, par ce séminaire, entend contribuer à la promotion et à la protection des droits humains en général, au renforcement de la liberté d’expression et de l’animation de l’espace civique, en particulier.
Communications
La 1ère communication, délivrée par le professeur Samson Igor Guèdègbé, porte sur « La liberté d’expression : notion, implication et tentatives de restrictions par la pratique des Etats : cas du Bénin ». Pour le titulaire de la Chaire Unesco Droit de la personne humaine et de la démocratie, la Constitution béninoise de même que le Code de l’information, garantit la liberté d’expression. Elle est même érigée au rang des droits fondamentaux. Faisant le lien entre la liberté d’expression et le crédit démocratique d’un pays, le professeur Samson Igor Guèdègbé soutient que le totalitarisme passe par les restrictions excessives. Cependant, il doit avoir restriction de liberté, soutient-il. La question alors est de se demander jusqu’où il faut aller.
Revenant sur le cas des arrestations de journalistes sous le gouvernement de la Rupture, Arnaud Froger, représentant bureau Afrique du Reporter sans frontière, a, dans sa communication : « La liberté de presse à l’épreuve du Code sur le numérique au Bénin », laissé entendre que le Code du numérique a réinstauré les peines privatives de liberté et remet ainsi en cause l’avancée du Bénin.
Quant au professeur Philippe Noudjènoumè, sa communication a porté sur la liberté associative et syndicale face aux réformes politiques. Il est parti de l’état des lieux des libertés d’avant le régime de la Rupture pour aboutir à la situation aujourd’hui décriée par tous les défenseurs des droits de l’homme. Pour lui, les libertés ne sont pas acquises une fois pour toute. Elles sont fonction des luttes. Et de conseiller qu’il faut toujours lutter même pour conserver les droits acquis.
A sa suite l’activiste Hugues Comlan Sossoukpè a présenté la posture d’un activiste des droits humains dans un Etat restrictif des libertés.
Des débats
Pour la plupart des participants, l’état des lieux des libertés au Bénin est de plus en plus préoccupant. Aux dires de Jean-Claude Dossa, Secrétaire général de l’Union des professionnels des médias du Bénin, on en est arrivé là parce qu’on a cessé de nous indigner. La peur d’aller en prison a fait que plus personne ne s’indigne. « Les classements de Reporter sans frontière ne disent plus rien à personne. On a perdu ce qui faisait notre fierté », a-t-il laissé entendre. « Si nous ne vainquons pas la peur, les restrictions vont continuer », a renchéri Me Francis Dako, ancien président de Amnesty international Bénin. Pour le syndicaliste Adolphe Houssou, personne n’est libre dans le pays. « Chaque jour que Dieu fait, on ne fait que intimider. Nos familles ont peur pour nous. Qui sont alors ceux qui peuvent oser aujourd’hui ? », a-t-il demandé. Et à Habid Ahandessi d’ajouter que ce n’est pas que dans le domaine de la presse que le code du numérique sévit. Selon lui, on met tout le monde sur le code du numérique. « Nous sommes les porte-paroles de ceux qui souffrent en silence, il faut oser », a conseillé, pour conclure, le professeur Philippe Noudjènoumè.