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Réformes fiscales au Bénin: Interview exclusive du Directeur Général des Impôts Nicolas YENOUSSI

Publié le mardi 4 janvier 2022  |  aCotonou.com
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© aCotonou.com par DR
Nicolas YENOUSSI, Directeur Général des Impôts (DGI)
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Aux commandes de la Direction Générale des Impôts du Bénin depuis plus de cinq ans, Nicolas Yènoussi, parle de ses actions pour rendre la structure qu’il dirige plus performante et moins crainte des contribuables. Il parle également des réformes pour élargir l’assiette fiscale et réduire la fuite de recettes pour optimiser la mobilisation des ressources au profit de l’État… Interview…


Comment se porte la DGI ?

La Direction Générale des Impôts se porte très bien au regard des performances réalisées depuis quelques années. Aujourd’hui, la DGI est incontestablement la première régie financière du pays. Nous atteignons et dépassons, chaque année, les objectifs de mobilisation des ressources au profit de l’État. Mais nous sommes conscients que tant qu’il reste à faire, rien n’est encore fait. En effet, il reste beaucoup à faire pour améliorer la qualité des services rendus aux contribuables et accroître les recettes fiscales.

Bauneste Alissoutin

Que retenir de vos actions depuis votre avènement à la tête de la Direction Générale des Impôts ?

Ce qu’il importe de retenir est que mon équipe et moi avons mis en œuvre plusieurs réformes, tant structurelles que fiscales, aux fins de faciliter la vie aux contribuables.

Réformes structurelles

Des réformes structurelles mises en œuvre sur les cinq (5) dernières années, on peut retenir :

La bancarisation des recettes des impôts

En prélude à la mise en place des télé-procédures, la Direction Générale des Impôts (DGI) a expérimenté, pendant douze (12) mois (juillet 2017 à juin 2018), l’exploitation de la plateforme de bancarisation des recettes. Il s’agit d’une plateforme qui permet aux contribuables de payer leurs impôts et taxes directement à partir de leur banque sans se déplacer vers les guichets de la DGI. Seules les 200 plus grosses entreprises de la Direction des Grandes Entreprises (DGE) étaient concernées.

La mise en place de la plateforme d’échanges automatiques de renseignements Impôts-Douane-Budget.

En 2017, il a été mis en place une plateforme d’échanges automatiques de données entre la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects (DGDDI), la Direction Générale du Budget (DGB) et la Direction Générale des Impôts (DGI). Cette plateforme d’échanges des données permet de suivre les importations et les exportations des contribuables, les marchés publics qui leur sont attribués et les mandatements effectués par le Budget à leur profit. Ce système permet de bloquer (désactiver l’Identifiant Fiscal Unique) les contribuables qui ne seraient pas à jour vis-à-vis du fisc ou qui minorent leurs déclarations de chiffre d’affaires. Il faut noter que cette mesure oblige les contribuables perfides à régulariser leur situation fiscale et à sortir certains de l’informel. Aussi, certains contribuables qui sont dans les Centres des Impôts des Petites Entreprises (CIPE) et qui font des importations supérieures à cinquante millions sont systématiquement contrôlés et transférés dans les centres des impôts de segment supérieur. Pour assurer la disponibilité en temps réel des données fiables sur les importateurs connus ou non de la Direction Générale des Impôts ainsi que sur le volume des importations, la plateforme est régulièrement mise à jour par la Direction de l’Information (DI) de la DGI en collaboration avec le service informatique de la Douane.

La mise en production du Système Intégré de Gestion des Taxes et Assimilés (SIGTAS)

La DGI a procédé en mars 2017 à la mise en production, à travers le Projet d’Appui à l’Accroissement des Recettes Intérieures du Bénin (PAARIB), d’un nouveau système de gestion des impôts et taxes (SIGTAS) avec un entrepôt de données muni d’un système d’analyse de business intelligent (BI). Il s’agit d’un nouveau système de gestion intégrée des impôts et taxes dont le déploiement a commencé à la DGI au début de l’année 2018. Il assure la transparence dans les opérations de gestion de l’impôt et contribuera à la réduction de la fraude fiscale.

La mise en place des téléprocédures

Lancées en mars 2018 à la Direction des Grandes Entreprises (DGE), les télé-procédures permettent aux contribuables, entre autres :

de gérer leur espace au sein du système d’informations de la DGI;
de produire et de soumettre en ligne leurs déclarations fiscales et les annexes y afférentes;
d’accéder à leur compte d’impôt;
de déclarer et de payer en ligne tous les différents types d’impôts et taxes;
d’échanger des informations avec l’administration fiscale à partir de la gestion de courriel.
Pour l’administration fiscale, les télé-procédures permettent de :

sécuriser les deniers publics;
suivre les déclarations et les paiements des impôts par les contribuables en temps réel et relancer les contribuables défaillants;
disposer d’une base de données d’informations sur les contribuables aux fins de recoupements ;
redéployer les ressources humaines autrefois mobilisées pour les activités de caisses à d’autres tâches.
Depuis le 1er février 2019, les télé-procédures sont étendues à tous les Centres des Impôts des Moyennes Entreprises (CIME) du périmètre du Projet d’Appui à l’Accroissement des Recettes Intérieures du Bénin (PAARIB). Il s’agit des CIME Littoral 1 et 2, CIME Atlantique et du CIME Borgou-Alibori. L’obligation est faite à toutes les grandes et moyennes entreprises de déclarer et de payer en ligne les différents types d’impôts et taxes auxquels elles sont assujetties. Jusqu’en décembre 2019, seuls les impôts d’Etat pouvaient faire l’objet de télé-procédures. A partir de janvier 2020, les télé-procédures ont intégré la déclaration et le paiement des impôts locaux à savoir la patente et la licence. Les moyennes et grandes entreprises payent désormais leurs impôts locaux que sont la patente et la licence en ligne. Elles disposent désormais d’un interlocuteur fiscal unique. Dans le cadre de l’amélioration du climat des affaires au Bénin, la Direction Générale des Impôts (DGI) et la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) ont conjugué leurs efforts pour rendre disponible la déclaration et le paiement des cotisations sociales sur la plateforme E-service des télé-procédures. Depuis le mois de février 2020, les moyennes et grandes entreprises ne se déplacent plus pour déclarer et payer les cotisations sociales de leurs employés.

La réforme des factures normalisées

La réforme des factures normalisées a pour objectif global l’augmentation du niveau de recouvrement des impôts, notamment la TVA, l’IRPP et l’IS grâce à une lutte efficace en amont contre la fraude fiscale liée à la dissimulation des transactions. Après une phase pilote qui a duré du 30 mars 2018 au 1er décembre 2019, la réforme des factures normalisées est entrée dans la phase de généralisation le 02 décembre 2020 et un moratoire, dont l’échéance était fixée au 31 mars 2020, a été accordé aux moyennes et grandes entreprises pour démarrer la délivrance des factures normalisées. Depuis le 1er juillet 2021, la réforme a été généralisée à toutes les catégories de contribuables. Plusieurs séances de sensibilisation ont été organisées à l’attention des contribuables sur toute l’étendue du territoire afin de leur montrer les bien fondés de cette réforme. Des journées portes ouvertes ont été faites à Cotonou et à Parakou. Elles se tiendront dans les autres départements également. En vue d’obtenir l’adhésion des populations à cette réforme, il est organisé un jeu tombola au profit des personnes qui lors de leurs achats exigent et obtiennent la facture normalisée de leur fournisseur. Ainsi, à travers une vaste campagne de communication, il a été demandé aux citoyens d’exiger la facture normalisée lors de leurs opérations d’achats et de gagner de nombreux lots en numéraires et en natures.

La mise en place de la plateforme de dépôt des états financiers en ligne : e-Bilan

Lancée le 25 juin 2019 par le Ministre de l’Economie et des Finances, la plateforme de dépôt des états financiers en ligne dénommée e-Bilan, marque une étape supplémentaire dans la dématérialisation complète des procédures fiscales entamées par la Direction Générale des Impôts depuis 2016. Il s’agit d’une plateforme web qui permet aux contribuables de soumettre, à partir de leur compte, les états financiers dématérialisés à l’administration fiscale. En effet, la loi fait obligation aux contribuables de faire accompagner à leurs déclarations fiscales annuelles les états financiers de l’exercice antérieur en cinq (05) exemplaires en version papier. Il s’agit de documents volumineux produits chaque année par le contribuable dont un exemplaire ayant reçu l’attestation de dépôt de l’administration fiscale lui est retournée et les quatre autres distribués entre la DGI, l’INSAE, la BCEAO et le greffe du Tribunal de Commerce. Cette réforme présente de nombreux avantages pour les différents acteurs du système de dépôts et d’exploitation des états financiers que sont les contribuables, les experts comptables et comptables agréés, la Direction Générale des Impôts et les autres destinataires des états financiers (BCEAO, INSAE, Greffe du Tribunal de Commerce). Au nombre de ces avantages, nous pouvons citer :

la dispense de la production de cinq (05) exemplaires en version papier des états financiers ;
la suppression des longues files d’attentes constatées les derniers jours de la date limite de dépôt des états financiers ;
la création d’un espace numérique pour consulter les données des états financiers déclarés et transmis ;
l’offre d’un environnement sécurisé, intégré et structuré de gestion de l’information financière ;
la création d’un centre de messagerie entre les acteurs du système ;
la dématérialisation de la mise à disposition des états financiers à la BCEAO, à l’INSAE et au Greffe du Tribunal de Commerce ;
la dématérialisation du VISA de l’expert-comptable ou comptable agréé et de l’attestation de dépôt des états financiers.
A travers cette plateforme, la DGI dispose des informations dématérialisées sur les états financiers des contribuables stockées sur des serveurs.

La mise en place d’un système de paiement de la Taxe sur les Véhicules à Moteur (TVM) par téléphonie mobile

Depuis son institution dans la loi de finances en 2017, la Taxe sur les Véhicules à Moteur (TVM) est l’un des impôts dont le potentiel de recouvrement n’est pas suffisamment exploité. Face aux nombreuses difficultés rencontrées dans le contrôle du paiement de la TVM par les contribuables propriétaires de véhicules à moteur, la dématérialisation du recouvrement de cette taxe offre des perspectives pour l’amélioration de son rendement. La plateforme de paiement de la TVM par téléphonie mobile a été lancée le 12 janvier 2020. L’objectif de cette réforme est de faciliter le paiement de la TVM et d’améliorer le recouvrement de cette taxe. Cette réforme présente de nombreux avantages aussi bien pour les contribuables que pour l’administration fiscale à savoir :

le gain de temps pour les contribuables qui ne sont plus obligés de se déplacer pour payer cette taxe ;
éviter les longues files d’attentes constatées les derniers jours de l’échéance du 31 mars ;
sécuriser les recettes fiscales ;
suivre l’évolution des recettes de la TVM sur toute l’étendue du territoire.
La mise en place d’une plateforme web pour l’enregistrement des actes authentiques et sous seing privé

Poursuivant le processus de dématérialisation de ses services, la Direction Générale des Impôts a mis à la disposition de ses usagers, depuis le 10 juillet 2020, une plateforme web dénommée e-enregistrement.impots.bj pour l’enregistrement des actes authentiques (Greffes des tribunaux, notaires, huissiers, commissaires-priseurs) et sous seing privé (acte juridique rédigé par les parties à l’acte ou par un tiers dès lors que celui-ci n’agit pas en tant qu’officier ministériel).

Cette plateforme présente de nombreux avantages aussi bien pour les usagers que pour l’Administration Fiscale. Pour les usagers, e-enregistrement permet de :

pré-liquider, de payer et de suivre en ligne leurs actes ;
de gagner du temps et d’éviter les tracasseries, les longues files d’attente, les difficultés de suivi du dossier, etc ;
économiser les ressources financières en évitant les frais de transport, les pénalités pour défaut tardif, etc.
Pour l’Administration Fiscale, e-enregistrement permet de :

moderniser les pratiques dans les Centres d’Enregistrement et des Timbres (CET) et mieux servir les contribuables ;
archiver la version dématérialisée des actes soumis à l’enregistrement.
Les Réformes fiscales

En ce qui concerne les réformes fiscales, on peut citer :

Taxation des mutations de biens meubles et immeubles ainsi que les actes de créances des sociétés à 0%

Cette mesure de taxation permet d’encourager non seulement la formalisation des mutations mobilières et immobilières, mais aussi l’acquisition des titres de propriétés.

Simplification de la législation en matière de la Taxe Professionnelle Synthétique (TPS)

C’est une mesure dont l’objectif principal est de mettre en place une fiscalité adaptée aux micros et petites entreprises.

Automatisation de l’application des pénalités de retard par le re-paramétrage des systèmes d’information

Cela permet de réduire le taux de paiement hors délai.

Compensation automatique de l’acompte AIB (douanier et intérieur)

Cette mesure permet d’améliorer la qualité des services aux contribuables et d’assurer la transparence fiscale.

Institution d’un prélèvement sanction à la charge des contribuables non connus du fisc

Il s’agit d’un prélèvement qui vise à renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Quelle leçon tirer de votre expérience à la DGI ?

La principale leçon qu’il convient de retenir est que quand nous sommes à un poste de responsabilité, nous devons être prêts à servir l’intérêt général. Chacune de nos actions doit être guidée par l’amour du travail bien fait.

Que peut-on retenir des performances réalisées ces 5 dernières années ?

Les performances fiscales réalisées par la DGI ces 5 dernières années constituent le résultat d’une série de réformes de l’administration et de politique fiscales engagées que je viens de citer plus haut. Toutes ces réformes ont pour but de moderniser les procédures, renforcer le civisme fiscal, élargir l’assiette fiscale et améliorer le recouvrement de l’impôt. L’ensemble de ces réformes ont permis à la DGI du Bénin de se hisser au rang de la première régie du Bénin mais aussi des administrations fiscales les plus modernes de la sous-région. Ces réformes ont non seulement permis de renforcer le civisme fiscal mais de faciliter l’adhésion des contribuables-clients au financement de l’économie nationale. En termes de mobilisation, les recettes de la DGI sont passées de 381,10 milliards FCFA en 2016 à 619,90 milliards FCFA en 2020, soit un accroissement moyen de 13,3% en dépit des chocs exogènes qu’a connu l’économie nationale au cours de la période sous revue notamment la fermeture des frontières nigérianes sur près de 15 mois et la pandémie de la Covid-19 depuis 2020. Les réformes engagées par la DGI ont considérablement contribué à l’atteinte de ces résultats. Avec ce niveau de mobilisation de recettes, la DGI a efficacement contribué à la mise à disposition de ressources financières pour le financement du programme d’action du gouvernement en particulier et de l’économie nationale en général.

Qu’est-ce qui peut expliquer ces performances de la DGI ?

Une seule chose : le travail ! J’ai la chance d’avoir à mes côtés, des cadres totalement dévoués à la tâche, qui se sacrifient pour la réussite des réformes qui sont mises en œuvre. Les différentes performances enregistrées par la DGI sont la résultante de ces réformes. Le mérite n’est pas du tout personnel. Ce qui a été fait, est à mettre à l’actif de tous les cadres de la régie dont j’ai la charge. C’est l’occasion de remercier, personnellement, le Ministre d’Etat chargé de l’Economie et des Finances pour la confiance et l’accompagnement dont ma direction bénéficie au quotidien.

Pourquoi autant de réformes en un temps record ?

Certes, il y a eu beaucoup de réformes sur les cinq dernières années. Mais, tenez-vous tranquille, toutes ces réformes ont été conduites méthodiquement et s’inscrivent dans la mise en œuvre du Plan d’Orientation Stratégique de l’Administration Fiscale (POSAF) 2017-2021.

Quelles sont les relations entre la DGI, le trésor et la DGB ?

Les relations entre ces différentes structures sous tutelle du Ministère de l’Economie et des Finances sont des plus cordiales. Comme mentionné plus haut, il existe une plateforme d’échanges d’informations Impôts-Douane-Budget qui fonctionne très bien. Elle intègre une interface qui permet directement au Trésor public de partager des informations sur les marchés exécutés au niveau des communes. Tout cela fonctionne bien et permet de sécuriser les ressources de l’Etat. La création de cette plateforme permet essentiellement de satisfaire aussi bien les indicateurs de Doing Business que les exigences de la directive n°02/2012/CM/UEMOA portant modernisation et harmonisation des systèmes d’échange d’informations entre les Administrations douanières et fiscales dans les Etats membres de l’UEMOA.

Quels sont vos rapports avec vos collaborateurs ?

Les rapports avec les collaborateurs sont très bons. C’est d’ailleurs ce qui explique les performances de la régie depuis quelques années.

Quelles sont les perspectives pour une DGI encore plus performante dans la réalisation de ses objectifs ?

En termes de perspectives, il faut dire que notre priorité est désormais d’améliorer les différentes réformes déjà mises en œuvre pour le bonheur des contribuables. Et nous sommes constamment à l’écoute des contribuables pour le faire.Par exemple, le nouveau code général des impôts, adopté le 8 décembre 2021 par les députés, sur l’initiative du gouvernement contient plusieurs innovations à l’avantage des entreprises que je salue au passage pour leurs contributions on ne peut plus importantes dans la mobilisation des ressources au profit de l’Etat. Par ailleurs, d’autres projets seront mis en œuvre en vue de faciliter la gestion à l’interne de la DGI et la prise de décision suite à des analyses méthodiques. L’élaboration du Plan Stratégique de l’Administration Fiscale (POSAF) 2022-2026 donnera plus de détails.
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