C’est l’un des politologues les plus prolixes du moment. Entre interviews, commentaires et réflexions scientifiques, il ne manque aucune occasion de dire ce qu’il pense de la gouvernance Talon.
En dépit des critiques qu’il essuie- dont celle du député Rachidi Gbadamassi qu’il juge basse et vide- Richard Boni Ouorou continue d’éclairer la lanterne de ses compatriotes.
Dans un entretien à nous accordé depuis sa résidence en banlieue de Lomé, il revient sur la gouvernance Talon, les points de divergence entre lui et ce régime dont certains acteurs sont nébuleux.
« Tout m’oppose à Patrice Talon. C’est un ultralibéral qui considère l’homme sous sa forme la plus dévalorisante. Moi je suis un progressiste de gauche. Je mets l’être humain au cœur de tous les projets de développement. Je ne peux pas m’associer à quelqu’un qui méprise l’être humain autant que son peuple, qui ne considère pas ses propres populations et qui les maltraite. Par conséquent, je ne peux pas travailler avec lui. Je suis idéologiquement et même moralement opposé à Patrice Talon », déclare Richard Boni Ouorou lorsqu’on lui demande s’il est proche du pouvoir Talon. Dans un passé récent, certains de ses propos avaient paru conciliants et plus tendres à l’égard du locataire du palais de la Marina mais cela n’enlève rien à son jugement sur le régime. Pourtant, les critiques qui accablent le politologue viennent aussi de certaines personnalités politiques de l’opposition. Pourquoi cela ? La raison qu’il en donne est ceci. « 90% des Béninois pensent que je suis de l’opposition. L’opposition béninoise n’a que le pouvoir dans le viseur. Les opposants sont comme ceux qui sont au pouvoir. Ils veulent le pouvoir juste dans la perspective de le gérer pour leur égo personnel. Moi je ne suis pas de cette catégorie. Je veux m’imposer dans le débat par mes arguments. Si j’étais un jeune sans moyen et sans arguments, j’allais servir de faire-valoir et ils pourront m’utiliser comme ils veulent en me faisant dire ce qu’ils veulent. Ce n’est pas qu’ils ne croient pas en moi, au contraire ils me craignent » affirme-t-il.
Les Béninois veulent savoir qui est Olivier Boko
Dans l’analyse du fonctionnement du régime Talon, M. Ouorou en arrive à détecter une structuration digne des organisations mafieuses ou secrètes qui essaiment le vieux continent. Selon lui, le système étatique béninois est tenu par le triumvirat Talon-Boko-Dagnon. Il s’agit d’un système pyramidal supplanté par le chef de l’Etat qui a à ses côtés deux personnes : Olivier Boko et Johannès Dagnon. Le premier n’a aucun rôle officiel, sinon qu’un tout « petit » rôle de chargé de mission jamais officiel. Pourtant, il cumule une pile de prérogatives dans l’appareil informel du pouvoir et passe même, pour beaucoup de connaisseurs de la galaxie Talon comme le numéro deux du régime. Vice-président, premier conseiller, représentant personnel du chef de l’Etat dans l’actionnariat de plusieurs sociétés, coordonnateur du pool politique de la gouvernance Talon, bailleur des activités et projets informels du régime, il occupe une place importante dans l’architecture organisationnelle de l’Etat qui inquiète le politologue. « Je dis tout haut ce que tout le monde dit tout bas dans le pays. Je parle de Olivier Boko.
Tout le monde pense qu’il est dans les sous secteurs insoupçonnables. Il y a beaucoup de rôles qui lui sont attribués. Certains disent même vulgairement qu’il est le Vice-Président. Les rumeurs les plus folles disent que c’est lui qui dirige le pays à la place du Président Talon. Il revient au gouvernement de démentir ses propos par respect pour l’opinion en rapportant les preuves qu’il ne participe guère aux actions du gouvernement. Les Béninois veulent savoir quel est le rôle réel de Olivier Boko ?
Quelle est son influence sur la personne qu’ils ont élue ? Talon parle de transparence, il faut qu’il le prouve en clarifiant le rôle et les responsabilités de ce monsieur. S’il est chargé de mission ou conseiller, qu’on nous dise les conseils qu’il donne, qu’on nous explique les missions dont il est chargé. Que lui-même clarifie sa proximité avec le pouvoir, qu’il nous dise qu’il ne joue pas un rôle nébuleux ou qu’il n’est pas un personnage opaque chargé des missions opaques et dangereuses du régime. Les Béninois veulent vraiment savoir », dénonce Richard Boni Ouorou. Et il ajoute : « quant à Johannès Dagnon, on sait qu’il a un rôle officiel mais on veut en savoir plus. Quelles sont les implications de ce rôle dont on entend beaucoup de choses. Au Bénin, on a l’impression d’être dans un Etat policier dirigé par un néo-patrimonialiste, un Etat où tous les acquis sont sacrifiés au profit du triumvirat ».