– Une banque lui réclame plus de 600 millions de Fcfa
-Ses avocats récusent en vain l’expert auditeur commis par le Tribunal
– Verdict mis en délibéré pour le 28 décembre
Accusé de faux en écriture et usage de faux, la Ccei Bank Bénin réclame à Dominique Atchawé, député en exercice du parti Bloc républicain (Br), une somme de plus de 600 millions de Fcfa. Retour sur les points saillants de l’audience riche en récusations et en plaidoiries, déroulée ce mardi 14 décembre 2021, au Tribunal de commerce de Cotonou…
L’étau se resserre sur le député Dominique Atchawé. Dans une affaire liant la société Peachwood dont il est le responsable à la Ccei Bank Bénin, le député membre du parti Bloc républicain est accusé par cette institution bancaire, de faux en écriture et usage de faux. En effet, à l’ouverture de l’audience, après la communication des pièces par le Président de céans, il ressort que le cabinet Gbèdagni, recruté après appel d’offre avec l’onction du Tribunal pour expertiser les comptes de la société du député et par ricochet évaluer le montant des préjudices causées par cette société à la banque, a relevé un montant de plus de 600 millions de Fcfa. Après avoir approuvé ce rapport, même si le montant des préjudices devrait être évalué à plus d’un milliard, Maître Kèkè, avocat conseil de la Ccei Bank Bénin est revenu sur ce qui est reproché au député. D’après ses explications, l’on retient que celui-ci a monté une société fictive avec un responsable fictif à sa tête, faisant dissoudre celle principale qui était au départ en partenariat avec cette institution bancaire. Pis, l’homme de droit révèle au prétoire que le député, opérateur économique, ne s’est pas seulement, pour se soustraire à ses engagements vis-à-vis de la banque, arrêté là. Après cette première ruse, selon lui, l’intéressé pour la nouvelle société qu’il a créée et qui devrait absorber la première supposée dissoute, a mis en avant un nouveau dirigeant. Seulement, l’avocat fait noter qu’à ce niveau, la banque a constaté qu’il utilise un faux nom pour cette nouvelle société, pour à nouveau opérer avec elle. Puisqu’en réalité, c’est sa même signature autrefois apposée sur les documents de l’ancienne société disparue, qui est utilisée pour la nouvelle, mais au nom d’un autre individu, dans le but de brouiller les cartes et se soustraire donc à ses nombreux engagements. << Et celui-là se dit député à l’Assemblée nationale, quelqu’un qui fait du faux en écriture >>, regrette-t-il. L’avocat de la défense, Maître Loko, à sa suite, a pris la parole. Pendant près d’une quinzaine de minutes, il a essayé de remettre en cause le rapport de l’expert Gbèdagni, qui a donc évalué ces préjudices. À l’entendre, la banque a des accointances avec cet expert pourtant validé par le Tribunal après appel d’offre. Dans la suite de ses explications, cet avocat de la défense pense que le cabinet a été partial dans son rapport. Lequel rapport, à l’en croire, dessert son client qu’est le député en question, promoteur de la société Peachwood incriminée. Dans sa réplique, un second avocat de la banque a balayé de revers ces propos de Maître Loko. Car pour lui, l’expert même si dans un passé récent, devrait être sollicité par la banque, a décliné après l’offre, avant que cette affaire n’intervienne. Un procédé qui en aucun cas ne devrait remettre en cause sa crédibilité puisqu’il, d’après ses explications, n’a jamais travaillé pour la Ccei Bank Bénin. En abondant dans le même sens que son prédécesseur, Maître Kèkè a notifié au Président de céans que Maître Loko et son client font une fuite en avant. Cette phrase suffit pour que l’avocat indexé hausse le ton. << Maître Loko, calmez-vous ! Vous ne pouvez pas crier plus que quelqu’un ici. Laissez-moi donc continuer >>, a rétorqué Maître Kèkè. Dans ce brouhaha, le Président de céans a rappelé à l’ordre Maître Loko qu’il invite à se meubler. << Maître Kèkè, allez-y ! Continuez ! >>, ajoute le juge. En reprenant ainsi la parole, Maître Kèkè a révélé que l’expert Gbèdagni a gagné un appel d’offre auquel beaucoup d’autres cabinets ont souscrit. Autrement, il fait noter que ce n’est pas la banque qui a désigné cet expert mais plutôt le Tribunal. << Monsieur le Président, dans le pays, Monsieur Gbèdagni est le seul à avoir un diplôme certifié de banquier et d’expert-comptable auditeur en même temps. S’il a gagné cet appel d’offre, c’est évidemment parce qu’il est compétent >>, a-t-il réitéré. En reprenant le lead des débats, le Président de céans a fait noter à Maître Loko que ce dont il s’agit n’est pas la personne de l’expert mais plutôt sa posture. << Est-ce que la posture de l’expert remet en cause l’exploitation de son rapport ? Quel est donc l’impact de cette posture sur le rapport ? En clair, ce qui nous intéresse est le contenu du rapport. Ce qui intéresse, c’est la conclusion du rapport et non la personne de l’expert >>, a-t-il indiqué.
Quant aux plaidoiries…
Après les débats, chaque conseil a fait cas de sa plaidoirie. Tenant mordicus à sa posture, Maître Loko demande au juge que le rapport d’expertise soit rejeté par le Tribunal pour défaut d’impartialité de l’expert. Par la suite, il demande qu’un autre expert soit commis par le Tribunal pour un nouveau rapport. Pour finir, il plaide pour que les frais de prestation du nouveau cabinet à recruter soient mis à la charge de l’expert Gbèdagni. Quant à aux avocats de Ccei Bank Bénin, ils plaident pour que le rapport en question soit pris en compte et que ce montant relevé par l’expert soit payé illico presto par le député Dominique Atchawé. << Monsieur le Président, ce que j’entends ici depuis, c’est simplement les soubresauts d’un débiteur qui ne veut pas payer >>, a conclu pour sa part, Maître Kèkè. Prenant acte de ces plaidoiries, le Président de céans a mis en délibéré pour le 28 décembre 2021, son verdict final.
Pour rappel…
Le même député avait une fois été convoqué par la Brigade économique et financière (Bef), le 28 janvier 2020, pour « affaire le concernant ». Au sortir de cette audience à la Bef, rien n’avait filtré ni sur la cause de cette convocation ou encore sur ce qu’on pourrait retenir de cette audience. Est-ce pour ce dossier de plus de 600 millions que l’ancien Conseiller au Conseil économique et social a été ciblé par les officiers de police de la Bef ? L’évidence, c’est qu’on n’en savait grand-chose en ce moment-là.