Pour ne pas subir les mutations économiques, le Bénin doit renforcer ses capacités d’anticipation, se montrer résilient et dynamique. C’est ce qu’a développé Professeur Charlemagne Igué lors de la conférence inaugurale de la deuxième édition des Journées scientifiques de l’économie béninoise qui s’est tenue les mardi 14 et mercredi 15 décembre derniers.
Limiter l’impact de la révolution technologique et tirer profit des mutations en promouvant la diversification de l’économie… Ce sont quelques recommandations de Professeur Charlemagne Igué lors de la conférence qu’il a animée sur le terme : « Le Bénin face aux mutations économiques ».
Son exposé s’est articulé autour de deux parties respectivement intitulées « Les différents moments des mutations économiques » et « Le Bénin face aux opportunités de l’espace de mutations économiques ». S’agissant du premier point, l’enseignant-chercheur de la Faseg dissocie les mutations anciennes des mutations récentes. Les mutations anciennes sont celles dues aux premières révolutions industrielles dont les impacts ont été radicaux et brutaux ; et celles dues à la mondialisation avec la découverte du pétrole, le développement du transport aérien, maritime et ferroviaire, l’essor du télégramme, de la téléphonie, qui ont favorisé le développement des échanges internationaux et l’émergence de grandes puissances. Quant aux mutations économiques récentes, elles renvoient à la crise structurelle des années 70 avec des conséquences majoritairement négatives en l’occurrence une désindustrialisation. « Les mutations économiques peuvent être analysées aujourd’hui à trois niveaux : la transition énergétique avec pour question principale : quelle disponibilité de l’énergie, à quel coût ; la transition écologique ; et la transition technologique et numérique avec des impacts profonds sur les plans de la digitalisation, de la démonétisation et l’avènement de nouveaux modes de travail», fait savoir Professeur Charlemagne Igué.
Abordant le deuxième axe intitulé « Le Bénin face aux opportunités de l’espace de mutations économiques », Professeur Charlemagne Igué questionne la capacité d’anticipation du Bénin, invite à améliorer le modèle socioéconomique et à veiller à la territorialisation de l’action économique. « Nous évoluons dans un monde complexe caractérisé par l’incertitude. Quelles seront les conséquences des mutations à grandes échelles sur le Bénin? Comment le Bénin réagit aux chocs et rivalités économiques et géostratégiques, à la question de l’insécurité grandissante en Afrique de l’Ouest, à la crise due à la pandémie, au réchauffement climatique global, aux progrès de l’intelligence artificielle… Autant de questions qui pèsent sur l’avenir… », relève-t-il. Professeur Charlemagne Igué soutient la nécessité de construire un compromis social assurant l’acceptabilité de nouvelles politiques ou pratiques. Il peint en bien le modèle économique à type libéral pour lequel le Bénin a opté mais relève qu’il y a des efforts à faire pour l’amélioration de la croissance économique à travers la création de l’emploi, une meilleure redistribution des ressources, l’augmentation de la productivité agricole… « Il urge de bâtir un modèle de croissance et de développement permettant d’explorer les conditions et chemins de transformation structurelle afin d’accroitre la capacité de résilience », va-t-il conclure. Il s’agit alors pour l’Etat de renforcer les mesures d’incitation, d’accorder la priorité au développement des compétences, de renforcer la protection sociale…, et les territoires ne doivent pas être occultés dans cette dynamique.
La mutation comme une révolution
« La mutation implique l’entrée dans une période d’incertitudes et de configurations profondes. Elle renvoie à un changement radical, une reconversion. Les mutations peuvent s’opérer à plusieurs échelles notamment au plan international, national et régional. Les mutations peuvent avoir plusieurs origines et prendre plusieurs formes. Elles peuvent désigner une évolution rapide des technologies, des transformations du travail », explique Professeur Charlemagne Igué. Le terme mutation désigne, en tout, une révolution due à des facteurs complexes et qui engendre une transformation du système. La mutation s’oppose à la notion d’évolution par son caractère de changement profond, radical et rapide, accompagné de rupture, de situations de crises. En matière économique, souligne l’universitaire, les mutations reposent sur deux piliers que sont les mutations technologiques de plus en plus rapides et les évolutions géopolitiques. «Si le phénomène de mutation a toujours existé, il est devenu permanent et connait actuellement un mouvement d’accélération dû au contexte de crise généralisée», affirme Professeur Charlemagne Igué. Il relève que deux types de mutations économiques se signalent particulièrement. Il s’agit des mutations liées à des activités nouvelles qui font de plus en plus l’objet de nouvelles dispositions et sont dites positives ; et les mutations subies, notamment celles qui font suite à des décisions qui sont prises à un niveau supérieur (Nations Unies, Union africaine, Cedeao) et qui imposent une certaine adaptation. « Face à la survenance d’une mutation, les Etats, territoires et entreprises vont se trouver soit dans une position défensive qui procède de l’impréparation, une posture de parade qui procède d’une recherche d’adaptation ; ou une dynamique d’évolution qui participe de l’anticipation », fait observer Professeur Charlemagne Igué.