Les députés ont pris acte, ce mardi 21 décembre, du rapport biennal sur l’état des droits de l’homme au Bénin sur la période allant du 3 janvier 2020 au 30 novembre 2021 que leur a présenté la Commission béninoise des droits de l’homme (Cbdh). Jugé à charge contre le Bénin, le document a essuyé de vives critiques de la part des parlementaires menaçant de réformer cette commission qui serait « prise en otage ».
Composé de 132 pages, le rapport biennal 2020-2021 sur l’état des droits de l’homme au Bénin de la Commission béninoise des droits de l’homme (Cbdh) présenté à la Représentation nationale ce mardi, se veut une contribution à l’avancée des droits de l’homme. L’exercice a été assuré par le président de cette institution, Clément Capo Chichi, conformément aux dispositions de l’article 16 alinéa 3 de la loi n° 2012-36 du 15 février 2013 portant création de la Commission béninoise des droits de l’homme. Lesquelles dispositions obligent la Cbdh à faire cette présentation devant l’Assemblée nationale suivie de débat. Le rapport est intitulé «Covid-19 : Entre restriction et respect des droits de l’Homme au Bénin ». Il est articulé autour de trois axes principaux à savoir les grandes lignes sur l’état des droits de l’homme au Bénin couvrant la période allant du 3 janvier 2020 au 30 novembre 2021 ; le rôle que peut jouer le Parlement dans le succès du mandat du Bénin au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et le rôle des parlementaires dans la promotion et la protection des droits de l’Homme.
D’entrée de jeu, le président de la Cbdh, Clément Capo Chichi, a salué les avancées significatives du Bénin en matière des droits économiques, sociaux et culturels surtout en matière de droits à la santé, à l’éducation, à l’accès à l’eau potable et à l’électricité ainsi que d’accès à un réseau routier de qualité. Il a relevé que d’énormes progrès sont en train d’être faits dans ces domaines. Par ailleurs, la commission félicite également les députés pour l’adoption récente, en session extraordinaire, de certains textes importants tels que la loi n° 2021-11 portant mesures spéciales de répression des infractions commises à raison du genre et de protection de la femme en République du Bénin ; la loi n° 2021-12 modifiant et complétant la loi n° 2003-04 du 3 mars 2003 relative à la santé sexuelle et à la reproduction en République du Bénin et la loi n° 2021-09 portant protection du patrimoine culturel en République du Bénin sans oublier le retour des 26 trésors royaux de la France.
Plus de 14 000 détenus au Bénin
Clément Capo Chichi recommande au gouvernement de maintenir le cap car des efforts énormes sont toujours attendus pour la pleine jouissance des droits économiques, sociaux et culturels des citoyens. Seulement, le rapport estime que le Bénin a régressé en matière de droits civils et politiques. Des cas de violations de ces droits lors des processus électoraux de 2020 et 2021 ont été déplorés. La commission sollicite de ce fait un renforcement de la protection des droits civils et politiques par l’État. Le rapport relève par ailleurs l’impact de la crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid-19 sur le quotidien de toutes les couches sociales principalement les plus vulnérables constituant les personnes âgées, les femmes, les enfants et surtout la population carcérale. Pour Clément Capo Chichi, la Covid-19 constitue une menace grave pour les droits humains principalement le droit à la vie et le droit à la santé. La Commission recommande que l’État puisse renforcer les mesures efficaces pour protéger le droit à la vie et le droit à la santé de tous.
Le rapport biennal n’a pas passé sous silence la situation de la population carcérale du Bénin. La commission félicite la politique pénale du gouvernement qui consiste en des aménagements de peines à travers la grâce présidentielle et la liberté conditionnelle accordées à plusieurs détenus en 2020 et en 2021. Selon Clément Capo Chichi, à la date du 14 décembre dernier, la population carcérale s’élève à plus de 14 000 détenus. Ce nombre ne cesse de s’accroître. La Cbdh plaide pour une politique pénale et pénitentiaire qui viserait à prendre des textes, par exemple une loi pénitentiaire, une loi portant création d’un corps pénitencier et des mesures fortes afin de réduire la surpopulation carcérale constatée dans toutes les prisons civiles et maisons d’arrêt et d’améliorer les conditions de détention. Le rapport note, toutefois, que des efforts remarquables sont constatés avec la création de l’Agence pénitentiaire du Bénin et la commission invite le gouvernement à consacrer la place du genre dans la réforme pénale qu’elle souhaite ardemment.
Menace de réformer la Cbdh
Le rapport aborde dans sa seconde partie le suivi de la mise en œuvre des recommandations de l’Examen périodique universel et en dernier point le suivi de la mise en œuvre des recommandations sur l’état annuel des droits de l’homme au Bénin de l’année 2019. Pour cette dernière partie, la commission a fait le constat que sur les 38 recommandations seulement cinq sont exécutées soit un taux de 13,15 % ; sept sont partiellement exécutées soit un taux de 18, 42 % et 26 ne sont pas du tout mises en œuvre soit un taux de 68,42 %. Le président de la Cbdh appelle le Parlement à une complémentarité d’actions pour l’accompagner dans sa mission de protection et de contrôle des droits de l’homme au Bénin.
Lors du débat qui a suivi la présentation du rapport, les députés n’ont pas fait de cadeau à la commission. Ils ont déploré le contenu du rapport qui ne reflèterait pas par endroits la réalité en ce qui concerne surtout l’état des lieux des droits civils et politiques principalement les violations des droits lors des processus électoraux de 2020 et 2021 et des exécutions extrajudiciaires dénoncées. Orden Alladatin par exemple a trouvé le rapport à charge contre le Bénin. « Ce sont ces genres de rapport qui contribuent à déclasser le Bénin à l’international », poursuit-il.
Orden Alladatin sera appuyé dans sa critique par plusieurs de ses collègues dont Gildas Agonkan, Sédami Mèdégan Fagla, Patrice Nobimè Agbodranfo, Wallis
Zoumarou et Boniface Yèhouétomè. Ils sont tous d’accord pour que soit réformée la commission pour plus de regard dans la rédaction du rapport qui doit être déposé aux Nations Unies. Néanmoins, ces observations n’ont pas empêché les députés de prendre acte du rapport présenté hier.