Le bras de fer qui oppose l’Ordre national des pharmaciens du Bénin au ministre de la Santé, Dorothée Kindé Gazard perdure toujours. Vendredi dernier, l’inter-Ordre des professionnels de santé du Bénin a animé une conférence de presse à Cotonou pour fustiger les agissements de son ministre de tutelle. Estimant que cette dernière foule au pied les instructions à elle données par le chef de l’Etat pour un dégel de la situation, les conférenciers se sont prononcés également sur l’affaire de stock de Tramadol au Port de Cotonou.
Par Thibaud C. NAGNONHOU
Quatre responsables de l’inter-ordre des professionnels de santé du Bénin étaient face aux hommes des médias vendredi dernier. Il y avait Dr Daouda Soulé, président de l’Ordre national des médecins du Bénin, Drs Moutiatou Tidjani et Falilou Adébo, respectivement présidente et vice-président de l’Ordre national des pharmaciens du Bénin, et Claude César Binazon, représentant l’Association des infirmiers et infirmières d’Etat du Bénin.
Relativement au premier sujet, les conférenciers ont dénoncé les agissements du ministre de la Santé, Dorothée Kindé Gazard. Lesquels agissements tendent à confisquer les prérogatives des Ordres des professionnels de santé du Bénin malgré l’intervention du chef de l’Etat.
Elle chercherait à se substituer à la Commission technique d’autorisation de l’exercice en clientèle privée des professions médicales et paramédicales au Bénin. Et ceci au mépris des textes qui encadrent le secteur, notamment la loi N°97-020 du 17 juin 1997 fixant les conditions d’exercice en clientèle privée des professions médicales et paramédicales et l’arrêté 2006 N°13495/MS/DC/SGM/CTJ/DPM/CNOP/SA du 28 décembre 2006 portant conditions d’exercice de la profession de pharmacien d’officine au Bénin. Selon les conférenciers, ces textes disent clairement que l’ouverture et l’exploitation d’une officine de pharmacie sont subordonnées à l’obtention d’une licence accordée par le ministre en charge de la Santé en Commission technique, après avis favorable du Conseil de l’Ordre compétent ici l’Ordre national des pharmaciens du Bénin. Ces dispositions ont été appliquées depuis toujours, jusqu’à la naissance du malentendu en février 2013, a martelé Dr Daouda Soulé, précisant qu’en aucun cas le ministre de la Santé ne peut unilatéralement autoriser l’ouverture d’une officine ou d’une pharmacie. C’est la toile de fond du bras de fer entre les Ordres des professionnels de la santé et leur ministre de tutelle.
C’est d’ailleurs pour vérifier les relations fonctionnelles entre le ministère de la Santé et l’Ordre national des pharmaciens du Bénin que le chef de l’Etat a créé la commission présidée par l’Inspecteur général d’Etat, Alidou Koussé.
La commission a déposé son rapport au chef de l’Etat le 18 octobre dernier. A la suite du rapport, détaille Dr Daouda Soulé, le président de la République les a reçus en audience et puis en Conseil des ministres.
Des instructions ont été données au ministre de la Santé pour la poursuite des travaux en Commission technique. Conformément donc aux instructions du chef de l’Etat et du Conseil des ministres, la Commission technique s’est déjà retrouvée deux fois, informe Dr Daouda Soulé. Mais ces deux rencontres se sont soldées par des échecs.
La première parce que, explique-t-il, le ministre de la Santé a voulu faire participer aux travaux certains de ses collaborateurs et des membres de son cabinet qui n’ont pas droit à la table. La seconde rencontre s’est butée sur la volonté du ministre de modifier l’ordre du jour de la Commission technique existant avant l’ouverture du malentendu. Ce à quoi l’Ordre national des pharmaciens s’est encore opposé, appelant aux respects des textes. Depuis ce jour, plus rien.
Les travaux de la Commission technique sont bloqués, annoncent les conférenciers. «Dans tous les pays au monde, ce sont les Ordres qui contrôlent l’exercice des professions de santé. Il y va de l’intérêt de la santé publique des populations », a insisté Moutiatou Tidjani qui assure de la disponibilité des Ordres à poursuivre les travaux de la Commission technique, mais à condition que les textes soient respectés.
Affaire Tramadol
Par rapport à l’affaire de 129 tonnes de Tramadol stockées depuis 2012 au Port de Cotonou et pour laquelle le chef de l’Etat vient d’ordonner l'incinération, les conférenciers ont mis à l'index le ministre de la Santé. Selon eux, Dorothée Kindé Gazard est au parfum de l’affaire.
Preuves à l’appui en effet, ils soutiennent l’avoir informée à travers une lettre de l’Ordre national des pharmaciens du Bénin, de la saisie de ces produits au Port de Cotonou.
La correspondance date du 12 février 2013. L’Ordre a fait cette diligence en sa qualité de structure veillant à la santé publique des populations et surtout, dans le cadre de la lutte contre la vente illicite des médicaments, le trafic de faux médicaments et l’exercice illégal de la profession de pharmacien. Mieux, à en croire les conférenciers, bien avant leur lettre, il y a eu celle du ministre en charge de l’Intérieur et de la Sécurité publique d’alors, Benoît Dègla en date du 1er juin 2012 qui l’informait du stock de ces faux médicaments au Port de Cotonou. Les conférenciers se demandent ce qui peut expliquer ce mutisme du ministre Dorothée Kindé Gazard qui sait pourtant que le Tramadol est un produit contenant de la drogue surdosée et par conséquent dangereux pour la santé humaine et la sécurité publique....