Le nouveau Baromètre Mondial de la Corruption en Afrique en 2019, publié à l’occasion de la Journée Africaine de Lutte Contre la Corruption par Transparency International et Afrobaromètre, révèle que plus d’une personne sur quatre qui ont eu accès aux services publics durant l’année écoulée ont dû verser des pots-de-vin. Au Bénin, des pots-de-vin sont versés lors de la passation des marchés publics. Comment s’opère cette corruption dans la commande publique ?
Abdul Wahab ADO
« Gagner un marché public, n’est pas celui qui a la capacité technique et financière mais qui a les bonnes relations », confie Adama Agossou, gérante d’une société de vente de matériels informatiques. Cette femme d’affaires, raconte : « au cours de l’année 2020, j’ai soumissionné à plusieurs marchés lancés tant dans les ministères que dans les communes sans rien gagner. C’est après cela que j’ai compris qu’il faut tisser des relations avec quelques Personnes Responsables des Marchés Publics (PRMP). Ce que j’ai fait et au cours de l’année 2021, j’ai eu à gagner quelques marchés », a-t-elle confié avant d’ajouter : « J’ai dû faire des promesses qu’en gagnant je serai reconnaissant. Et c’est cela qui m’a permis de gagner un marché de 15.000.000 FCFA. Le secteur des marchés est un circuit fermé, même si les textes demandent la transparence, il y a des manières d’élimine des prestataires». Pour Mathieu Hountondji, Directeur d’une société des BTP à Porto-Novo et Ifangni, « Il faut avoir des contacts mais aussi être reconnaissante envers les PRMP si vous voulez gagner vraiment les marchés ». Puis, il joute « dès fois et surtout, en fin d’année ou en début d’une nouvelle année, il faut faire des gestes aux responsables de la gestion des marchés publics ou aux Directeurs de l’administration financière (DAF). Certains responsables de gestion de marchés publics nous demandent ouvertement des pourcentages à prendre déjà lors du dépôt des dossiers d’appel d’offres. Tout le monde sait que ce n’est pas facile de gagner un marché public. C’est un réseau fermé même si vous avez toutes les compétences ». Cette confidence de Mathieu Hountondji conforte la déclaration de la gérante, Adama Agossou sur la pratique des manœuvres frauduleuses dans la passation des marchés publics. Mais ces allégations ont été rejetées par Jules Akapko Mahoussi, Juriste-Spécialiste en passation des marchés publics. Selon l’expert en passation des marchés, il y a des sanctions qui sont prévues dans le code des marchés publics en cas de corruption. Quant à Théodule Nouatchi, membre du Front des organisations de lutte contre la corruption (FONAC) enseignant chercheur en droit à l’Université d’Abomey-Calavi (Uac) et ancien membre de l’ARMP, il explique que la corruption est un fait de société, une action, un fléau qui met en contact deux individus mais qui ont choisi la complicité comme jeu. Ça se passe comme entre des personnes intimes. Et dès lors que le corrupteur et le corrompu sont frappés de la même peine, jusqu’à l’abrogation de la dernière loi, il est difficile de voir quelqu’un dénoncer, sauf s’il est dans l’ignorance qu’en dénonçant il ne sera pas puni. C’est ça qui a fait que la corruption existe et nous en sommes conscient. On soupçonne l’existence de la corruption mais jamais vous ne l’appréhendez parce que, c’est un jeu ou chacun tire son intérêt et personne ne veut dénoncer son prochain. Partout où il y a un jeu, il y a un enjeu pour chacun. L’enjeu du corrupteur c’est d’obtenir le résultat qu’il cherche et le corrompu, d’obtenir de l’argent au passage. Voilà pourquoi les cas de corruption ne font pas du bruit. En effet, des organisations de la société civile luttent pour la bonne gouvernance dans les marchés publics. Dans ce sens, l’Ong Alcrer fait la veille citoyenne depuis des années. Elle a demandé à avoir accès à certains contrats depuis 2018 que sont : les contrats de Leasing, asphaltage, le contrat de gestion au Port autonome de Cotonou mais en vain. Il faut dire également qu’il est constaté quelques irrégularités dans la passation des marchés publics. Pour preuve, dans la passation d’un marché de construction de boutiques: l’Armp a constaté dans la commune de Tanguiéta des irrégularités.
Sanctions pour traitement inégalitaire des candidats à la commande publique
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L’Autorité de régulation des marchés publics n’est pas restée indifférentes à sanctionner les responsables de la passation des marchés publics. Pour traitement inégalitaire des candidats à la commande publique, deux PRMP (Pobè et Adja-Ouèrè) ont écopé 5 ans d’exclusion de l’ARMP.
De plus, pour la bonne transparence dans la commande publique, des audits de gestion des marchés publics de 2016-2017 ont diligentés. Les résultats des audits rendus publics lors des dernières séances de dissémination de 2021 ont révélé des irrégularités dans la gestion de la commande publique. Selon les résultats présentés par SEGBO TABE de l’ARMP, au nombre des irrégularités, on peut citer entre autres, les procédures irrégulières dans la passation, le non archivage d’archivage, des documents de passation ; dépassement des 10% dans la procédure de gré à gré des marchés passés sans l’avis favorable de la Direction nationale de Contrôle des marchés publics (DNCMP), non-respect du nombre de plis pour les ouvertures ; non-respect des délais de publication des avis d’attribution ; défaut de validation des PV d’ouverture, de jugement et d’analyse par les cellules de contrôles des marchés publics (CCMP), etc. Les résultats de ces audits révèlent des manœuvres frauduleuses dans la commande publique. En effet, pour pallier aux manœuvres frauduleuses, l’ARMP a un grand rôle à jouer dans ce sens. Le régulateur devrait renforcer davantage ses audits de vérification. Selon Rodrigue Gislain Sagbo, expert en bonne gouvernance, pour réduire la corruption au Bénin notamment dans les marchés publics, il faut revoir les textes en matière de lutte contre la corruption. Le dénonciateur ne doit pas encourir les mêmes peines que le corrupteur. L’expert en gouvernance a insisté sur le respect des accords et conventions en matière de lutte contre la corruption. Rodrigue Gislain Sagbo, a insisté sur la déclaration effective de patrimoine l’indication des précédents emplois et postes rémunérés en dehors de la fonction publique, ces dispositions peuvent permettre de détecter efficacement les conflits d’intérêts potentiels et d’éventuels enrichissements illicites.
De fortes sanctions et d’amende et pourtant……
Pour rappel la loi N°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes, en son article 40 : « est puni d’un emprisonnement de 5 ans à 10 ans et d’une amende égale au triple de la valeur des promesses agréées ou des choses reçues ou demandées, sans que ladite amende puisse être inférieure à 1.000.000 FCFA… ». L’application de ces mesures nécessite à priori des dénonciations, preuve à l’appui. Mais difficile d’apporter certaines preuves. Et, pourtant la loi n°2020-26 portant code des marchés publics en république du Bénin prévoit entre autres en son article 7 les principes fondamentaux en gestion des marchés publics que sont, liberté d’accès à la commande publique ; transparence dans les procédures, égalité de traitement des candidats et soumissionnaires. L’article 126 et 127 du code à élégamment prévue des sanctions d’interdiction d’u délai de 5 ans de prendre part à temps ou à vie à une procédure de passation des marchés publics. L’article 127 du code a prévu des sanctions pour violations allant de cinq à 10 ans d’emprisonnement et d’une amande de 25 millions FCFA à 500 millions de FCFA. L’Armp doit saisir toutes les juridictions compétentes des violations de la règlementation.
L’ARMP, le gendarme de la commande publique
L’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) assure, entre autres, la régulation de l’ensemble du système de passation de la commande publique. Le régulateur assure l’organisation du système de formation de l’ensemble des acteurs de la commande publique et le développement du cadre professionnel ; la mise en œuvre des procédures d’audits techniques indépendants de la commande publique ainsi que la sanction des irrégularités constatées. L’ARMP collecte, traite, analyse et centralise, en vue de la constitution d’une banque de données, la documentation et les statistiques notamment les avis, autorisations, procès-verbaux, rapports d’évaluation, marchés et tous autres rapports d’activités, sur l’attribution, l’exécution et le contrôle de la commande publique ; établi et publie régulièrement une liste des personnes physiques et morales ainsi que des agents publics ayant fait l’objet de sanctions ; assure annuellement par le biais d’audits techniques indépendants, le contrôle périodique a posteriori de la passation et de l’exécution de la commande publique; s’assure de l’application effective de la réglementation par l’ensemble des acteurs du système de la commande Publique; prononce conformément aux dispositions en la matière, les sanctions pécuniaires et ou d’exclusion prévues par les dispositions du code des marchés publics ; exclut de la commande publique, pour une durée limitée ou de façon définitive, les personnes physiques, les personnes morales et les agents publics qui ont violé la réglementation de la commande publique ou qui ont usé de pratiques frauduleuses.